Dossier : RIP D&G;, rétrospective

Publié le 13 septembre 2012 par Modissimo

Rest In Peace D&G.

Après des années à faire rêver les très jeunes et les très très jeunes, la ligne D&G s’est éteinte : les dernières boutiques ferment actuellement. Que s’est-il passé ? Choix stratégique ou perte d’identité ? Qu’est ce qui faisait l’esprit de D&G ?

Je vous fais l’affront de vous rappeler la summa divisio qui structurait jusqu’à présent le groupe de mode italien :

  • Dolce & Gabbana : la première ligne. La plus luxueuse, la plus chère et la plus représentative de l’identité des 2 créateurs.
  • D&G : jeune, plus accessible, et finalement plus populaire. C’était l’objectif et l’aspiration de cette défunte ligne.

Et bien aujourd’hui cette distinction n’est plus, la seconde ligne ayant été « refondue » au sein de la première. Mais que s’est-il passé ? Choix stratégique ou perte d’identité ? Qu’est ce qui faisait l’esprit de D&G ? Retour sur la gloire de ce qui fut l’une des plus grandes griffes du monde de la mode italienne.

La génèse de D&G

Créée en 1994, soit 10 ans après la première ligne, D&G marque l’ère nouvelle des secondes lignes de grandes marques de luxe. L’idée est simple : proposer une alternative entre le costume trop chic de papa et les « tendances de masse » très cheap de chez H&M. L’exemple le plus abouti de ce « concept » est celui du jean de luxe, que l’on retrouve dans toutes les boutiques des grands noms de la mode aujourd’hui.

Penchons-nous plus concrètement sur l’esprit D&G… Vous me pardonnerez mes difficultés à retrouver de vieux visuels des premiers défilés des années 90… Pour vous donner une idée, l’homme D&G de l’hiver 1995 a les cheveux longs et atrophiés de brillantine, il porte une gabardine en cuir noir verni, un pantalon en fine laine vierge kaki et des mocassins en daim noir… Si le cuir verni noir ne vous fait pas rêver, sachez que ce fût pourtant la valeur ajoutée du duo de créateurs : il représente parfaitement cet excès et cette audace que l’on peut se permettre lorsque l’on s’adresse aux jeunes !

Afin d’illustrer plus en détail l’esprit de la marque, voici une petite sélection des looks les plus réussis ou les plus emblématiques.

Spring Summer 2005


Fall Winter 2005


Fall Winter 2006


Fall Winter 2007


Spring Summer 2008


Spring Summer 2008

Arrêtons-nous sur cette collection Primavera Estate 2008 car, à mon sens, c’est la plus réussie ! C’est jeune, c’est original, la qualité des coupes est excellente, et il y a ce petit coté décalé incarné par les accessoires et imprimés nounours.
C’est la représentation parfaite d’un lifestyle à l’italienne pour jeunes. Du cuir et des fermetures brillantes, des sneakers montantes blanches portées avec une chemise cintrée… Il y a là une grande fraicheur dans le style, et la qualité est toujours là.

Fall Winter 2008

Spring Summer 2010

Fall Winter 2010

Spring Summer 2012, l'ultime collection

Logo, logo, logo

On remarquera que sur la fin, les collections D&G ne sont qu’un déballage de jeans un peu trop délavés… Il y a toujours de belles pièces et cet esprit très jeune et branché, mais globalement, pas de renouvellement dans la création tel qu’on pouvait le voir sur les collections précédentes. Mais est-ce suffisant pour justifier l’arrêt de cette ligne ? Car la clientèle D&G nouvelle génération reste avant tout intéressée par le logo, plus que par la création en elle-même (souvent, les pièces les plus originales ne sont pas siglées). Très clairement, cette ligne était très rentable tant elle était diffusée.

Mais là était justement le problème. Trop c’est trop : T-shirts D&G à vendre sur des centaines de sites internet, ceintures de contrefaçon pendues à tous les jeans des lycéens, montres distribuées jusque dans les galeries marchandes de province… Clairement, à trop vouloir démocratiser la mode (et à trop vouloir faire du profit), D&G a signé son arrêt de mort.

Merci eBay

Les raisons de la chute

D’une part, l’élitisme dans la distribution reste un élément important du marketing du luxe : c’est lui qui permet de susciter le désir, de jouer sur la rareté et sur l’unicité du produit.

D’autre part, ayant cédé aux sirènes de la délocalisation en Asie, les 2 créateurs ont porté un coup terrible à la qualité de leurs vêtements. Même la plupart de leurs cuirs sont ne sont plus fabriqués en Italie, et les fameuses doudounes en plumes d’oie brillantes ont pâti de l’assemblage moyen de gamme effectué en Chine…

Résultat ? Du jean moyen de gamme vendu en moyenne 200€, aperçu à chaque coin de rue… Cela aurait pu se maintenir ainsi si la première ligne ne souffrait pas de cette cohabitation avec la petite sœur devenue ligne « de masse ».

C’est finalement un responsable de boutique Dolce & Gabbana qui l’explique le mieux « Les gens ne font pas la différence entre D&G et Dolce & Gabbana. Le problème, c’est que notre clientèle le sait, et qu’elle apprécie peu d’être assimilée aux petits branleurs du coin qui arborent du logo à tout va ».

Le message est clair : il faut redresser la barre rapidement et monter en gamme, sinon la première ligne luxe à laquelle Domenico et Stefano sont le plus attachés perdra (encore plus) de son prestige.

C’est fin 2011 que la maison annonce la fin de D&G…

Aujourd’hui, on aurait tendance à dire que ce n’est pas un mal. Mais plus objectivement, il est dommage que Dolce et Gabbana n’aient pas su maintenir leur griffe au niveau du milieu des années 2000, avec une forte identité basée sur le style, la création et la qualité….

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