Nocturnes rouges, T6 : Par-delà la haine - Emmanuel Nhieu & Looky

Par Belzaran


Titre : Nocturnes Rouges, T6 : Par-delà la haine
Scénariste : Emmanuel Nhieu
Dessinateur : Looky
Parution : Mai 2009


« Par-delà la haine » est le sixième tome de « Nocturnes rouges ». Cette saga est née il y a presque une dizaine d’années. Elle est scénarisée par Emmanuel Nhieu. Cet auteur se chargeait également des dessins lors des quatre premiers opus. Pour les deux suivants, les illustrations sont confiées à Looky. Cette rupture marque également le début d’un nouveau cycle dans l’histoire qui débute dix ans après le dénouement du précédent. L’ouvrage qui est l’objet de ma critique aujourd’hui est paru chez Soleil il y a environ trois ans. D’un format classique, il se compose d’une grosse quarantaine de pages et a un prix proche de quatorze euros. La couverture nous présente un gros plan nous montrant deux personnages centraux de l’intrigue. Le premier est May, héroïne depuis toujours, avec son révolver à la main. Elle semble combattre aux côtés d’Elijah, vampire dont elle souhaite la perte. Comment en sont-ils arrivés à se trouver du même bord ? Notre lecture devrait répondre à cette interrogation…

La quatrième de couverture nous présente le résumé suivant : « Dix années ont passé… Pour le commun des mortels, dix années passées sous le joug des Seiitis. Pour elle, dix années sans avoir pu étancher sa soif de vengeance. Mais, voilà qu’une nouvelle piste se dessine. Une piste coupant à travers les montagnes hostiles d’Alampühr, jusqu’à la cité cachée de Terra-Nova, berceau de résistance. May a enfin retrouvé le vampire qui l’a privé d’un père. Sauf que les Seittis vont quelque peu troubler ces sanglantes retrouvailles… »

« Nocturnes rouges » est une série qui se partage en deux cycles. Le premier se compose des quatre premiers tomes. Il nous faisait rencontrer May, une petite fille amenée à devenir une chasseuse de vampire aux côtés de son oncle. Son père était mort suite à la morsure d’un vampire prénommé Elijah. Parallèlement, nos héros allaient vivre aux premières loges la révolution menée par les Seittis et le premier cycle se concluait par la promesse d’un monde apocalyptique et voyait la petite May séparée de ses amis. Le cinquième tome nous plongeait dix ans plus tard. May n’était plus la petite fille naïve qu’on connaissait. Elle est devenue une redoutable guerrière qui ne semble plus ressentir aucune émotion. Le reste de la situation vous a été précisé précédemment. « Par-delà la haine » démarre en pleine attaque de Terra-Nova par des forces qui semblent rendre le combat des plus déséquilibrés.

La lutte s’avérant veine, la seule solution immédiate apparait être la fuite. Ce choix permet la constitution d’un nouveau groupe. Cette communauté se compose d’un petit peu moins de dix personnes et correspond à un code classique de la fantasy. En effet, chacun des membres possèdent des motivations propres, ses qualités et ses défauts. Il va falloir cohabiter et on peut supposer que chacun apportera son éco à un moment ou à un autre à la réussite de leur mission. Il est évident que voir May et Elijah appartenir à cette « horde » interroge et sous-entend de nombreuses frictions à venir. May quitte donc sa dimension solitaire et retrouve dans un climat très différent un fonctionnement proche de ce qu’elle avait connu dans le premier cycle quand elle était accompagnée de Granite, Dolores et Marco.

Ce fait scénaristique a un attrait principal : nous faire découvrir les nouveaux protagonistes de manière plus approfondie. Tous apparaissaient déjà dans l’opus précédent mais souvent de manière superficielle. Ce sixième tome permet de les connaitre de façon plus poussée. Je ne vais pas vous faire un listing de chacun d’entre eux. Cela serait fastidieux et sans grand intérêt. Néanmoins, leur diversité est certaine et aucun ne nous laisse indifférent. On arrive assez rapidement à se persuader qu’aucun des membres du groupe n’est en trop ou inutile. C’est déjà une bonne chose. Par contre, du côté des méchants, aucun n’occupe une place charismatique dans cet ouvrage. On est davantage impressionné par la puissance de leurs armées que par l’aura de leurs chefs. Cela sera peut-être amené à changer.

A contrario du développement des personnages, l’intrigue, elle, est mise en « stand-by ». En effet, si on est honnête, on ne peut pas dire que l’histoire avance beaucoup. C’est d’autant plus décevant qu’aucun des cinq tomes précédents ne souffrait de ce défaut. Au contraire, j’avais souvent mis en avant le fait que la qualité narrative de la série ne baissait pas au fur et à mesure des parutions, chose rare dans les sagas de ce type-là. « Par-delà la haine » marque un premier bémol. Est-ce dû au fait qu’on découvre beaucoup de personnages ? L’auteur voulait-il nous laisser le temps d’absorber la nouvelle situation dans laquelle était immergée May ? Quelle que soit la raison qui justifie ce choix, je la trouve insuffisante tant je suis sorti frustré de ma lecture. Je me suis dit qu’on n’avait pas beaucoup avancé. Certes, les nouveaux protagonistes sont plutôt réussis. Mais où se trouve l’utilité s’il leur arrive si peu de choses ? 

Côté dessins, on retrouve le style de Looky découvert dans l’album précédent. Il se démarque du trait de Nhieu sans pour autant marquer une rupture trop grande. De plus, le fait qu’on change de cycle, d’univers et d’atmosphère lui permet de s’approprier pleinement l’identité graphique de son travail. La filiation avec style manga est évidente dans les personnages. Tant au niveau de leur apparence physique que de leurs expressions, le lien avec la culture graphique nipponne est évident. Il ne me gêne pas car la différenciation entre les protagonistes est relativement forte et que les décors ne sont pas bâclés. Ce sont les deux défauts que je reproche traditionnellement aux mangakas. Les couleurs de Florence Torta sont plutôt réussies. Elles utilisent énormément les tons marron, ocres, oranges qui tranchent parfaitement au caractère enneigé des paysages montagneux qui abritent la fuite de nos héros. 

En conclusion, « Par-delà la haine » n’est pas mon tome préféré de la série. Il marque une pause dans l’intrigue qui n’était pas nécessairement indispensable. Malgré tout, j’ai pris plaisir à retrouver May et à découvrir ses nouveaux acolytes. Je suis donc curieux de voir comment la trame va rebondir dans le prochain opus intitulé « Un soupçon d’humanité ». Je ne peux pas croire que l’hibernation narrative va se poursuivre. Mais cela est une autre histoire… 

par Eric the Tiger

Note : 11/20