Le cœur cousu, de Carole Martinez

Publié le 09 octobre 2012 par Onarretetout

« Mon nom est Soledad. » Première phrase du prologue de ce magnifique, magifique, roman. Le nom dit beaucoup de chacun des personnages qui vont apparaître au fil des pages. Une femme, Frasquita, va enfanter : quatre filles et un garçon sortiront de son ventre, pas toujours pressés de le faire. Elle a surtout un pouvoir exceptionnel : elle coud, et sa couture a des effets magiques, répare la vie même. Le village, la société la jalouseront, mais elle marchera, obstinée, fidèle à elle-même sans jamais renoncer. Dès le début du livre, elle affirme son caractère en réussissant à tenir son premier engagement (ne pas ouvrir la boite que sa mère lui a remise, boite transmise de femme en femme dans cette famille) malgré les crises de sa mère et la folie qui s’empare du village. Une phrase dit cette relation au monde qu’elle noue à la réception de la boite : « Elle venait au monde et le monde venait à elle. »

Ses enfants, elle va les emmener d’une rive (Espagne) à une autre (Algérie) sans avoir besoin de repos, sans accorder de repos aux enfants. Son talent est recherché mais son pouvoir fait peur. Une des femmes qui la connaît sans doute le mieux dira à son propos : « Je crois à tout. Mais je crois sans craindre. » Voilà certainement comme il faut entrer et voyager dans ce livre, en croyant sans craindre. Même quand la mort s'unit à la vie.

L’histoire racontée dans ce livre est écrite par Soledad (tout un matériel d’écriture était dans la boite quand ce fut son tour de l'ouvrir), mais elle la tient d’Anita, l’aînée, la conteuse. Chaque couleur, chaque vie est ici extraordinaire. « A moins que nous ne soyons pétris de mots. » Pouvoir des mots, à relier, à relire.