À la découverte de Hildegarde von Bingen, future Docteur de l’Eglise

Publié le 07 octobre 2012 par Tchekfou @Vivien_hoch

Hildegarde von Bingen (1098-1179) est considérée comme l’une des figures les plus extraordinaires de la science humaine européenne. Elle fut également définie comme la femme la plus intelligente du moyen-âge. Aucune autre femme du moyen-âge ne nous a laissé autant de témoignages littéraires. Le cardinal Karl Lehmann, évêque de Mayence, illustre la figure et l’œuvre de cette sainte bénédictine,  que Benoît XVI  proclamera docteur de l’Eglise dimanche 7 octobre.

Au centre de la pensée théologique et spirituelle de la sainte, figure la Création, entendue non seulement dans le sens moderne, car elle renvoie toujours à son auteur, Dieu le Créateur qui, en vertu de son amour incomparable pour l’existence créatrice, a voulu placer l’homme au centre de la Création. Hildegarde ne voit jamais l’homme et le monde, le corps et l’âme, la nature et la grâce comme des phénomènes isolés. L’anthropologie est fortement liée à la cosmologie et, par conséquent, également à l’écologie. Toute la Création transparaît de façon répétée  à partir du lien vivant entre tous les phénomènes.

Pour décrire ce lien intrinsèque de toute la création, et surtout l’« harmonie » avec laquelle les créatures se rapportent les unes aux autres jusqu’à se compléter, Hildegarde utilise souvent le terme de « symphonie », en particulier dans ses poésies et dans ses chants.

Sainte Hildegarde n’a aucun doute lorsqu’elle affirme que Dieu a créé notre monde comme un monde bon. Elle ne ferme pas les yeux devant le mal et le péché qui ont provoqué tant de destruction et de disharmonie dans le Créé. C’est pourquoi tout dépend de la conversion de l’homme.

Trois écrits qui contiennent ses visions sont célèbres: Le Scivias, Connaîs les voies (1141-1151), le Liber Vitae Meritorum (1158-1163), le livre des mérites de la vie, et le Liber Divinorum Operum (1165-1174), le livre des œuvres divines. Ce dernier livre,  contenant les visions cosmologiques, est considéré comme le chef-d’œuvre de son esprit créateur. Entre 1150 e 1160,  furent rédigés ses écrits sur les sciences naturelles et sur la médecine; des œuvres qui représentent aujourd’hui un recueil d’expériences populaires, un héritage classique et une tradition chrétienne.

Karl Lehmann, évêque de Mayence

Itinerarium vous offre un extrait de Scivias ou les trois livres des visions et révélations :

Je vis comme une grande montagne couleur de fer, et sur elle quelqu’un était assis, resplendissant d’un tel éclat, que sa lumière offusquait ma vue ; et de chaque côté, le voilant d’une ombre douce, une aile, merveilleuse de largeur et de longueur, s’étendait. Et devant lui, au pied de la montagne, une figure toute pleine d’yeux se tenait, de laquelle je ne pouvais distinguer nulle forme humaine, à cause de la multitude d’yeux ; et devant elle, était une autre figure d’enfant, sombrement vêtue, mais chaussée de blanc, sur la tête de laquelle descendit une telle clarté, rayonnant de celui qui était assis sur la montagne, que je ne pouvais plus regarder sa face. Mais de celui-là même qui était assis sur la montagne, une infinité d’étincelles vivantes s’échappaient, qui enveloppaient ces figures, d’une grande suavité. Dans la même montagne, on distinguait, comme de nombreuses lucarnes, dans lesquelles apparurent comme des têtes d’hommes, les unes sombres, les autres blanches.

Et voici que celui qui était assis sur la montagne, s’écriait d’une voix forte et pénétrante, disant : O homme, poussière insaisissable de la poussière de la terre, et cendre de la cendre, crie et parle sur l’origine de l’incorruptible salut, jusqu’à ce que soient édifiés ceux qui connaissant la moelle des Ecritures, ne veulent ni l’annoncer, ni la prêcher, parce qu’ils sont tièdes et languissants, pour la conservation de la justice de Dieu ; à ceux-là découvre-leur la clef des mystères, que, dans leur timidité, ils cèlent sans fruit dans le secret. Dilate-toi dans la fontaine d’abondance, et coule dans une mystique érudition ; afin que ceux qui te méprisent, à cause de la prévarication de la (première) Eve, soient ébranlés par le débordement de ta source. Car, ce n’est pas de l’homme que tu tiens la pénétration de ces mystères, mais tu reçois (ce don) d’en haut, du juge redoutable et suprême, par qui cette clarté brillera d’un éclat incomparable parmi les autres lumières.

Lève-toi donc, fais entendre ta voix, et dis les choses qui se sont manifestées par la puissante vertu du secours divin ; parce que celui qui commande avec bonté et puissance à toutes ses créatures, pénètre ceux qui le craignent et qui le servent avec dilection, en esprit d’humilité, de la clarté de sa divine lumière ; et il conduit ceux qui persévèrent dans les voies de la justice, vers les joies de l’éternelle vision.