La rumeur parlait beaucoup du japonais Haruki Murakami. J'ai lu par le passé Chroniques de l'Oiseau à Ressort, dans une période passablement occulte de ma vie, j'avais beaucoup aimé. Tant aimé que je n'avais jamais osé relire un autre de ses livres de peur d'être déçu. Je voulais garder ce souvenir de quasi-perfection, intact. J'avais dévoré les quelques milles pages en très peu de temps. Mon rendez-vous matinal sur l'internet avec la Suède était comme des retrouvailles avec un auteur dont je ne connaissais qu'un seul livre mais dont je ne connaissais pas le visage.
Je n'ai jamais vu une remise de prix Nobel. Ou une déclaration de gagnant. J'avais les yeux rivé sur le gros plan d'une porte fermée. Une grande porte haute, blanche, avec des dorures ici et là. Un plan fixe. Un immobilisme familier. Celui de ma génération face à l'emploi. Ou cette porte...serais-ce plutôt l'emploi face à notre génération?
C'est peut-être ça mes nuits blanches, l'incertitude devenue angoisse. La poisse. J'étais semi-comateux en tout cas, fixant la porte fermée sur le net.
Puits à sec parce que j'ai fait une traduction récemment, remise le 3 septembre dernier et nous voilà le 18 octobre et les bandits qui m'ont engagé ne m'ont pas encore payé. On joue au chat et à la souris au téléphone.
"Oui, y a -t-il un problème avec ma paie?"
"Je vais vérifier et je vous rappelle"
Ces deux simples phrases peuvent s'étendre sur 4 jours. Efficacité nulle. C'est peut-être ma dernière traduction auprès de ces gens qui ont de régulières visites inopinées de la part d'un service innatendu depuis plusieurs semaines.
C'est ça qui m'énerve. Porte fermée. Plan fixe. Immobilisme.
Mo Yan.
Pourtant je devrais, il a écrit Beaux Seins, Belles Fesses, titre auquel je ne peux pas rester insensible.
M'enfin, dirait un héros de mon enfance.
J'ai encore le temps de l'explorer.
J'ai toute la vie qui me passe à côté.
Moi, traducteur impayé, avec mes yeux posés la grosse porte fermée.