Libérer pour réussir

Publié le 27 septembre 2012 par Copeau @Contrepoints

Comment encourager le pluralisme scolaire en partant du principe que la dignité de chaque élève passe par une éducation qui convient le mieux à chacun.

Par Cécile Labrousse, lauréate de la Bourse Tocqueville 2012.
Publié en collaboration avec l'Institut des libertés.

L’expression « school choice » est couramment employée pour définir le projet politique ayant mené à des réformes structurelles de l’éducation aux USA. Si nous sommes tentés de trouver une traduction française de ce concept pour signifier le projet politique de la libéralisation de l’école, nous n’y attacherons pas une importance très grande. Cette notion de « choix de l’école » ou encore de « libre choix de l’école » recouvre une réalité très complexe, et la nommer expressément reviendrait, en français, à l’étiqueter, la catégoriser et donc à réduire la vision d’une réforme éducative structurelle nécessaire.

En France, la liberté d’enseignement constitue un principe fondamental à valeurs républicaine et constitutionnelle. L’État n’a pas pour rôle d’organiser le service d’éducation mais, avec le principe de subsidiarité, il doit donner aux acteurs les moyens de l’organiser. Ainsi il garantirait l’accès pour tous à l’éducation tout en n’imposant pas ses vues aux parents. Leur rôle essentiel dans l’éducation d’un enfant n’est d’ailleurs pas contesté, les enseignants eux-mêmes allant jusqu’à dénoncer la démission des parents. Ainsi, leur liberté de choix est à respecter, protéger, encourager et même subventionner par des mesures fiscales répondant aux prérogatives constitutionnelles. C’est une question de justice. Et cela dépasse le clivage gauche-droite.

Mais quel est véritablement l’état de la liberté scolaire en France ?

La liberté scolaire, c’est d’abord le droit pour les familles de choisir elles-mêmes l’école de leur choix, ce qui suppose qu’il y ait un choix effectif, une pluralité dans l’offre, et que cette offre soit accessible financièrement. La liberté scolaire c’est aussi la liberté de l’école à fixer elle-même ses objectifs et à s’organiser, librement et non pas en suivant des contenus ou dans un cadre ou une philosophie ou une religion imposée par l’État. Enfin la liberté scolaire c’est également le droit pour toute personne en ordre avec la loi de fonder une école.

Aujourd’hui en France, la liberté de choisir l’école est contrainte de diverses façons : carte scolaire, limitation du nombre et de l’autonomie des établissements privés sous contrat et frais de scolarité entièrement à la charge des familles dans les écoles hors contrat.

Quelques chiffres :

  • 9,95 Millions d’élèves scolarisés dans le public (83%)
  • 1,98 Million dans le privé (17%)

Le mouvement de l’école à la maison est très marginal en France, la liberté d’enseignement est très réduite dans les établissements privés sous contrat et la carte scolaire est une entrave à la liberté que devraient avoir les parents de choisir une école. Les écoles indépendantes offrent un autre choix aux parents, mais les frais de scolarité sont à la charge entière des parents et c’est pour cela que nous allons nous intéresser au mouvement américain ayant permis l’instauration de mesures fiscales permettant l’effectivité de la responsabilité des parents s’exerçant dans le choix de l’école.

Étude comparative : les cas des États-Unis

En 2012, 11 États proposent chacune un ou plusieurs programmes de libre-choix de l’école (chèque-éducation, crédit d’impôt, etc.). L’éducation aux USA est une compétence des États et c’est cela qui a permis d’instaurer ces programmes.

En 1996, Milton Friedman établit avec son épouse la fondation Milton & Rose Friedman pour défendre le libre choix de l’éducation pour les parents, appelé le « school choice ». La fondation promeut l’utilisation du chèque éducation. Ce n’est qu’une trentaine d’années après que Milton Friedman ait avancé le concept de chèque-éducation que la première mesure de ce type a vu le jour aux États-Unis.

Aux États-Unis, les écoles publiques sont très populaires. C’est ainsi que le school choice a été promu non pas en opposition au système public mais bien en complémentarité pour se rendre populaire. Le système public montre de lui-même ses faiblesses, il n’y a plus à le montrer. Le ressort principal aux États-Unis c’est la subsidiarité dans le système de l’éducation en ce que celle-ci est une compétence de l’État qui est libre des modalités de l’organisation de son propre système éducatif. L’implication des démocrates au niveau des États a joué un grand rôle. Trois quarts des mesures instaurant le libre choix de l’école l’ont été grâce aux démocrates : « le school choice, c’est permettre à tous d’accéder à l’école dont il a besoin ».

Quel est le rôle de l’État français en matière d’éducation ?

L’État n’a pas pour rôle d’organiser le service d’éducation mais, avec le principe de subsidiarité, il doit donner aux acteurs les moyens de l’organiser. L’État français doit garantir l’accès pour tous à l’éducation mais il n’a pas à imposer ses vues aux parents. Or les défaillances de l’Éducation nationale sont désormais caractérisées. Le site d’informations Mediapart indiquait l’an passé que le taux d’échec scolaire était de 40%. Et les seules solutions que l’on entende massivement à la crise de l’Éducation nationale sont celles qui demandent plus de moyens (comprendre plus de personnels, et des rémunérations horaires plus élevées). Mais si la solution était ailleurs ?

L’État propose bien des crédits d’impôt pour acquérir des panneaux solaires ou des voitures japonaises, alors pourquoi ne proposerait-il pas un crédit d’impôt aux parents qui font le choix d’une école hors contrat ? Ainsi, la Fondation pour l’école propose d’expérimenter pendant 5 ans, avec une évaluation à la clé, d’une part l’instauration de charter schools et d’autre part la mise en place de crédits d’impôt ou de chèques-éducation au profit de catégories d’enfants ciblées (enfants en échec scolaire hors zone d’éducation prioritaire, enfants exprimant le besoin d’étudier en internat, enfants en zone rurale peu peuplée menacés d’être privés d’écoles de proximité, ou encore enfants à besoins spécifiques).

La nécessité de changements structurels du système éducatif

En France, la première étape vers des changements structurels, c’est la prise de conscience massive de leur nécessité. Désormais l’école publique perd en crédibilité d’elle-même devant les taux élevés de l’échec scolaire menant parfois jusqu’au décrochage scolaire. Entre juin 2010 et mars 2011, environ 293 000 jeunes recensés auraient décroché, selon RTL. Si à long terme, pour des raisons économiques, l’on doit tendre à instaurer des mesures permettant de réaliser des économies, il faut d’ici là préparer les mentalités aux alternatives à l’actuelle organisation de l’Éducation nationale. Et au regard de l’état actuel des finances de l’État français, on peut légitimement espérer que l’instauration de mesures libérales permettent même de réduire les coûts pour l’État et les collectivités locales de l’éducation. Ainsi il faut encourager le pluralisme scolaire en partant du principe que la dignité de chacun passe par une éducation qui convient le mieux à chaque individu et qu’il s’agit de rendre les personnes réellement égales devant l’accès à l’éducation.

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Extrait d'une étude de Cécile Labrousse. L'étude complète peut être demandée auprès de l'Institut des libertés.