Le mariage et la parentalité pour tous, maintenant !

Publié le 24 octobre 2012 par Lecridupeuple @cridupeuple

 Par Benoît

À Julie et Carole

« C’est une question de société », « nous avons d’autres problèmes bien plus urgents à traiter », disent-ils. Et je ne parle pas de ceux pour qui « le débat doit d’abord avoir lieu », ceux pour qui « nous n’avons pas suffisamment de recul ». Et je n’évoquerai même pas les arguments de ceux qui voudraient que la République adopte des lois conformes à tel ou tel dogme religieux. Ces derniers ne méritent que notre mépris.

L’égalité des droits est un impératif républicain. Et permettre aux personnes homosexuelles d’être des parents comme les autres est également une urgence sociale.

Le mariage d’abord. Certes, le fait de pouvoir se marier n’est pas vital. Le Pacs ouvre de nombreux droits et on pourrait encore rapprocher ces deux institutions. Certains voudraient même les rendre identiques tout en conservant des noms différents. Ceux-là sont les pires des hypocrites. Pour d’autres, le mariage est une institution bourgeoise. Je veux bien, mais ça ne justifie en rien ce statu quo.

Nous devons ouvrir le mariage à tous les couples. Nous n’avons pas le choix. Ou alors c’est que nous avons renoncé à l’égalité des droits. Car c’est de cela dont il s’agit : une discrimination légale. La Révolution a dépénalisé la sodomie en 1791. La France était très en avance à l’époque. Mais Pétain est revenu sur cette mesure et de nouvelles lois répressives ont été adoptées sous De Gaulle. Ça n’est qu’en 1982 que la dépénalisation des relations homosexuelle est complète. Jusqu’à cette date, avoir des relations sexuelles avec une personne de même sexe de plus de 15 ans était encore un délit. Cela peut paraître négligeable. Ca ne l’est pas. Non seulement parce que des personnes ont été condamnées à des peines de prisons sur la base de cette loi, mais aussi parce que cette différence de « majorité sexuelle » a contribué à alimenter un amalgame entre homosexualité et pédophilie (tout comme l’usage terme « pédé »).

Photo : Des Pas perdus

J’en ai d’ailleurs eu un exemple il y a quelques jours. Une collègue, qui est loin d’être homophobe, m’a dit que Charles Trenet « aimait les petits enfants », que « c’était connu ». Etonné, j’effectue une petite recherche et découvre qu’il avait, en 1963, été brièvement incarcéré, traîné dans la boue et condamné à du sursis, au motif qu’il aurait (il le niera) eu des relations sexuelles avec deux hommes de 20 ans. Il bénéficia d’un non lieu en appel mais, 50 ans plus tard, la rumeur de sa pédophilie circule encore.

En 1990, un parlementaire de l’aile gauche du PS, récemment sensibilisé à la cause des personnes homosexuelles, dépose une première proposition de loi pour créer un partenariat d’union civile et contribue à lancer le débat (j’avais oublié que c’était lui. Je dois dire que ça m’a fait chaud au cœur). 9 ans plus tard le PCS est adopté. À l’époque, c’était un pas important vers l’égalité. En 2006, plutôt que de suivre la voie ouverte par les Néerlandais, les Belges, les Espagnols et les Canadiens, la France se contente d’améliorer la loi sur le Pacs.

Il nous faut aujourd’hui achever ce travail. Et qu’on ne vienne pas me dire que certains couples ne veulent pas se marier… Quand bien même AUCUN couple de même sexe ne voudrait se marier, il faudrait tout de même se battre pour qu’ils en TOUS aient le droit. Les femmes qui ne votent pas seraient-elles prêtes à renoncer au droit de vote ?

Bien entendu, la question de la parentalité pour tous touche aux mêmes principes républicains. Mais autant la question du mariage pourrait être considérée comme symbolique1, autant celle de la parentalité a des conséquences bien réelles sur la vie de milliers de familles. Parce que oui, les enfants élevés par des couples de même sexe existent. Et ils sont nombreux. Je pourrais vous trouver des chiffres sur des sites associatifs mais je doute qu’on puisse leur accorder un quelconque crédit puisque, dans ce pays, on ne recense bien heureusement pas les familles « homoparentales »2. Bref, n’en déplaise aux tenants de la motion « nous n’avons pas assez de recul, bla bla bla », si, nous avons du recul. De nombreuses personnes homosexuelles n’ont pas attendu l’aval du Parlement pour vivre leur vie. Et pour certains, cette vie a pu inclure des enfants. D’autres n’en ont malheureusement toujours pas la possibilité.

Photo : Des Pas perdus

Première question : qui sont ces familles ? Comment ont-elles fait ? Sans prétendre à l’objectivité, citons : les personnes qui ont eu des enfants avec un conjoint de sexe opposé avant de vivre avec une personne de même sexe, les couples qui ont adopté à l’étranger, les couples dont l’un(e) a adopté en tant que célibataire, et les couples de femmes dont l’une a fait un enfant « toute seule ».

