On ne naît pas leader, on le devient !

Par Coachetmoi @coachetmoi


A l’heure où les managers – de la petite entreprise à la multinationale – se retrouvent face à des contraintes et des enjeux de plus en plus forts et nombreux, cet ouvrage de référence présente d’excellentes pratiques de management au sein d’une organisation.



Propos recueillis par Claire Derville pour Capital.fr

Qualités personnelles, contexte propice, expériences clés,
 motivation de fer… « Les ingrédients du succès sont multiples », selon Michel Barabel et Olivier Meier, directeurs du laboratoire Dever Research, professeurs 
en gestion des ressources humaines, coauteurs de “Manageor” aux éditions Dunod.

Qu’est-ce qu’un leader ?
Cette question a toujours obsédé les chercheurs en management et les avis restent partagés. En 1974, dans une étude comparative de la littérature managériale, Ralph Stogdill relevait ainsi
 350 définitions différentes (R.M. Stogdill, “Handbook of Leadership : A Survey of the Literature”, New York Free Press, 1974). Aujourd’hui, la recherche s’accorde quand même à associer au leader-type un certain nombre de caractéristiques : il s’agit en général d’une personnalité qui jouit d’une grande autorité, qui sécurise ses proches et inspire confiance. Populaire, il a du charisme, sait donner du sens aux actions et créer de la valeur collective. Il possède une aptitude réelle à influencer un groupe et à le transformer. Tandis que le manager se contente d’être un bon gestionnaire, le leader guide, c’est un visionnaire. Notons que nul ne peut s’autoproclamer 
leader : c’est à l’entourage de juger si une personne possède l’aura nécessaire. La notion de leadership est indissociable de celle de groupe. En clair, on ne peut être leader qu’aux yeux d’autrui.

Syndrome Superman.
Voilà pour la définition consensuelle. Reste cependant une question qui continue à diviser la recherche : quelles sont les causes ou les origines du leadership ? Historiquement, trois thèses s’affrontent. La première défend l’idée du «leader né» (A. Bandura, “Self-Efficacy : Toward a Unifying Theory of Behavioral Change”, “Psychological Review”, vol. 84, p. 191-215, 1977). Les chercheurs ont longtemps été convaincus que les leaders étaient des êtres supérieurs dotés de dispositions naturelles pour montrer la voie et que, pour avoir la destinée d’un Alexandre le Grand, d’un Winston Churchill, d’un Charles de Gaulle ou d’un Franklin D. Roosevelt, il fallait posséder dès la naissance un certain nombre d’attributs non modifiables : haute taille, intelligence supérieure, forte person nalité, humour, charisme, vision, courage, etc. C’est la théorie du «grand homme» ou «syndrome Superman». Ancrée dans les principes du darwinisme et flirtant dangereusement avec l’eugénisme, elle a connu son apogée dans les années 1930 avant d’être supplantée dans les années 1970 par l’école du «leader contextuel» (R. A. Mangi, I. A. Ghumro, A. R. Abidi, “A View on Leadership Skills
and Qualities with Reference to Crisis, Change and Employee Relationship”, “Interdisciplinary Journal of Contemporary Research in Business”,
novembre 2011, vol. 3, n° 7, p. 398-408).

Au bon endroit au bon moment.
Cette approche considère, à l’inverse de la précédente, que nul ne naît leader : chacun peut le devenir à condition de se trouver au bon endroit, au bon moment afin de révéler ses qualités et ses compétences. Charles de Gaulle, par exemple, aurait-il pu se démarquer sans les événements tragiques de la Seconde Guerre mondiale ? Les passionnés d’histoire savent qu’il n’obtenait pas de notes exceptionnelles à l’Ecole militaire. De même, on n’est pas forcément leader dans toutes les situations. Ainsi, un tatillon rationnel ne deviendra peut-être jamais directeur des ventes mais pourrait faire un excellent directeur financier. Un créatif émotionnel, de son côté, aura plus
de chances de briller au marketing qu’à une direction de la production. En résumé, pour les adeptes du relativisme le leadership est avant tout une question d’adéquation et de compatibilité entre une personne et une situation.

