[Critique] ROBOCOP

Par Onrembobine @OnRembobinefr

Titre original : RoboCop

Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Paul Verhoeven
Distribution : Peter Weller, Nancy Allen, Miguel Ferrer, Kurtwood Smith, Ronny Cox, Ray Wise, Paul McCrane, Leeza Gibbons, Angie Bolling, Bill Farmer…
Genre : Action/Policier/Fantastique
Date de sortie : 20 janvier 1988

Le Pitch :
Au début des années 2000, Detroit est ravagé par le crime et la corruption. Pour endiguer ce flot ininterrompu de violence, l’OCP, une puissante organisation militaro-industrielle, décide de lancer le projet RoboCop. Le but étant de créer de toute pièce un super policier robotisé à partir d’un corps humain fraichement tué, insensible à la douleur, incorruptible et capable de travailler 24/24h.
Ne reste plus qu’à trouver le corps en question . L’agent Murphy, qui vient de tomber sous les balles du gang de Clarence Boddicker, un truand notoire, devient vite le candidat idéal… RoboCop est né. 50% Homme, 50% Machine, 100% Flic…

La Critique :
« RoboCop est l’histoire d’une chenille qui se souvient d’avoir été un papillon ». Ainsi est décrit RoboCop, par son réalisateur, le turbulent Paul Verhoeven. Verhoeven qui fait, avec RocoCop son entrée à Hollywood. Et quelle entrée !
Bâti autour d’un scénario inspiré à Edward Neumeier, l’un des auteurs, par Blade Runner, sur lequel il avait travaillé, le premier long-métrage américain de Verhoeven s’impose avec perte et fracas comme une révolution. Encore aujourd’hui, il résonne à chaque visionnage comme un puissant pamphlet viscéral et violent, et continue d’interroger notre société avec toujours autant de pertinence.

C’est deux ans après La Chair et le Sang que Paul Verhoeven décide de céder à l’appel de l’Oncle Sam, en adaptant un script original propice à servir de réceptacles à toutes ses obsessions et autres thématiques fétiches. Bien décidé à ne pas se laisser formater par qui ce soit, Verhoeven déjoue les pièges de l’expatriation et accouche d’un film fou-furieux, non seulement sauvagement bourrin, mais aussi redoutablement malin.
Illustrant à grand renfort d’images fortes, un futur où règnent le nihilisme, la loi du plus fort et celle de l’argent, RoboCop entrevoit avec pessimisme un avenir noir et cruel. Le salut ne peut pas débouler comme une fleur et mettre un terme au chaos. Dans RoboCop, l’espoir, en l’occurrence le fameux robot-flic, naît dans la douleur. Dans les souffrances d’une longue fusillade, où l’agent Murphy perd la vie pour devenir une machine plus ou moins télécommandée par de sombres individus plus pourris encore que ceux qui pillent, tuent et violent dans les rues de Detroit.

L’espoir porte une armure et flingue sans hésiter. Ses prérogatives lui intiment de faire rétablir l’ordre quel que soit le prix de la manœuvre et met à sa disposition un arsenal très lourd. RoboCop incarne à lui seul la peur de l’insécurité et les dérives qui en découlent. Ses opposants, qui, on l’aura compris, agissent des deux côtés de la loi, illustrent quant à eux l’avidité, l’orgueil et la soif de pouvoir, qui gangrènent à long terme la société. Des démons en col blanc, combattant en somme d’autres démons. Une lutte du bien contre le mal, où les frontières sont troubles. L’humanité venant paradoxalement d’un homme meurtri transformé par la science en machine à tuer les criminels. Un robot qui ne rêve pas de moutons électriques, mais qui est assailli de flashs de son ancienne vie. L’homme cherchant à refaire surface, tapis sous un amas de métal animé par des programmes informatiques.

Mû par des réflexions bien plus profondes que ce que les apparences bourrines pourraient suggèrer, RoboCop est aussi un formidable concept. Une idée novatrice qui, à l’époque, marrie les codes du cow-boy solitaire et du Terminator impitoyable. RoboCop est l’une des grandes figures des années 80, car il condense une certaine imagerie iconique du divertissement populaire. Allié à la fulgurance gore de la mise en scène de Paul Verhoeven, le concept explose.
RoboCop ne perd pas de temps avec les fioritures. Il parsème son récit de fausses pubs hilarantes, pose les jalons d’une réflexion bien sentie et fait parler la poudre.
La mise en image jouit d’effets-spéciaux révolutionnaires, qui, 25 ans plus tard font toujours illusion. RoboCop est une œuvre fondatrice. Un trip jubilatoire, pétri par les meilleures intentions et baigné dans un second degré brillant et un cynisme utile. Porté par un visionnaire qui sait se faire plaisir, sans exclure quiconque, RoboCop est de plus soutenu par une escouade d’acteurs badass, à commencer par la trop souvent oubliée Nancy Allen, le salopard parfait, Kurtwood Smith et bien sûr Peter Weller, qui sous son armure, fait preuve d’une dévotion qui force le respect.

À sa sortie, RoboCop préfigure le futur du cinéma fantastique. Et si aujourd’hui, les fans se lèvent contre la mise en chantier d’un remake, c’est qu’il est tout simplement difficile de penser que ce dernier saura allier avec autant de brio ; insolence, force et intelligence, en proposant un vrai spectacle exploitant à fond les bananes les codes de la série B. Le lifting est hors de propos les mecs !
Ce n’est pas parce que RoboCop marchera de manière moins mécanique, ni parce que les gun fights jouiront d’un découpage plus nerveux, que le remake surpassera l’original. Non, tout ceci, n’est pas important. Verhoeven, semble-t-il, n’a jamais voulu titiller les maîtres de l’action sur leur propre terrain de jeu. Le propos est ailleurs et chez Verhoeven c’est aux dégâts qu’on entrevoit l’essence de son œuvre. La lutte du bien contre le mal, toujours. Le bien qui finit quoi qu’il en soit par l’emporter. Mais quel bien ? Et à quel prix gagne-t-il ? La technique améliore-t-elle le monde ? En cherchant à changer les choses, l’homme ne s’enfonce-t-il pas de lui-même dans une routine destructrice à long terme ? Des interrogations qui trouvent une illustration qui sent à plein nez, le pétrole, le sang et l’huile de vidange chez RoboCop de Verhoeven.

@ Gilles Rolland

Crédits photos : Orion Pictures Corporation