First world problems

Publié le 17 septembre 2012 par Ladytelephagy

Peut-on regarder une série écrite par Marc Brunet, avec Marc Labrèche et Anne Dorval dans les rôles principaux, sans que le spectre de Le Coeur a ses raisons ne plane au-dessus de nos écrans ? Hélas non. Et quand cette fine équipe a annoncé son nouveau projet, au printemps dernier, ça nous semblait alors être une bonne nouvelle, à plus forte raison parce qu'on sentait un potentiel parodique proche du Coeur a ses raisons, et qu'on espérait secrètement avoir affaire à une spin-off qui ne dirait pas son nom.
Aujourd'hui il est temps de regarder la vérité en face : quiconque espère trouver ici une copie-carbone de la fameuse comédie québécoise court au-devant d'une grave déception. Les Bobos, c'est le savoir-faire d'un trio qui nous a déjà comblés, mais c'est un projet bien à part qu'il faut savoir prendre comme une série nouvelle, sans nostalgie. Or, une série qu'on attend avec impatience est, par définition, difficile à appréhender de façon objective. Tâchons de faire de notre mieux avec Les Bobos, malgré tout.
Car Les Bobos, bien que n'ayant pas la flamboyance du Coeur a ses raisons, est tout de même solide.
D'abord parce que si on aime les deux comédiens, c'est qu'il y a une bonne raison. Déjà, Labrèche est toujours aussi génial. Il faut le dire, ce mec est un Dieu : sens du timing parfait, expressions toujours justes, c'est un génie. Impossible de ne pas trouver excellent son personnage, son interprétation, ou en fait, les deux. Dorval, comme c'est son habitude, est quant à elle un peu plus en retrait, plus sobre, mais c'est aussi la raison pour laquelle leur tandem a toujours bien marché, après tout. Ils se connaissent sur le bout des doigts, ont une excellente alchimie, se complètent parfaitement : bref, une équipe Labrèche/Dorval, ça fonctionne quoi qu'il arrive. Ici, au lieu de compter sur de l'humour visuel ou même les dialogues comme c'était le cas dans Le Coeur a ses raisons, la série fonctionne essentiellement sur leur diction de mitraillette. Ca fonctionne en diable ! Beaucoup mieux que les passages les plus hystériques, à vrai dire ("ciao, Mario !").
Sur le plan des scénarios c'est un peu différent. Déjà parce qu'ici on est dans une sorte de mockumentary, et que vous savez combien j'ai du mal avec ce genre. Ensuite parce que, pour un premier épisode, le concept des Bobos n'est pas très clair : Etienne et Sandrine Maxou semblent présenter une émission, ou parfois être pris sur le vif, on n'est jamais trop sûrs. Les Maxou ont une sorte de chronique, ils introduisent également certains passages de l'épisode, et à certains moments, ils sont supposés être filmés presque à leur insu... et vraiment c'est assez perturbant qu'il n'y ait pas eu un choix plus net du style à donner à l'épisode. En fait cela fausse même le propos : s'ils animent une émission "culturelle", comme certains passages le laissent penser, il est moins étonnant qu'ils se mettent un peu en scène. Et du coup la critique tombe à l'eau.
Car vous l'aurez deviné au ton péjoratif de son titre, Les Bobos est une comédie qui a décidé d'égratigner les fameux "bourgeois bohème" pompeux qui pensent être proches du peuple et qui font en fait partie d'une pseudo-élite intellectuelle ridicule, aux goûts de luxe et aux préoccupations superficielles.
L'autre souci des Bobos, c'est que ce premier épisode n'est pas franchement révolutionnaire dans son choix de situations. Il y a une sorte de "gag suivi" sur le fait que nos deux bobos ont un don hors du commun pour donner des indications totalement inutiles pour se reprérer dans les rues du Plateau-Mont-Royal ; c'est très cliché et on s'attendrait presque à entendre les rires enregistrés de Juste pour rire. Certains passages ont aussi de bonnes idées, mais leur réalisation est lourde, à l'instar de la visite de l'épicerie italienne.
La série parvient à éviter l'écueil de la redite avec Portlandia, qu'on aurait pu craindre. Le fait que les personnages soient toujours les mêmes aide, déjà. Et ensuite, contrairement à Portlandia qui décrit une ville entière de hipsters, les Maxou ont un peu l'air d'être les seuls bobos de la série, passant d'autant plus pour des extraterrestres ridicules.
L'une de mes séquences préférée est celle qui accueille un guest de choix : Xavier Dolan. Etienne et Sandrine se réjouissent en effet de pouvoir se vanter à voix haute de recevoir Xavier Dolan à dîner ; ils s'appellent les uns les autres pendant de longues minutes, se laissant des messages contradictoires en permanence tout en abusant du name-dropping, et ça marche très bien. De la même façon, le passage sur le café est très efficace, et absolument hilarant. Dans ces séquences-là, aucune rupture de rythme, mais surtout, le propos n'est jamais perdu de vu, écorchant en permanence les personnages et leur ego hypertrophié, et soulignant leur forme si particulière de bêtise. C'est quand même ça qu'on cherche !
Ce premier épisode n'est clairement pas parfait ; cependant, il comporte des ingrédients délicieux qui font que je place de grands espoirs dans la série. J'ai ri à plusieurs reprises, après tout, je suis toujours aussi admirative de l'évidente symbiose entre Marc Labrèche et Anne Dorval, et j'avoue que j'ai très envie de voir la suite, malgré les petits loupés de ce premier épisode. Clairement, l'intention est là, les idées aussi, il faut peut-être un peu de temps pour que tout se mette en place correctement pour Les Bobos. Je serai au rendez-vous pour le vérifier. Après tout, on a 26 épisodes devant nous...
Oh et avant que j'oublie, faites-moi penser à vous parler du générique !

Je suis curieux de découvrir cette série. En revanche, au regard de la bande-annonce, il ne faut effectivement pas attendre une redite du Cœur a ses raisons. Il faut savoir aller de l'avant, après tout!

Ouais c'est exactement le problème, si tu attends Le Coeur a ses raisons, tu vas être déçu, mais il y a quand même de bons morceaux dedans. Et puis comme toutes les séries à sketches, c'est par définition un peu inégal mais il y a quand même de quoi se régaler.