Trophée PANERAI fête la 34ème édition des Régates Royales à Cannes

Publié le 05 octobre 2012 par Fabricegil @thenewreporter

Beau n’est pas exactement la première épithète qui me viendrait à l’esprit pour tenter de qualifier ce que j’ai découvert ce week-end dernier. Certes, les mots sont beaucoup plus forts.Le Trophée PANERAI et le Yacht-club de Cannes ont organisé, fin de semaine dernière, la plus élégante des courses, constituant le graal des passionnés de voiles.La fine fleur du Yachting classique était représentée : Voiliers d’exceptions, pures merveilles du yachting international, marins de renoms, anonymes, passionnés se sont retrouvés pour faire de cet évènement majeure quatre jours de rêves.
Dés les premiers jours de l’automne, la station balnéaire se tourne vers les années glorieuses du yachting pour accueillir gréements auriques, goélettes, yawls, Class J, monotypes du siècle dernier, 12mJI… Quatre jours de régate, dis-je, dans la magnifique baie de Cannes. Un rassemblement exceptionnel s’il en est, puisque les plus grands et les plus célèbres yachts du siècle dernier viennent en découdre tel le majestueux Eilean (plan William Fife III).Chaque année, ces fabuleux navires sont de l’aventure Cannoise et chaque fois ce rendez-vous est unique. Les gros bateaux côtoient les petits et sur l’eau règnent sportivité, fair-play où atmosphère bon enfant et rires francs font lois et sont rois.
"Depuis douze ans déjà, je suis fidèle au rendez-vous. Chaque année je reviens voir les bonnes vieilles voiles de notre temps, surtout les très vieux gréements qui ont plus d’un siècle d’existence. C’est très agréable et émouvant de voir qu’il y a encore des gens qui puissent faire en sorte que la tradition perdure..." avoue un badaud.
La Régate Royale est l’une des plus antiques courses au monde. La première eut lieu en 1929 pour honorer le roi Christian X du Danemark. Le Yacht-club de Cannes est aussi l’un des plus séculaires de France, c’est au printemps 1859 que messieurs Béchard, Tripet-Skrypitzone, de Colquhoum et le célèbre Léopold Bucquet créèrent la Société des Régates avec comme premier rendez-vous, une course en baie de La Napoule. Il s’agissait là de la Régate de Pâques, organisée sous le patronage de Lord Brougham avec un programme sur lequel on lisait que "ces régates étaient offertes à la population maritime de Cannes et des Sports du littoral par la société des Étrangers résidents en cette ville".
Les régates Royales de Cannes sont aussi le dernier rendez-vous annuel du Trophée PANERAI, véritable championnat du monde du yachting Classique.Vous l’aurez compris Cannes : ce n’est pas que du Cinéma…
Jacques Taglang, historien du Yachting, auteur du livre "Mariette & les Goélettes de Herreshoff " et ami d’Yves Carcelles (Louis Vuitton) m’a confié ses précieuses impressions.
F.G. - Quel est, selon vous, le message que délivrent les Régates Royales aujourd'hui?J.Taglang -  Les régates, aujourd’hui, illustre un plongeon dans une nostalgie extrêmement forte, d’ailleurs supporté par des fabricants d’objets de luxe comme Prada et PANERAI. Ces Maisons sont attachées à une tradition à la fois fédératrice d’excellence et de qualité que l’on retrouve en particulier dans le Yachting Classique. J’ai souvent l’habitude de dire que les Yachts Classiques  sont les chefs-d’œuvre de l’éphémère puisque ces bateaux n’étaient pas fabriqués pour durer. Ce qui est d’autant plus méritoire, puisqu’il existe encore aujourd’hui des bateaux conçues entièrement en bois, qu’on a réussi à restituer, à restaurer comme dans leur état d’origine. C’est là un message de tradition très fort.
F.G.Hier en mer, nous avons discuté de l’aspect "architectural" des bateaux. En quoi, certains d’entre eux sont-ils plus performants que d’autres ?J.Taglang - Je dirais que c’est un peu la complexité de la plaisance. Il y a une règle. C’est un peu comme les cylindrés en Formule 1, cela fait appel à une complexité de paramètres. Derrière cela, il y a des jauges. Les jauges sont les règles dans lesquelles l’architecte navale doit obligatoirement se plier. Règles de marges de manœuvres, de subtilités. En cela l’architecte fait la différence. Il y a également le talent de l’équipage, le talent du maître-voilier qui va couper les voiles, le talent du maître-gréeur qui va régler le mât. Tout cela joue. Il y a un ensemble de phénomène qui converge vers cette différence existante entre les bateaux. Aujourd’hui, sur l’eau, nous avons une vision de 130 ans d’architecture navale. Pour exemple le bateau Bona Fide a été construit moins de 10 ans après le génie d’un architecte navale qui s’appelait Herreshoff - véritable "révolutionnaire" de l’architecture navale. Et cette architecture, subit dans le sens noble du terme, est encore marqué par le génie du personnage. En 1891, il réalisa trois étonnants bateaux notamment le dériveur moderne sans lest mobile.Seule l’équipe joue le rôle de lest mobile.