Rites de passage.
Il y a une dizaine d’années, une troisième école de pensée – dite «processuelle» – a fait son apparition. Elle s’intéresse pour sa part à l’importance de l’expérience accumulée par un individu (D. Cristol, “L’enseignement des sciences de gestion s’oppose-t-il à l’apprentissage du management ?”, “Revue internationale de psychosociologie et de gestion des comportements organisationnels”, 2009/37, vol. 15, p. 307-325). Vu sous cet angle, le leadership s’apprendrait tout au long d’un parcours exigeant, parfois linéaire, le plus souvent chaotique, au cours duquel certaines expériences jouent un rôle d’accélérateur et dont le manager ressort transformé. Parmi ces rites de passage figure l’opportunité
 de partir travailler à l’étranger ou dans une petite unité distincte et prospère qui conférera au manager un maximum d’autonomie et de responsabilités. Participer à des projets complexes (comme une restructuration ou une fusion-acquisition), essuyer une grosse crise ou, au contraire, gérer une période de boom intense sont également des défis qui peuvent se révéler déterminants sur le chemin du leadership, à condition de recevoir des «feedbacks» positifs et constructeurs (C. Voynnet-Fourboul, “La Spiritualité des dirigeants en situation de
 passage de leadership”, “Management et Avenir”, 2011/8, n° 48, p. 202-220).

Se forger une légitimité.
Inutile de choisir votre camp entre ces trois écoles. Des travaux très récents ont montré que, dans les faits, le leadership est le fruit de la combinaison de ces trois approches, ces qualités innées ne pouvant se révéler et s’épanouir que dans un contexte propice et à travers un processus de développement précis (M. Popper & O. Mayseless, “The Building Blocks of Leader Development “, “Leadership and Organization Development Journal”, vol. 28, n°7, 2007,
p. 664-684, vol. 87, n° 18, juillet, 2011). Prenez le cas de Barack Obama. Il est né avec une intelligence, un don oratoire et un charme indéniables. Il a ensuite eu la chance de se présenter à un moment où les Américains, échaudés par la présidence controversée de George W. Bush, ressentaient un profond désir de changement. Enfin, son éducation dans les prestigieuses universités de Columbia et de Harvard, son début de carrière dans le social à Chicago, son autobiographie à succès puis son discours remarqué à la convention démocrate de 2004 lui ont offert autant d’occasions de se forger une légitimité. Les chercheurs Micha Popper et Ofra Mayseless ajoutent à ce cocktail gagnant un facteur clé de succès : la motivation. Un individu peut très bien avoir le profil et l’expérience rêvés d’un leader mais sans réelle envie de consentir les sacrifices qui s’imposent pour réussir, sans faire du leadership sa priorité, il n’ira pas très loin.

Réseautage et résilience. Le sociologue Pierre Bourdieu, pour sa part, insistait déjà en 1990 sur l’importance des réseaux. A l’heure des LinkedIn et Viadeo, on ne peut que lui donner raison. Aujourd’hui, dans le contexte économique tendu freinant la mobilité, les relations d’un individu comptent presque plus que ses qualités et ses compétences. Résumons : vous êtes doué, motivé, expérimenté, bien placé et connecté ? Vous avez toutes les chances de devenir un leader ! Reste, selon les travaux de Jean-François Chanlat, une variable qui pourrait tout faire capoter : la dimension politique (J.-F. Chanlat, “Emotions, organisation et management :
une réflexion critique sur la notion d’intelligence émotionnelle“,
“Travailler”, 2003/1, n° 9, p.113-132). Le monde de l’entreprise est truffé de médiocres et de jaloux prêts à tout pour torpiller les bons. En cas d’attaque, il faudra savoir faire preuve de résilience, cette capacité à encaisser les chocs pour en ressortir plus fort.
Une preuve de plus qu’en matière de leadership, rien n’est joué d’avance.