C'était la première fois que je voyais Titanic

Publié le 13 avril 2012 par Exnight

Lundi 9 avril 2012. Cela faisait déjà plusieurs semaines que l'excitation montait. Lorsque les bandes annonces passaient au cinéma, je ne pouvais m'empêcher d'avoir ces petits frissons qui traversent le corps dans les grands moments d'impatience. We Bought A Zoo, le nouveau film de mon réalisateur préféré était également prévu pour le mois d'avril et l'excitation était très forte. Mais la sortie de ce film  avait quelque chose de vraiment particulier. Très particulier.
Ce film, c'est Titanic. La raison de mon impatience : je ne l'avais encore jamais vu.
J'ai beau voir 150 à 200 films par an au cinéma depuis dix ans, ce n'a pas toujours été le cas. D'abord, parce que je n'ai pas toujours été parisien. A Orléans, je vous cache pas que voir 150 films par an, c'est pas possible - ou alors il faut aller voir beaucoup de films avec Franck Dubosc. Ensuite, parce qu'en 1997, les cartes illimitées, ça n'existait pas encore. Enfin, parce que la vie fait que vous n'avez pas forcément le temps d'aller si souvent au cinéma. En ce qui concerne Titanic, c'est donc cette dernière raison que je dois blâmer.
Le 7 janvier 1998, quand le film sort au cinéma, je suis en effet en première année de prépa HEC. Passer 3h30 enfermé dans une salle de cinéma quand on tente tant bien que mal de s'organiser pour réviser ses concours blancs du samedi matin et ses colles de maths et de philo du mercredi après-midi, du lundi, mardi, jeudi et vendredi soir, c'est pas jouable. C'est possible évidemment mais c'est pas sérieux. A moins d'accepter de culpabiliser pour les quelques semaines à venir. Peu importe le phénomène. Peu importe les 20 millions d'entrées. (A vrai dire, ils auraient même eu tendance à me refroidir)
Puis les années passèrent. J'ai acheté la VHS histoire de me rattraper mais non. Pas l'envie, pas le temps. Et une sorte de fierté s'installa. "Je n'avais jamais vu Titanic". Je vous assure que ces 15 dernières années, j'en ai pas rencontré beaucoup de frères et soeurs restés "dans le noir et l'ignorance" . Bref, on se rend original comme on peut.
Mais avec la ressortie en 3D numérique de ce mercredi 4 avril 2012, cela ne pouvait plus durer. Je n'avais plus d'excuses. Je pouvais (me devais de) découvrir le film le plus vu de ce demi-siècle dans des conditions optimales. Image nettoyée et éclatante de beauté. Grand écran. Troisième rang de la magnifique salle 1 de l'UGC Ciné Cité Les Halles. Et la 3D en bonus immersif.
En me rendant au cinéma, l'excitation était énorme. Avec ma consommation parfois psychotique de films au cinéma, ce genre d'excitation a pourtant presque disparue. Même pour voir We Bought A Zoo, mon coeur ne battait pas aussi fort qu'en ce lundi 9 avril avant de rentrer dans la salle. Je pense que la dernière fois où j'avais ressenti cela, c'était ce dimanche 23 décembre 2001 où j'avais sacrifié une grasse matinée dominicale pour me lever à 8h du matin et aller voir Le Seigneur des Anneaux : La Communauté de l'Anneau. Cette sensation est incomparable.
J'attendais beaucoup de cette séance parce que, quelque part, je me sentais un peu privilégié. J'étais vierge et j'allais être dépucelé. Tout le monde était déjà passé par là, quinze ans plus tôt. Pas moi. J'allais découvrir, pour la première fois et dans des conditions exceptionnelles, un film qui avait fait monter au rideau beaucoup, beaucoup de gens. Et peut-être que moi aussi, j'allais connaître cela.
Pourtant, j'étais très nerveux. Une des choses qui m'avait découragé de le regarder à la télé, en VHS ou DVD, c'était en effet ce phénomène culturel, cette impression d'avoir déjà vu le film cent fois. Et les parodies ! Quand un film marque à ce point les esprits des gens, il est inévitablement parodié, moqué, décortiqué au fil des années. Parfois, les films ne s'en remettent jamais. Ils ne ne peuvent plus être regardé sérieusement. Et dans le genre, Titanic semblait atteindre des sommets. Est-ce que j'allais exploser de rire devant le fameux "I'm the king of the world" ? Et le "I'm flying" ? Il ne faut pas oublier non plus que James Cameron a montré avec Avatar à quel point il était complètement neuneu quand il s'agissait de filmer des scènes d'amour. Le rire nerveux - ou pire, l'indifférence - étaient donc de sérieuses possibilités mais je n'en avais pas envie. Vraiment pas envie.
Je voulais être abasourdi. Je voulais les frissons, l'émotion. Je voulais sentir mon coeur battre. Je voulais surtout sentir l'humidité au coin de mes yeux. Des milliards de gens à travers le monde les avaient eu avant moi. Je les voulais aussi.
Et je les ai eu.
Je ne vais au cinéma que pour ce genre de sensations - rares. Quand votre corps se rempli d'une chaleur qui fait battre votre coeur pour immédiatement se transformer en froid glacial qui vous donne frissons et larmes au coin des yeux. Ces moments-là, ils se sont succédés à intervalle presque réguliers le temps de ces fabuleuses 3h15. Et vous savez quoi ? Un de ces moments était la scène du premier baiser, après le fameux "I'm flying".
Quand, tout autour de moi, je pouvais entendre glousser les dizaines de jeunes femmes trentenaires représentant cet après-midi-là environ 70% des spectateurs, moi, je frissonnais d'une émotion toute adolescente. Ce baiser, je l'ai vu et revu des centaines de fois dans des documentaires, parodies, extraits, clips, émissions, rétrospectives, mais là, sur l'écran de la salle 1 de l'UGC Ciné Cité Les Halles, je le voyais vraiment pour la première fois. J'avais 15 ans. Je me suis rappelé de mon premier amour, de ce que ça fait d'être amoureux inconditionnellement.
Puis j'ai pleuré - un peu - quand Rose dit, à la fin : "I don't even have a picture of him. He exists now... only in my memory." L'amour éternel, unique, celui qui dure une vie entière. C'est la seule chose qui me fasse, à coup sûr, pleurer au cinéma. C'est tout le temps la même chose : Love Story, The Notebook, Atonement ou cette fameuse dernière scène de We Bought A Zoo (J'en parlerais sûrement plus tard tant elle est wow...)
Je ne pensais vraiment pas que le film me ferait cet effet. Mais il me l'a fait. J'y pense encore. Peut-être ferais-je comme toutes ces adolescentes qui sont retournées le voir cinq, six, sept, huit fois en 1998. Peut-être. J'en ai vraiment très envie.