[Critique DVD] Le secret de l’enfant fourmi

Par Gicquel

En voyage dans le Nord Bénin, Cécile croise le chemin d’une jeune mère africaine qui lui dépose, affolée, un bébé dans les bras... Cécile va adopter cet enfant africain et Lancelot va grandir en France. L’année de ses 7 ans, elle repart avec lui vers le pays de ses origines et tente de percer le secret qui a entouré son abandon.


"Le secret de l'enfant fourmi" de Christine François

Avec : Audrey Dana , Robinson Stévenin , Yann Trégouët et Élie Lucas Moussoko

Sortie le 25 septe 2012

Distribué par Bac Films

Durée : 108 minutes

Nombre de : 1

Film classé :

Le film :

Les bonus :

Comme elle vient du documentaire, Christine François risque l’étiquette. Surtout que l’histoire qu’elle nous raconte pour son premier long-métrage a tous les ingrédients de l’enquête et du reportage in situ. Un enfant noir recueilli dans la brousse, un peu par hasard, devient l’objet de toutes les peurs de son entourage. La jeune femme blanche qui l’adopte et le prénomme Lancelot, tente alors de comprendre ce qu’il représente pour son peuple.
Le fait réel, toujours d’actualité, a bien tous les ingrédients du documentaire. Et pourtant, Christine François opte délibérément pour un récit fictionnel qui confie à son héroïne, Cécile, la charge de porter toute la réalité d’une telle situation. Elle ne se focalise pas sur le fond du problème identitaire, elle en fait un argument dramatique qui accompagne  la démarche de la maman et de son fiston.

De retour en France, les années s’écoulent et le jeune garçon ( Elie Lucas Moussoko, incroyable )  a semble-t-il pris ses marques dans son nouvel environnement.C’est particulièrement vrai au cœur de son école où des événements pédagogiques particuliers vont pourtant le conduire à revenir inconsciemment sur son passé. La quête est d’abord silencieuse, puis révoltée au point que Cécile lui propose de revenir dans le pays de sa naissance.
Le scénario ainsi bien ficelé se heurte à plusieurs reprises sur une mise en scène que je qualifierais de maladroite. Mais dans le bon sens du terme puisque cette gaucherie est tout à fait dans l’esprit du film. Cécile, qu’Audrey Dana interprète magnifiquement bien, passe par tous les stades du désespoir et de l’incompréhension, confrontée à une culture qui lui est totalement étrangère, voire barbare.
Et le regard qu’elle y pose, qui jamais ne juge, me paraît tout à fait juste. Celui d’une occidentale en butte à une autre civilisation. Comment imaginer en effet depuis son Sud-Ouest hexagonal que dans certaines régions du Monde, des enfants à la naissance sont craints en raison d’un accouchement particulier, d’une dent mal placée, d’une arrivée prématurée…

Et que ce qu’il en advient est particulièrement odieux à ses yeux. C’est tout l’objet de son combat au cœur duquel l’infanticide rituel en Afrique  permet aussi d’aborder des thèmes plus généraux comme la maternité, l’adoption, et le déracinement culturel…
En un peu moins de deux heures, la jeune cinéaste réussit à nous parler de tout ça, de manière viscérale et sensible. Moi je dis chapeau !

LES SUPPLEMENTS

  • Le making of (42 mn)

Avec des répétitions, des commentaires, des scènes de tournage et des rencontres comme celle de Pierre Bio Sanou, qui sauvera beaucoup d’enfants condamnés, et qui joue un contre emploi dans le film. Même quand il ne tourne pas, il est présent sur le plateau et parfois la réalisatrice doit lui faire appel pour faire comprendre aux comédiens locaux qu’ils ne risquent rien en tournant telle ou telle scène.

« Cette histoire m’a été inspirée par les confidences d’une femme française qui a adopté un enfant bariba accusé d’être un sorcier dans des circonstances assez proches de celles décrites dans le scénario » raconte la réalisatrice Christine François. « Les parents du gamin l’avaient sauvé à l’extrême limite en le jetant dans la voiture d’un prêtre. Ma rencontre avec cette femme blanche, Vonick, et son enfant noir a été déterminante. J’ai remonté le fil de cette histoire, je suis allée voir les protagonistes sur place, dans le village de l’enfant, j’ai recueilli d’autres témoignages directs. »

Robinson Stevenin, tout à fait dans son cadre, lui aussi, malgré un rôle en demi-teinte

La fin du tournage, est émouvante quand tout le monde danse alors que dans le « public », il y a des femmes qui ont vécu ce qui vient d’être tourné… Le gamin, Elie Lucas Moussoko, qui est formidable, est pas mal sollicité dans ce making of, qui nous permet aussi de découvrir les repérages en 2007 avec Mathieu Orou. Il sera un guide précieux pour la réalisatrice, notamment autour de la termitière et de ce qu’elle représente pour les béninois.

  • Les scènes coupées (8.20 mn)

Elles sont toutes très intéressantes et certaines à mon avis auraient mérité de rester, à l’image de la scène de bastonnade de la maman qui a abandonné son enfant. Même la négociation avec l’oncle de l’enfant adopté est capitale.

  • Tournée au Bénin et avant-première à Paris ( 24 mn )

On suit les premiers pas du film dans quatre villes béninoises, où les discussions avec les spectateurs sont très instructives. Il faut entendre le témoignage d’un ado sur le sujet des enfants-sorcier « qui n’existent pas. Chère maman, gardez-nous pour qu’on voit le jour, nous avons besoins de vivre, heureusement ».
A Paris certains des enfants concernés par le film assistent aux projections, ils témoignent en présence de celui qui les a sauvés Pierre Bio Sanou, et là encore il y a beaucoup de frissons, et d’émotion. 

 Prix conseillé : 19,99 €