[Critique] L’AFFAIRE DUMONT de Daniel Grou – Podz

Par Celine_diane
[AVANT-PREMIERE]
Le film de Podz arrive vingt ans après les faits, dix ans après la libération de Michel Dumont. Pour ceux qui n’étaient pas au Québec dans les années 90, un petit rappel des faits s’impose. Un homme, père de deux enfants, a été accusé de viol. Jugé. Emprisonné. Il a toujours clamé son innocence. Grâce à l’acharnement de sa nouvelle compagne, il a été libéré en 2001. L’affaire, elle, n’a jamais été résolue. Depuis sa sortie toute récente, le film a été le catalyseur d’une nouvelle tempête médiatique : la victime, son frère, l’ex-compagne de Dumont, tous reviennent sur la version des faits présentée par le cinéaste à l’écran. D’un côté, l’ex-compagne de Dumont, affirme avoir menti pendant le procès, déclare que le film oublie de dire que celui qui partageait sa vie alors, était souvent sous l’emprise de l’alcool ou de drogues. De l’autre, la victime Danielle Lechasseur est de nouveau revenue sur ses dires. Cette fois, elle pense que Dumont serait bel et bien son agresseur. Enfin, certains se sentent même blessés : comme la famille de l’avocat de Dumont, mécontente que l’avocat de l’ex-accusé y soit dépeint comme maladroit et peu efficace. Avouons que dans un tel contexte, difficile pour un film de se faire une place de choix et se faire valoir comme œuvre cinématographique à part entière. Surtout que Podz, plutôt que de romancer, jouer, modifier la réalité à des fins artistiques, a préféré bâtir son art sur un seul matériau : le réel. C’est tout à son honneur, le film ne prétendant pas ainsi être autre chose qu’une fidèle reconstitution d’une affaire qui a fait polémique. Oui mais… et le cinéma dans tout ça? 
Ses choix de mise en scène restent, d’un bout à l’autre, très sobres. Choix de sobriété = choix peu inspiré? La question se pose. Car, à trop coller à la véracité, Podz oublie de faire décoller son œuvre, artistiquement parlant. Rien de bien vraiment cinématographique à l’écran si ce n’est la fabuleuse bande son signée Man an ocean. D’emblée, la note au générique vient nous avertir : toutes les scènes de procès retranscrivent avec exactitude ce qui a été prononcé au tribunal à l’époque. Oubliez donc le film à procès, transcendé par des envies de mise en scène qui dépassent le fait divers de base pour offrir un regard artistique sur des protagonistes. Pas de cinéma vérité pur jus ici- forme agréable, fond respectable. Le film est une fiction avalée par le documentaire. Ou un documentaire dépourvu de chair fictionnelle. Comme vous voulez. Car, au final, si Podz pose un pied dans le documentaire, il ne pose pas l’autre dans le cinéma. Sa narration est terne, son sens filmique ironiquement piégé dans une démarche, un contexte. Comme si lui était impossible, au-delà des faits qu’il retranscrit, de dire, d’exprimer quelque chose. Michel Dumont, ici personnage, est réduit à l’état de silhouette, marionnette sans chair, fantôme de notes de procès, de dires des uns, d’affirmations des autres. Une ombre, à contre-jour. 
Ses onze années de calvaire ? Le spectateur ne les ressent pas. Ses tourments intérieurs ? Marc-André Grondin peine à les retranscrire, figé sous le grimage- moustache et tee shirt ringard des années 90. L’affaire Dumont est une affaire torturée, tourmentée : la caméra fixe ce trouble, n’en est jamais saisi. Elle se contente d’observer, passivement. L’affaire Dumont est une affaire dans laquelle se cache d’autres affaires : affaires de cœurs (entre Dumont et Solange Tremblay), affaires sordides (le petit garçon de Dumont sera la victime d’un pédophile), affaires de famille (un père violent, une mère peu aimante). Des affaires traitées fragilement, avec pudeur certes, mais sans l’intensité qu’auraient mérité à la fois un traitement documentaire et un traitement fictionnel. Une preuve ? La seule scène, vivante, intense, poignante, qui jaillit du long-métrage n’est rien d’autre que la séquence documentaire où l’on voit le vrai Dumont, et la vraie Solange. C’est dire… 

Sortie française: prochainement.