Philippe Faure-Brac

Par Gourmets&co

Philippe Faure-Brac par Patrick Faus

Un homme heureux, comblé, toujours plein de projets…

Ça se passait à Rio de Janeiro. Le VIIème concours du Meilleur Sommelier du Monde allait commencer. Philippe Faure-Brac représentait la France dans cette épreuve prestigieuse à laquelle tous les sommeliers de la planète rêvent de participer sinon de la gagner. Philippe Faure-Brac s’est préparé pendant des mois, seul à potasser des tonnes de bouquins, avec des amis sommeliers pour l’entraîner, lui poser des colles, le conseiller, dans les vignes de France et d’ailleurs pour voir, toucher, goûter, comprendre. Certes, ce n’est pas un débutant et il est même un habitué des concours puisqu’il est Meilleur Sommelier de France depuis 1988. Mais le monde, c’est autre chose ! Ça vous tourne la tête, vous fait rêver d’une notoriété incroyable, de contrats mirobolants, de respect absolu de la profession et des amateurs… C’est exactement ce qui s’est passé.
Ce natif de Marseille (en 1960), de parents originaires de Briançon, va voler de place en place et de manifestations en congrès avant d’ouvrir son propre restaurant dans le 8ème arrondissement de Paris, Le Bistrot du Sommelier, le bien nommé. Il construit une cave exemplaire, propose chaque jour des accords mets et vins à ses clients, organise des séances de dégustation avec des vignerons et s’occupe même d’un vignoble composé de deux parcelles dans le sud de la France. L’une sur l’appellation Lirac, l’autre en Côtes du Rhône Villages Laudun, une région qui demeure depuis toujours sa région viticole préférée. Un homme heureux, comblé, toujours plein de projets, auteur à succès de livres sur le vin dont l’excellent « Comment goûter un vin » (Ed. EPA), investi discrètement mais efficacement dans des œuvres caritatives, passionné par la chanson, et surtout d’une grande fidélité dans ses engagements et en amitié.
Ils étaient tous présents ses amis de toujours, sommeliers, vignerons et autres, ses clients fidèles, pour fêter vingt ans après ce titre inoubliable qu’il a « gagné un jour mais qu’il faut mériter tous les jours. » Cela se passait dans son restaurant bien sûr avec Olivier Poussier, lui-même Meilleur Sommelier du Monde 2000, Gérard Holtz, Nelson Montfort, Pierre Richard, propriétaire d’un vignoble dans les Corbières, Patrick Bruel, Fabienne Thibaut, et bien d’autres, amateurs de bons vins et qui n’ont pas peur de le montrer…

Gourmets&Co et Philippe Faure-Brac

Comment est arrivé le « déclic » vin pour vous ?
Mon premier souvenir du vin remonte à l’âge de 14 ans où j’étais parti en randonnée avec mon père dans les Dentelles de Montmirail. On a dormi dans une sorte de refuge le soir et dans le frigo il y avait une bouteille entamée de Muscat de Baumes-de-Venise. Mon frère de 18 ans a pris un verre et j’ai voulu faire pareil. J’ai goûté et j’ai trouvé ça délicieux. J’ai longtemps gardé ce souvenir en moi.

Quelles sont les grandes étapes de votre formation ?
Je décide à 16 ans de faire une école hôtelière pour apprendre le métier dans son ensemble. En cours de pâtisserie un jour, on nous fait faire un riz au lait avec des abricots confits et le professeur nous demande quel vin pourrait aller avec ce plat. Je me suis souvenu du Muscat, je l’ai dit, et le prof m’a félicité. J’ai donc commencé à m’intéresser au vin et à travailler sur le sujet et à assister à des cours d’œnologie. De temps en temps avec des copains, on faisait des plats et on achetait un vin en essayant de faire des accords. Je pense que le déclic s’est produit à ce moment-là. Puis, c’est à l’école hôtelière de Nice que je me suis vraiment lancé dans ce métier.

Et vous avez pris aussi le goût des concours ?
J’ai tenté le concours du Meilleur Jeune Sommelier de France où j’ai fini troisième la première fois mais j’avais une rage de dent le jour même. La deuxième fois, je l’ai gagné ! J’aime la compétition par le fait qu’elle force à travailler et à se concentrer. J’ai toujours eu ce genre d’objectifs de progresser et de gagner.

Un moment qui vous a marqué dans le Meilleur Sommelier du Monde à Rio ?
Le résultat, bien sûr. Mais aussi la préparation qui a été phénoménale : livres, entraînement avec des amis, etc. J’ai été très soutenu dans la préparation par des amis comme Eric Sertour, Jacques Boudin, Alain Passard, le sommelier de La Marée Jean-Luc Pouteau, Jean-Claude Jambon, et plein d’autres. Je ne pouvais pas les décevoir.

Cet « esprit » a changé aujourd’hui ?
Par force. Les informations sont plus faciles à obtenir par Internet, les épreuves orales se font toutes en anglais, et il y a une exigence plus pointue.

En vingt ans, qu’est ce qui a changé dans le vin ?
L’orientation de la biodynamie dans la culture de la vigne, l’approche des gens pour le vin grâce aux cours de dégustation, la diminution de la consommation du vin qui est flagrante. À la maison, on mettait la bouteille de vin sur la table et après on mettait la table. Dans mon restaurant, les hommes prenaient l’apéritif puis une bouteille pour le repas, maintenant ils prennent un verre de vin pour tout le repas. Le vin est également plus médiatisé avec les foires aux vins, les numéros spéciaux des magazines…

La meilleure bouteille de vin de votre carrière à ce jour ?
Il y a eu un Château Palmer 1947, un Cheval Blanc 1947 aussi, Yquem 1899, Côte Rôtie La Mouline 1978, fabuleux. Au final, je choisirais mon premier grand émoi devant un vin : La Romanée Conti 1929 sur des vignes centenaires. Auparavant j’avais goûté une 1959 mais c’étaient des jeunes vignes car les vignes ont été arrachées à cause du phylloxéra en 1945. Mais les deux étaient très bien !

Palmarès
Meilleur Jeune Sommelier de France – 1984
Meilleur Sommelier de France – 1988
Meilleur Sommelier du Monde – 1992

Livres (sélection)
La Cave Idéale – 1998 (Ed. EPA)
Saveurs Complices – 2002 (Ed. EPA)
Comment Goûter un Vin – 2006 (Ed. EPA) Prix Curnonsky du Meilleur livre de l’année.
Comment faire sa cave – 2010 (Ed. EPA)