Je cherche d'abord, en écrivant, à me rendre les choses lisibles à moi-même... La lisibilité d'un texte, d'ailleurs, n'est pas dépendante de l'usage ou non du passé simple. On ne va pas approfondir ce sujet, ce serait long, mais entrent en jeu, par exemple, la syntaxe - simple ou complexe -, le vocabulaire, le degré d'abstraction des phrases, la familiarité de l'univers du lecteur avec celui du livre, la ponctuation... Même s'il est pratiquement absent de la conversation, le passé simple ne rebute aucun lecteur, c'est le temps le plus fréquent du récit, celui des romans en série comme des ouvrages historiques, etc. Non, j'emploie le passé composé par impossibilité absolue de rendre compte des choses au passé simple. Je le sens comme une mise à distance - le comble de la distance étant tout de même pour moi l'imparfait du subjonctif, et c'est pourquoi je ne respecte jamais les concordances, volontairement - et je suis d'accord avec Barthes quand il dit que le passé simple signifie, proclame avant tout: « Je suis la littérature. » Le passé simple me rappelle mes rédactions d'élève, l'artifice par lequel je donnais de la noblesse aux actions ordinaires, du style « Je cueillis une fleur et la humai... Nous bûmes un succulent chocolat... », il me rappelle une écriture qui n'avait aucune réalité, qui avait pour avantage principal d'être bien notée. Et il y a ceci pour le passé composé: il fait sentir que les choses ne sont pas terminées, qu'elles durent encore dans le présent. C'est le temps de la proximité des choses, dans le temps et l'espace. Le temps du lien entre l'écriture et la vie.