A propos des drones

Publié le 03 octobre 2012 par Egea

Les drones sont à la mode, et je risque donc de dire bien des banalités à leur sujet, moi qui ne suis pas spécialiste. Mais ne faut-il pas courir des risques, dans la vie ? de toute façon, ne rien faire est aussi un risque. Plus sérieusement, les drones posent trois types de considérations : tactiques, stratégiques et industrielles.

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D’un point de vue tactique

Le drone (nous parlons ici des engins volants télécommandés) remplit plusieurs fonctions, que l’on peut ramener à deux principales : c’est un observateur, et c’est un effecteur. En observation, il emporte caméras et radars et autres senseurs, plus ou moins spécialisés ou aigus. En effecteur, il peut emporter des petits missiles pour « délivrer » des frappes localisées sur des cibles ténues.

L’avantage du drone est double :

  • l’altitude (entre haute, moyenne, basse et très basse altitude, qui à chaque fois emportent des considérations techniques d’autonomie et de portée) permet de voir « au-dessus de l’horizon »,
  • la non-habitation permet une plus grande permanence en l'air à la différence d’un avion habité.

Ainsi, le drone vient s’ajouter à la palette des moyens à la disposition du chef militaire, tout d’abord pour augmenter la précision de ses renseignements mais aussi, au cas par cas, pour tirer des munitions. Toutefois, le drone est extrêmement gourmand en liaisons, et notamment en liaisons satellitaires pour les plus évolués. Et il faut sécuriser ces liaisons, ce qui pose d'autres sortes de problèmes. Enfin, la réactivité est moindre que pour un avion habité.

D’un point de vue stratégique

Le grand avantage du drone est qu’il est inhabité. On peut donc le perdre sans qu’une veuve ou une famille éplorée ne le pleure dans la cour des Invalides, ou sans que des portraits du pilote capturé n’ornent la façade de l’Hôtel de Ville. Pour le décideur politique, cette insensibilité médiatique vaut de l’or.

Autrement dit, le drone redonne de la liberté d’action au politique, grâce à une approche indirecte qui vient, de plus en plus, remplacer les approches directes jugées compliquées notamment pour des objectifs relatifs, qui sont le plus courant. On observe d’ailleurs l'extension de l'usage des drones, y compris pour des objectifs majeurs, ainsi que le pratiquent aujourd'hui les Américains en Afghanistan ou au Pakistan.

Au fond, son caractère de machine lui donne une discrétion qui favorise son emploi. Ce n'est pas un hasard si le vrai surge décidé par Obama a été celui concernant l'emploi des drones.

Enfin, la capacité de tirer des missiles sur des cibles à haute valeur ajoutée permet de compenser la pratique de l’attentat suicide chez les irréguliers : en allant abattre un individu ou un dispositif pertinent, à faible risque, la dissymétrie technique permet de compenser l’asymétrie stratégique des guerriers irréguliers. Celle-ci était un contournement de notre avantage initial. Le drone permet de contourner le contournement.

Cela emporte toutefois quelques difficultés d’ordre pratique, et notamment juridique : d’où tire-t-on le drone ? au dessus de quel territoire l’opère-t-on ? les autorités locales en sont-elles d’accord ? Toutefois, la discrétion des drones permet de trouver le plus souvent des solutions à ces questions.

Du point de vue industriel

Un drone ne paraît pas très difficile à fabriquer pour une nation disposant d’une BITD conséquente. Il est composé en effet d’un aérodyne, d’en boule de senseurs, et de dispositifs de transmission (contrôle à distance, transmission en temps réel des informations recueillies). Dans sa version tueuse, le drone doit être capable d’emporter un missile d’une centaine de kilos, ce qui n’est pas le plus compliqué.

La France aurait pu fabriquer de tels engins depuis plusieurs années, mais des chamailleries gauloises ont fait obstacle à la décision.

On peut donc soit acheter sur étagère (en effet, le drone n’engage pas les attributs de souveraineté) soit chercher à développer une filière qui miserait sur l’exportation (car le drone nécessite toutefois une capacité d’intégration de systèmes qui n’est tout de même pas à la portée de tout le monde). Si cette dernière solution est retenue, elle doit être choisie en identifiant bien la gamme mais aussi le coût, pour faciliter les ventes à l’étranger.

Ainsi, le drone donne un avantage au chef tactique, il procure surtout de nouvelles marges de manœuvre au décideur politique, grâce à ses capacités d’action indirecte. D’un point de vue industriel, il n’engage toutefois pas le cœur de souveraineté : une construction (nationale ou en coopération) doit donc se décider dans la principale perspective de l’exportation.

Référence : sur l'avion comme système aérien, ce billet.

O. Kempf