Rencontre avec Andreas, au Musée des Arts et Métiers

Publié le 13 septembre 2012 par Un_amour_de_bd @un_mour_de_bd

A l’occasion de l’actualité chargée d’Andreas (parution de l’intégrale de Rork, du Rork T0 et du capricorne T16) Son éditeur, Le lombard, a organisé une conférence, menée par Benoit Mouchard, Directeur Artistique du FIBD et Antoine Maurel, éditeur aux éditions du Lombard. Voici le contenu de cette conférence, consacré à cet immense auteur en attendant ma chronique du dernier Capricorne.


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B. M ou A. M Vous êtes un auteur qui parle peu. Pourquoi cette réserve ?
A. J’aime le coté “travail”. Mes bouquins sont connus. Moi pas !
B. M ou A. M “Rork” a été créé en 78 ?
A. Oui, dans le journal de Tintin. C’était des histoires courtes à l’origine.
B. M ou A. M Des histoires autonomes ?
A. Oui, indépendantes, mais la rédaction m’a demandé de les réunir. j’ai inventé un “fil rouge” pour les lier.
B. M ou A. M On vous attribue souvent comme influence Lovecraft.
A. C’est une étiquette qu’on m’ a collé. A l’époque de Cromwell Stone, je lisais beaucoup de livres fantastiques (comme Lovecraft). J’avais envie de raconter ce type d’histoire. A ce moment on m’a associé à cette référence, mais ce n’est pas vraiment une influence.
B. M ou A. M Vous êtes allemand. Qu’est ce qui reste de votre “germanitude” ?
A. Je ne sais pas…(rire)
B. M ou A. M Le dernier “Rork” date de 1993. Pourquoi y être revenu 10 ans plus tard ?
A. J’avais l’histoire ! Je ne voulais pas spécialement faire ca. Ca s’est imposé.
Qu’est-ce que “Rork” ?
A. “Rork” est devenu une recherche de l’identité du personnage. Le fantastique, pour moi, c’est une façon d’exprimer des choses intérieures. La fonction de “Rork” est d’être un observateur. Il subit, puis il va prendre sa vie en main. Comme mes personnages principaux, il est contemplatif !
Je n’aime pas l’opposition bien/mal. Il n’y en a pas dans “Rork”. Il navigue dans “l’humanité”. Il y a peu d’émotions, mais c’est surtout la mécanique de l’histoire qui m’intéresse. “Rork” est une série commencée dans un contexte précis (le journal de Tintin), mais je m’en suis éloigné.
B. M ou A. M Comment êtes-vous arrivé à la bande dessinée ?
A. La Bande dessinée, c’est mon mode d’expression. Ca fait partie de moi. Ca me plait de raconter avec des images. Pas seulement la narration ou le dessin, mais ce mode d’expression particulier.
B. M ou A. M Pourtant, vous travaillez un scénario d’abord ?
A. Oui, mais dans mon scénario, j’écris chaque case, une après l’autre.
B. M ou A. M Comment passer de la narration à la planche ?
A. Quand j’écris un album, c’est prêt dans ma tête. La forme m’est imposée par l’histoire. Je raconte en dessinant.
B. M ou A. M Vous remettez en cause les codes graphiques régulièrement. pourquoi ?
A. Au tout début, j’essayais de faire de la bd traditionnelle. mais ce n’était pas réussi.
C’est venu “en faisant”. C’est le plaisir d’essayer de nouvelles choses, “d’élargir les codes de la bd”, de découvrir ce qui est possible qui me fait avancer.
B. M ou A. M Sur “Capricorne”, il y moins de recherche formelle ?
A. J’ai commencé un traitement plus conventionnel, mais j’ai eu envie d’autres histoires, et donc, d’autres façon de les raconter.
B. M ou A. M Vous dessinez l’Amérique, en particulier New-York, mais vous n’y êtes jamais allé ?
A. Ne pas connaitre New-York me permet de le fantasmer, de l’inventer. Comme cela, je suis très libre. Je ne cherche pas l’authenticité.
B. M ou A. M Qu’est ce que représente New-York ?
A. New-York, C’est LA VILLE. J’ai vécu longtemps dans des grandes villes (Düsseldorf, Bruxelles, Paris). J’y suis bien.
New-York, c’est “Gotham”.
B. M ou A. M Il y a beaucoup de Batman (livres, figurines) chez vous. C’est une influence ?
A. Oui, particulièrement le Batman de Neal Adams. J’aime le coté “sombre”, qu’il a développé.
B. M ou A. M Quel est ton rapport à l’architecture ?
A. Entre 6 et 18 ans, je voulais être architecte. j’ai toujours aimé cela. En école d’art, j’ai appris la perspective avec un architecte. J’étais un des rares étudiants que cela intéressait.
B. M ou A. M Rork T0, c’est une préquelle. Capricorne, c’est un “spin-off” de Rork. Tu entretiens des rapports “originaux” avec tes séries ?
A. Dans une série, j’ai du plaisir à mélanger, puis à réutiliser le matériel. Mais la seule vraie cohérence d’une série, c’est l’auteur !. En tant que tel, ma responsabilité envers le lecteur, c’est de lui donner “ce a quoi il a droit”. Je me dois d’aller jusqu’au bout d’une série. Je n’imagine pas d’arrêter en cours.
B. M ou A. M C’est fait pour être lu et relu ?
A. Oui, J’aime ne pas tout comprendre et donner envie de relire. Pour cela, l’intégrale est idéale.
B. M ou A. M Tu te relis pour vérifier la cohérence ?
A. Oui, pour les séries. Mais il y a aussi des fans qui me suivent et avec qui j’échange au sujet de tel ou tel question. Certains font même des “timeline”…
B. M ou A. M Y’a t-il une symbolique volontaire ?
A. Pas vraiment. Les intentions qu’on met dans une histoire donnent parfois autre chose…
B. M ou A. M Dans le dernier Capricorne, tu as utilisé des gros plans. Est-ce pour faire ressentir les émotions ?
A. En composant des gros plans, je rapproche les personnages du regard du lecteur.
B. M ou A. M Tes dessins sont souvent très détaillés. Tu passe beaucoup de temps sur une planche ?
A. Non, je n’y arrive pas. A force, j’ai l’impression d’aligner des illustrations. C’est perturbant pour le récit. A l’époque de Cromwell Stone, c’était un travail à la plume, très long. Maintenant, je travaille au feutre. J’aime que ce soit “fluide”.
Un amour de bd A qui t’adresses-tu ? Quel est ton lectorat ?
A. Plutôt des grands adolescents et des adultes, mais ca peut être plus large. Je ne cherche pas à cibler.
B. M ou A. M La notion de révélation est omniprésente dans tes séries. Quelles sont les influences ?
A. C’est un thème qui me plait. Mes références : des séries TV (Twin Peaks de Lynch), des mangas, le Dark Knight de Miller, les Watchman… L’intérêt d’une œuvre “longue”, c’est qu’on peut travailler sur un monde qui se répond. C’est une question de cohérence, de détails.