F.G. - Parlez-nous d’Eilean propriété d’Angelo Bonati (Président de PANERAI).J.Taglang - Derrière Eilean, il y a un architecte de grand talent, William Fife junior. Il n’a pas le même génie qu’Herreshoff qui était un ingénieur, un matheux. Fife lui était un artiste. Il se pliait volontiers aux technologies, mais il créait d’abord et avant tout de beaux bateaux. Il avait l’habitude de dire "ce qui est beau doit aller vite". Et ce personnage n’a pas toujours eu tort. En somme, c’est un monsieur qui a crée de petits bateaux et des merveilles comme Eileanqui est somptueux.
F.G. - Que pensez-vous des récents yachts que l’on aperçoit dans le port de Cannes ?J.Taglang - Il y a effectivement une tendance à l’excès. A contrario, il y a peut-être un effet de mode. C’est vrai que l’on voit des bateaux, aujourd’hui, affichant un style qui peut dérouter le profane, mais là encore quand on s’intéresse à la voile, on ne peut pas les ignorer. Il y a tout de même une forme de magie devant laquelle on ne peut rester indifférent. Il est vrai qu’il n’y a pas toujours des choses heureuses, mais on peut tout de même apprécier la magie créative et inventive de ses architectes. J’ai l’habitude de dire qu’ils sont les classiques de demain.Il y aura somme toute toujours une évolution, que ce soit au niveau des matériaux, sans compter les crises économiques dont il va falloir tenir compte. On va peut-être redécouvrir les vertus du bois, bien sur avec des technologies modernes. Mais plutôt que de concevoir des bateaux en carbone, qui auront toujours une touche actuel, un peu comme les voitures ou la mode, les bateaux resteront les chefs-d’œuvre  de l’éphémère.
F.G. -  Un bateau vous émeut-il plus qu'un autre ?J.Taglang - C’est difficile de choisir, j’ai une passion extrêmement varié. J’ai une image intéressante à vous donner pour vous apporter des éléments de réponses. On voit sur l’eau non loin de l’île Sainte Marguerite (iles de Lérins), Creole qui est une goélette trois mats des années 1930 appartenant à la famille Gucci. A coté de ce bateau, vous avez le "Mother ship" qui joue le rôle de bateau-accompagnateur. Avel lui a été construit en 1898. C’est ce contraste entre petit et grand bateau qui me fascine. Alors, ai-je un bateau préféré ? Je pioche dans ma tendance naturelle de l’America’s Cup avec Shamrock V. Même si c’est une restauration un tantinet excessive, un peu détourné, il reste le témoin, le plus ancien bateau de l’America’s Cup. Là encore, chef d’œuvre de l’éphémère qui existe toujours. Hier nous avons vu quelques 12mJi qui ont couru la course de l’America’s Cup de 1958 à 1987. Là, croyez-moi ce genre de bateau fait vibrer. Bona Fideque nous avons évoqué est un bateau de course, qui a couru les JO en 1900 et dessiné, conçu selon une jauge française : la jauge Godinet. C’est un bateau aussi somptueux que moderne. Ce qui est extraordinaire dans les Yachts classiques, c’est que se déroule devant nos yeux, toute l’évolution de l’architecture navale.
F.G.Existe-t-il selon vous une identité française propre à la voile ?J.Taglang - Sur un plan historique, la France a perdu cette richesse que l’on pourrait avoir pour de multiples raisons. Mais notre pays reste marqué par le Yachting anglais. Indiscutablement dans les années 1830-1850, il était de bon ton d’aller acheter son bateau en Angleterre. Tout cela a perduré très longtemps. C’est la raison pour laquelle le yachting en France s’est développé principalement sur les rivières. Les impressionnistes faisaient partis de ces joyeux compagnons qui naviguaient sur les bords de Seine, à faire du canotage, soit à rame, soit à voile. Donc l’identité française partirait plus de cela. Il faut attendre les années 1960-1980 pour voir apparaître des personnalités comme Eric Tabarly, qui relance le Yachting français avec une connotation un peu différente de celle des pays scandinaves ou Anglo-Saxons, c'est-à-dire un yachting d’individualité. Et non pas un yachting de classe ou de diffusion populaire. Les français se sont lancés dans les multicoques, ils en sont les maîtres. Malheureusement, ils ne seront pas présent pour la prochaines America’s cup. Ils auraient pu créer la surprise !
F.G. - Jacques, racontez-nous votre plus beau souvenir en mer ? J.Taglang - Mon meilleur et plus beau souvenir a été de naviguer à bord d’une goélette qui n’est pas à Cannes cette semaine mais dont on a vu sa "sœur" Elena. Il s’agit d’une goélette d’Herreshoff qui s’appelle Mariette, conçu en 1915. C’était là un souvenir émotionnel très fort, j’en ai même écrit un livre. J’ai pu naviguer sur un bateau qui était quasiment à 80% tel qu’il était à sa naissance. On perçoit aisément le génie d’Herreshoff, et certains aspects de ce bateau restent encore modernes.Propos recueillis le 29 septembre 2012Fabrice Gil
"Mariette & les Goélettes de Herreshoff" de Jacques Taglang – Editions YachtingEditionswww.panerai.com