Pourquoi le lycée me manque ?

Par Jeuneanecdotique
01 octobre 2012

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Quand j'étais au lycée, je me souviens avoir dit : « Va te pendre sale lycée, tu me manqueras pas, mouhaha ! »
Y a deux jours, je me souviens m'être dit : « je tuerai des chatons pour retourner au lycée ».

Même si je ne suis pas encore dans la phase la plus compliquée de ma vie (même si, concrètement, qui sommes-nous pour juger si une période est plus compliquée qu'une autre pour quelqu'un?), j'ai déjà la nostalgie de l'avant. Je n'ai pas fini d'être nostalgique, je le sais bien. Quand j'aurai mon CAP, et un boulot (je l'espère), je suppose que pour garder mon uniforme de râleuse, je dirai que c'était si bien, avant.
C'est un fait : chaque fois que nous ne saisissons pas l'intérêt bénéfique d'une période, on peut être sûr qu'un jour ou l'autre, on finira de toute manière par la regretter.

Alors, pourquoi le lycée me manque ?
- Au lycée, j'étais dans ce qu'on appelle « une absence d'avenir ». Je faisais des projets, certes, mais j'étais tellement bien ancrée dans mon cocon scolaire, que je n'arrivais pas à me projeter concrètement dans l'avenir. Je me disais que d'ici à ce que j'y sois, ça prendrait méga du temps, et ça n'arriverait jamais. Le temps a passé, et c'est arrivé, comme prévu. Et cet avenir qui me semblait si lointain auparavant, j'étais en plein dedans. Et maintenant, quoi qu'il arrive, je sais toujours qu'il y a un futur, un but à atteindre, et je vois pertinemment les obstacles sur ma route. Ma tranquillité et mon impression de no-futur sont bel et bien révolues.

- Quand on est lycéen, on se trouve toujours exagérément fatigués d'être restés toute la journée assis à écouter des profs. Et puis, quand on commence à travailler, à courir à droite et à gauche pour tenter de se construire un avenir, de se payer son essence et de gagner de quoi survivre, on se rend compte que putain, c'était quand même vachement sympa de rester assis et de n'avoir rien à faire, mis à part regarder les mouches, écouter un professeur, et penser à ce qu'on allait bouffer le soir. (Note de la rédaction : j'ai été lycéenne, et même plutôt bonne élève parce que je bossais pas mal, alors je sais ce que c'est, et ce n'est que mon opinion. Oui, je pense que l'école jusqu'au BAC, c'est moins fatiguant que la vie dite active. C'est comme ça chez moi, c'est peut-être différent ailleurs...)

- Tant que t'es lycéen, et que tu dépends de l'éducation nationale, et que t'as pas encore le bac, il faut avouer que tu es quand même considéré comme un « enfant », comme une personne à guider, à aider. Dès que tu quittes le lycée, que tu es soit étudiant, soit salarié, soit rien du tout, c'est un peu mort, en fait. Ça y est, t'es adulte, ta maman prend plus tes rendez-vous au médecin et dès que t'as besoin de quelque chose, tu passes pour un raté, parce que t'es un adulte et tu devrais pouvoir te débrouiller tout seul, quand même. Certes, mais bon... Snif, quoi.

- Quand j'étais au lycée, il y avait un jour dans la semaine où je pouvais retrouver mes meilleures amies, et on glandait ensemble pendant nos heures de permanence. Ca me donnait l'impression d'être moins seule, d'être entourée, d'être quelqu'un. Je pouvais me permettre d'être triste, parfois, parce que je savais que j'aurais toujours mes moments entre amies pour me ressourcer. Maintenant, je suis encore souvent triste (ceux qui me lisent régulièrement savent que c'est un euphémisme...), mais plus personne à qui me confier. C'est comme si le vide s'était fait autour de moi. Mes amies, je suis encore en contact avec elles, mais je ne les vois plus. Je n'ai plus cette compagnie qui me donnait l'impression d'être soutenue.

- Lorsque j'étais au lycée, je faisais de l'aide aux devoirs pour gagner des sous. Eh bien, gagner trente euros par semaine, ça me semblait énorme de chez énorme. Je me sentais riche, tellement riche, pour seulement trois petites heures de travail ! Maintenant, j'ai une enveloppe avec 480 euros dedans, et j'ai conscience qu'on se fout de ma gueule. J'ai perdu ce goût de l'argent. Parce que maintenant, je sais clairement quand mes patrons se paient ma tête, quand on me sous-paie, quand on me fait user 100 putains euros d'essence par mois pour ne m'en rembourser que 70. Maintenant, j'ai beau avoir 480 euros à côté de moi, ça me paraît être une somme ridicule par rapport aux heures que je fais, à l'essence que j'investis, et à ce que je vais prochainement devoir payer à côté. Cette époque du « 30 EUROS, J'AIME LA VIE ! » me manque. Même si je sais que beaucoup de gens aimeraient avoir 480 euros, je ne dis pas le contraire. Mais pour mon boulot, je m'use les nerfs, et j'use mon temps. Et eux, n'usent pas leur argent. Ce n'est pas parce qu'on devrait s'estimer heureux qu'on nous donne des thunes pour le boulot qu'on fait, que c'est une raison pour dire merci à dieu si on nous donne seulement la moitié de ce qu'on nous doit...

- Quand j'étais au lycée, j'étais moins grosse. Hors sujet, mais bon, c'est vrai quand même.

- Quand j'étais au lycée, j'avais un statut. Maintenant, j'ai l'impression que je ne suis plus rien, dans ce monde. Je ne suis pas étudiante, parce que le CNED, ça compte pas. Je suis pas salariée, parce que mes patrons ne me déclarent pas (non mais vous comprenez, ils seraient obligés de me payer le SMIC, sinon... trop dure, la vie). Je ne suis pas chômeuse, parce que conne comme je suis, j'ai toujours accepté ce que je dis au dessus : ne pas être déclarée. Je ne suis même pas digne de recevoir le RSA, parce que je suis pas assez vieille. J'ai un peu le statut de déchet de la société, quoi. Officiellement, je ne travaille pas. Officiellement, je ne suis pas étudiante. Officiellement, je suis une merde sans avenir. Alors que je bosse vingt-heures par semaine pour un salaire plus absurde qu'un micro-pénis et que j'essaie tant bien que mal, dans tout ça, de bien travailler pour avoir mon diplôme. Merde, alors. Qui suis-je ?

- Quand j'étais au lycée, je ne faisais pas de listes débiles qui commencent par « quand j'étais... ». Et ça, c'était vachement rassurant.
Je ne vais pas faire l'hypocrite et dire que cet article, c'est pour rigoler, t'as vu. Non, cet article, c'est ce que je ressens sincèrement. Je ne le dis pas pour qu'on vienne me dire « oui mais tu verras plus tard, ça sera pire encore, alors te plains pas ! » Crotte de bique, aujourd'hui j'avais envie de me plaindre, alors je me plains. (ai-je vraiment dit crotte de bique?) (je crains bien que oui)(Mazette)