Alice Ferney, la justice et le pouvoir

Par Pmalgachie @pmalgachie
Les faits sont inscrits dans l’Histoire. Le 22 août 1962, le colonel Jean-Marie Bastien-Thiry a organisé un attentat contre le général Charles de Gaulle au Petit-Clamart. Sans autres résultats que de la tôle trouée. Et avec, en conclusion, un procès débouchant sur sa culpabilité et son exécution le 11 mars 1963. Nulle part, dans Passé sous silence, Alice Ferney ne donne les vrais noms des protagonistes. Le colonel Donadieu et le général de Grandberger sont donc des personnages de roman. Admettons. Sinon qu’il est impossible de ne pas entendre, en écho, des voix authentiques très semblables à celles qui investissent le livre. Avec, parfois, les mêmes mots.Alice Ferney se tient sur le fil du rasoir. Les réactions n’ont pas manqué pour affirmer qu’elle avait choisi le mauvais camp en faisant le portrait d’un défenseur de l’Algérie française, pour qui de Gaulle (ou de Grandberger, comme on veut) était un dangereux dictateur à abattre. Et, certes, ce qu’elle dit dans un court prologue – ou plutôt ce que dit la petite-fille de Donadieu, soyons précis – renvoie à l’écriture de l’Histoire par les vainqueurs, et à leur troublante habitude de passer à la trappe les épisodes qui ne les montrent pas en gloire. Celui-ci en serait un, à partir du moment où le président a refusé la grâce au condamné…Montrer Donadieu (ou Bastien-Thiry) dans la fermeté de ses convictions, est-ce l’acquitter ? La question est là, sans doute, et elle dérange. Comme dérange la force avec laquelle s’exprime la romancière quand elle donne la parole à son personnage. Car Passé sous silence, s’il ne se référait implicitement à la réalité, serait un texte parfait pour mesurer les vertus (et les vices) de la justice face au pouvoir. Peut-être l’est-il, d’ailleurs. Bien qu’il dérange. Ou grâce à cela.