Industriel (Zezelj)

Par Mo

Zezelj © Mosquito – 2012

« Il y a des jours où l’on aimerait rêver d’autre chose. Oublier ces fantasmes de séduction sur papier glacé, oublier ces journées rythmées par le grondement des machines tapies dans les entrailles de la cité. Ah, cette envie de dépasser notre quotidien anesthésié par la drogue et la violence… Et puis arrive ce jour où le rêve prend corps dans la rage et la lutte. Ce jour où le rêve devient réalité sous le pinceau survolté de Zezelj.

Un rêve qui brise les ressorts d’une société industrielle bornée, un rêve qui renoue avec la nature, et ose enfin la liberté » (synopsis officiel).

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Tout simplement superbe. Un album muet dans lequel on plonge littéralement ! Un livre qui regroupe deux nouvelles (« Industriel I » et « Industriel II »), sans lien apparent entre elles si ce n’est le monde ouvrier et ce sentiment qu’on ne jouit pas tous des mêmes libertés ni du même traitement face à la loi. Des pictogrammes récurrents complètent ce regard accusateur d’une société qui écrase l’individu et lui interdit de s’exprimer librement… sauf s’il fait partie des privilégiés. Rêver d’ailleurs ou d’un monde meilleur sont les seuls échappatoires autorisés pour tenter de canaliser la haine sourde qui gronde en chaque prolétaire. Aidé par l‘apparition récurrente d’un nombre limité de pictogrammes, l’auteur ancre progressivement sa vision des sociétés dans un discours très engagé.

L’album s’ouvre sur un énorme cargo qui tangue, chahuté par les vagues. Il est imposant et cette impression est d’autant plus renforcée que le visuel s’étale en pleine page. Ce n’est qu’une mise en bouche qui nous prépare au superbe voyage graphique qui va suivre.

Lorsque la page se tourne, l’impression se confirme. Elle ira crescendo à mesure que l’on s’enfonce dans la lecture. Danijel Zezelj utilise les codes de l’art séquentiel. Le découpage des planches se plie aux besoins narratifs et varie en permanence. Cela donne du rythme et crée une réelle dynamique durant la lecture. De plus, l’auteur joue avec de nombreux contrastes qui là aussi sont très hétéroclites. Le plus évident se situe au niveau de l’utilisation des noirs et blancs qui se complètent ou se combattent. Les jeux d’ombre et de lumière sont omniprésents, ils sont la pierre angulaire du récit et soufflent l’ambiance de la séquence graphique. Quoiqu’il en soit, que le visuel soit contenu dans la plus petite des vignettes ou qu’il s’étale en pleine page, le lecteur scrute et contemple chaque élément graphique. Un angle saillant ou arrondi, un trait épais ou un simple filament sont autant de détails qui aident le lecteur à profiter pleinement du spectacle.

L’ambiance de l’album est atypique. Durant ce périple, notre mémoire auditive et tactile est sans cesse stimulée car chaque case réveille de nombreuses sensations. On ressent la chaleur des fourneaux et des cuves de métal en fusion, celles des corps transpirants des hommes qui repoussent sans cesse leurs limites physiques en travaillant sur les docks. Cette chaleur rivalise avec le froid métallique des colonnes d’acier et des échafaudages. Inconsciemment, on associe des sons à chaque visuel, l’album devient vivant, la lecture est interactive. Après le premier degré de contraste (noir // blanc) décrit plus haut, Zezelj introduit l’aspect sonore de la lecture. Impossible pour le lecteur de rester simple spectateur ! Sa lecture va être chahutée par des sons, des cris, des bruits de rouages, des cliquetis ou des gouttes d’eau qui tombent dans une flaque. Puis, le silence revient, à peine dérangé par une légère brise marine, un soupir ou le frottement de deux paumes de mains.

Une force tranquille et une fragilité troublante émanent de chaque personnage. Ils évoluent dans un monde à la fois brut et chaleureux, on y voit toutes les interactions qui existent entre l’homme et son environnement. La Cité est donc un personnage à part entière, ses détails architecturaux aident à comprendre l’état d’esprit du personnage, ils renforcent l’impression de solitude ou de tumulte. En somme, leur présence opprime, leur absence inquiète.

« En saturant de noir ses compositions, Zezelj contraint le lecteur à accoutumer son regard à cette apparente obscurité, jusqu’à discerner choses et êtres cachés jusqu’alors dans les entrelacs du dessin. Seule cette lecture à lente progression autorise la compréhension des intrigues (…) » peut-on lire sur la chronique de J-F Douvry (BDgest).

En effet, la richesse graphique de cet album est réelle. Le dessin foisonne de détails sans jamais devenir entêtant. Le trait de l’auteur est brut, vif, nerveux… vivant. Un conte graphique doublé d’un conte urbain, je ne doute pas un instant que les amateurs du genre apprécieront ! Quant à moi, je souhaitais découvrir l’univers de Danijel Zezelj depuis quelques temps. Cet album est une très belle entrée en matière !

Une découverte faite dans le cadre de La Voie des Indépendants, en partenariat avec Les Editions Mosquito.

Les chroniques : OliV, BD Zoom, Planete BD, La mystérieuse librairie.

Industriel

One shot

Éditeur : Mosquito

Dessinateur / Scénariste : Danijel ZEZELJ

Dépôt légal : juin 2012

ISBN : 2-35283-071-0

Bulles bulles bulles…

Si vous souhaitez lire les premières pages de l’album, c’est ici.

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Industriel – Zezelj © Mosquito – 2012