Revenons un instant sur l’adoption. Aujourd’hui, le Code civil permet aux couples mariés et aux célibataires d’adopter des enfants. Pas aux couples pacsés ou en union libre. Rien n’interdit donc formellement aux personnes homosexuelles d’adopter à titre individuel mais les agréments leur étaient, semble-t-il, systématiquement refusés lorsqu’ils révélaient leur homosexualité. Ces refus sont sans doute encore fréquents. Mais, grâce au courage de certains adoptants dont Philipe Fretté (qui n’aura pas gain de cause) et Emmanuelle B.3, la Cour Européenne des Droits de l’Homme a fini par condamner la France au motif que refuser un agrément en raison de l’homosexualité de l’adoptant était constitutif d’une discrimination. Cela a-t-il suffit à régler ce problème ? Certainement pas. Mais l’hypocrisie du droit français est désormais évidente : les personnes homosexuelles peuvent bien adopter mais même lorsqu’elles sont en couple, elles devront le faire à titre individuel. Et dans ce cas, le second parent ne sera pas reconnu légalement comme tel et ne pourra exercer aucune autorité parentale

photo : Des pas perdus

C’est là que les farouches opposants à la parentalité pour tous, grimés en ardents défenseurs de « l’intérêt supérieur de l’enfant », devraient se poser LA bonne question : quel est l’intérêt d’un enfant lorsque ses parents se séparent, ou lorsque l’un d’eux meurt ou ne peut plus s’occuper de lui ? La réponse me semble évidente : il doit pouvoir maintenir un lien avec ses deux parents, être élevé par son parent survivant ou celui en état de le faire. Et pour que cela soit possible, il faut permettre aux enfants d’avoir un double lien de filiation dès lors qu’ils ont deux parents. De même, est-il acceptable qu’un parent ne puisse plus revoir l’enfant qu’il a élevé, et ce à cause d’une séparation conflictuelle ou de la bêtise crasse de la famille de son conjoint défunt ?

Il faudra donc réviser le régime de l’adoption simple afin que le « parent sans lien de parenté » puisse en acquérir un. Cette question touche d’ailleurs également les couples hétéros. Il va sans dire qu’il faut également ouvrir l’adoption aux couples, homos ou hétéros, non mariés. Comment justifier qu’il en soit autrement ? Rappelons à ce sujet que la moitié des enfants naissent hors mariage. Cela devrait amener à réfléchir ceux qui croient encore que le mariage est le « cadre naturel » (sic) de la filiation. Mais, vivant dans un monde parallèle, ils auront sans doute bien du mal à comprendre cela.

Il faut aussi ouvrir l’assistance médicale à la procréation qui elle actuellement explicitement réservée aux « couples hétérosexuels ». Pourquoi refuser à des femmes une chance de porter son propre enfant ? Sur ce point, le Gouvernement semble être en passe de reculer. Alors même que nous étions un certain nombre à considérer que ce dossier était l’un des seuls qui avait une réelle chance d’être mené à bien. Mais nos élus seront là pour le pousser, avec je l’espère, un large soutient du PS et des Verts.

Enfin, la majorité ne doit pas céder d’un pouce aux intégristes et refuser cette prétendues « clause de conscience » qui permettrait aux maires et à leurs adjoints de refuser d’appliquer les lois de la République en raison de leurs croyances4. Mesdames, Messieurs, pour qui le mot « laïcité » n’est qu’un crachat au visage des musulmans, la voici notre Laïcité. C’est celle de 1789. Celle qui permet à la République de promulguer les lois qu’elle entend pour rétablir l’Égalité sans se soucier de vos idées rances. Car derrière vos happenings ridicules, nous les connaissons les cris que vous vomissez lorsque votre haine vous submerge. Nous n’oublierons pas et c’est pourquoi nous ne reculerons pas.

 

Je ne peux conclure ce billet sans vous recommander chaudement la lecture des nombreux articles et ouvrages que Daniel Borrillo a consacré aux droits des homosexuels. Il est au nombre de ceux qui ont permis de faire exister ce combat pour l’Égalité. Et grâce à des Hommes comme lui, c’est une grande victoire que nous nous apprêtons à remporter. Préparons nous à la fêter !

1 Je dis « pourrait » parce que pour nombre de personnes, il semble que ce soit bien plus que cela.

2 Je n’aime pas beaucoup ce vocable mais je ne peux pas passer mon temps à user de périphrases indigestes, je préfère largement abuser des notes de bas de page.

3 Il faut lire ces arrêts pour bien comprendre ce qu’est une procédure d’adoption. Oui, c’est à toi que je parle, Christine Boutin.

4 Sur ce sujet précis, lire :

http://libertescheries.blogspot.fr/2012/10/clause-de-conscience-du-maire-mariage.html

————————–

Bonus vidéo : Dead Boys « What Love Is »