Pourquoi j'ai peur de mourir ?

Par Jeuneanecdotique

Je l'avoue, j'estime que j'ai eu pas mal de chance, dans ma vie. Je n'ai jamais été dans un manège pendant une faille technique, je n'ai jamais eu d'accident de voiture, et je suis assez prudente pour n'avoir jamais failli me faire renverser. J'ai toujours vu des malheurs relatés au journal du soir, et chaque fois, ce n'était jamais moi la victime. J'avais fini par croire que j'étais immortelle. Que rien ne m'arriverait jamais.
Et un jour, j'ai eu la preuve que non. En une seconde, comme ça, bam, j'ai failli mourir, alors que la seconde d'avant, tout était parfaitement normal.
Alors que je partais en vacances avec mon petit-ami, nous avons emprunté le périphérique. Il pleuvait. Et alors qu'il prenait un virage en descente, j'ai senti quelque chose de bizarre. La voiture tournait sur elle-même. Mon copain s'excitait sur le volant, et la voiture ne répondait pas à ses mouvements. J'avoue, sur le moment, mon cerveau a eu une sorte de « bug », je ne comprenais pas ce qui se passait. J'ai limite pensé que mon copain faisait exprès pour jouer à l'imbécile (oui, des pensées relativement débiles nous traversent l'esprit dans une situation comme celle-ci). A peine trois secondes plus tard, nous étions à contresens sur le périphérique, tous les deux choqués.
Mon copain a vite reculé jusqu'aux zebras. Il est sorti pour parler avec le conducteur du camion que nous avions failli emboutir. A peine avait-il garé la voiture « en sécurité » que les voitures ont recommencé à arriver, sans discontinuer. Comme si quelqu'un avait interrompu la circulation quelques minutes, pour nous laisser la vie sauve. Mon copain était en pleine discussion avec l'homme pour voir si tout allait bien, et moi, j'étais prostrée sur mon siège. J'ai fait un rapide calcul, une rapide constatation, et l'évidence s'est imposée à moi : un périphérique à l'heure de pointe, une voiture arrêtée à contresens après un virage sans visibilité = 95% de se faire emboutir par l'avant et de crever comme des merdes.
Et pourtant, nous étions en vie. En plein rush, pendant quelques secondes, il n'y avait eu AUCUNE voiture. Des secondes qui  nous ont permis d'être encore là aujourd'hui.
Lorsque mon copain est revenu dans la voiture, nous avons repris notre route normalement, comme si de rien n'était. Sauf que j'étais en pleurs. Je tremblais. Dès que mon copain a ouvert la bouche, je me suis permise de déverser ma peur sur lui. Je l'ai engueulé de rouler aussi vite, d'être aussi con, aussi inconscient, de ne pas savoir, à son âge, qu'on ne déboule pas à 90km/h par temps de pluie dans un virage en descente aussi serré que celui-ci. Nous avons croisé d'autres virages pendant le trajet, et même pendant les huit six mois qui ont suivi. Et chaque fois, je m'agrippais à mon siège, j'avais du mal à respirer, et je n'arrivais à me calmer qu'une fois le virage passé. Que ça soit moi ou quelqu'un d'autre qui conduise, je fais une crise d'angoisse à chaque virage. Deux secondes passent comme deux heures et je dois puiser au plus profond de moi-même pour réussir à respirer.
Cet incident a eu le mérite de me faire comprendre une chose : j'ai peur de mourir. Même lorsque je me sens mal et que je me dis que j'aimerais bien crever quelques secondes pour ne plus rien ressentir, je me rappelle ce jour, et les émotions qui m'ont envahie en me rendant compte que j'avais vraiment failli mourir. Je me dis que ce n'est pas pour rien, que la circulation s'est miraculeusement arrêtée pendant quelques secondes. Je me dis qu'il faut que je reste, et que je me batte pour ma vie, pour mon avenir, même si je souffre. Parce que mourir est pire que vivre, à mes yeux. Et pour moi, ça n'était pas si évident que ça, avant. J'ai eu la folle impression qu'on m'avait donné une chance. Comme si on avait décidé que je devais mourir, qu'on avait étudié mon cas, et qu'on avait décidé de finalement me laisser vivre. Bêtement, j'ai essayé de trouver une raison à ce coup de bol miraculeux. Dans mon sac, j'avais le pendentif en or que m'a offert ma marraine à ma naissance et qu'on m'a donnée à mes seize ans. Je n'ai jamais connu ma marraine, mais bizarrement, c'est elle que je me suis sentie obligée de remercier. Non, je n'étais même pas obligée. Je DEVAIS la remercier, parce qu'à mes yeux, c'est elle qui m'avait sauvée. J'ai cherché une explication, et j'ai trouvé la mienne. Elle avait décidé de me botter le cul pour que je prenne ma vie en main.
Quelques jours après cet incident, j'ai avoué à mes parents que je ne retournerais pas à la Fac à la rentrée. Je leur ai dit que j'allais faire mon CAP petite enfance, et que j'allais surtout faire ce que je prévoyais de ma vie. J'ai dit que même si je me trompais, je ne voulais pas crever demain en n'ayant pas essayé d'aller au bout de mes projets à moi, et non des leurs.
Je ne leur ai pas dit que c'était à cause de l'incident. Ils n'auraient sans doute pas compris. Même mon copain n'a pas été traumatisé outre-mesure par cet imprévu. Une fois arrivés sur notre lieu de vacances, il a vite relégué ce petit problème au rang de souvenir et il a continué à vivre sa vie. De mon côté, j'ai mis quelques jours à m'en remettre, et à me sortir les doigts du cul pour prendre les bonnes décisions une bonne fois pour toute.
Ça m'a beaucoup aidée, finalement. De me dire que j'aillais mourir. Il faut sans doute trouver une once de valeur à notre vie pour nous respecter et suivre nos désirs. Ce petit incident a été le coup de fouet qu'il me fallait. Un coup de fouet qui fait mal, mais qui fait avancer.


Votre coup de fouet à vous ? :)