Avenue des Géants de Marc Dugain

Par Ngiroux

22 novembre 1963, une date mémorable, l’assassinat de JFK, et celui où, un  adolescent au quotient intellectuel supérieur à celui d’Einstein, au gabarit hors du commun, mesurant déjà 2,20 mètres, deux parents absents, une mère alcoolique, un père remarié, tue froidement ses grands-parents avec une winchester de calibre 22 offert par son grand-père pour son anniversaire. Du fond de sa cellule, Al Kenner se raconte, se confesse. 

« À aucun moment, je n’imaginais que j’allais m’en sortir. Je souhaitais juste respirer un grand bol d’air avant de vivre ce qui m’attendait, la prison à vie, voire la chaise électrique.»

Diagnostic du tribunal : schizophrène paranoïde. Jugé irresponsable et confié à la California Youth Autority.

«J’ai fait cinq ans  d’hôpital psychiatrique. On m’a jugé irresponsable. Ce que je  conteste. La responsabilité, c’est la grande question de l’existence. Qui est responsable et qui ne l’est pas? Je plaide l’irresponsabilité générale pour l’humanité. Mais pas pour moi.

On tuait beaucoup sur cette côte à cette époque. Au début des années 70, ce syndrome de l’estuaire frappait la Californie. Je l’analyse à ma façon. Nous étions les enfants de l’après-guerre. Nos pères en avaient vu de belles dans le pacifique et en Europe, et les non-dits à l’intérieur des familles se dissimulaient derrière la prospérité.  La famille traditionnelle s’était souvent transformée en cauchemar, on voyait pour la première fois à la télévision des images de massacre en Indochine, l’aiguille de la boussole tournait affolée pour bien des jeunes qui ne savaient plus comment exister. Certains n’ont rien trouvé d’autre que de tuer, et en masse, comme si tuer une seule personne ne suffisait plus.»

Dugain inspiré par le tueur en série Edmund Kemper, début des  années 70, surnommé l’ogre de Santa Cruz, aujourd’hui emprisonné à perpétuité. L’avenue des Géants offre une formidable intrusion psychologique d’un tueur en série,  comme toile de fond, les années du mouvement hippie de la côte californienne.  Un roman captivant, une très belle réussite.

 «Romancer un personnage, c’est le trahir pour mieux servir ce que l’on ressent de sa réalité.»