Quand le JDD trouve que les chômeurs sont trop payés

Publié le 24 octobre 2012 par Juan
On connaît la rengaine. S'il y a tant de chômage, c'est parce que les chômeurs sont grassement indemnisés.
Ce weekend, un éditocrate du JDD, Axel de Tarlé, s'y est collé. Depuis le mois de mai dernier, le « quotidien du dimanche » joue sa fonction d'hebdomadaire de droite.
« Chaque mois, 30.000 Français basculent dans le chômage. Et notre système est généreux. »
Pour preuve, le journaliste complète: « Sur la durée : l’indemnité est versée pendant deux ans en France, contre un an en Allemagne, huit mois en Italie, six mois en Grande-Bretagne… » On devine l'argument. Il n'est pas tout à fait vrai. Le journaliste était mal renseigné. Il avait oublié de cliquer sur le site du Centre des Liaisons Européennes et Internationales de Sécurité Sociale.
En Allemagne, la durée d'indemnisation dépend en fait de la durée d'assurance préalable et de l'âge du demandeur. A moins de 50 ans, l'indemnisation est effectivement plafonnée à 12 mois, mais au-delà, elle peut monter jusqu'à 24 mois.
L'éditocrate considère l'indemnisation également trop généreuse: « Sur le montant : en France, on peut toucher jusqu’à 6.160 € par mois sans aucune dégressivité. Alors que le chômage est plafonné à 2.215 euros en Allemagne, 1.422 euros en Belgique, 1.119 euros en Italie…» Nulle part, dans la suite de sa démonstration, ne précise-t-il que l'indemnité moyenne en France est de 1.100 euros. Pour toucher les fameux 6.160 euros mensuels, il faut avoir gagné plus de 11.800 euros par mois pendant plus de deux ans consécutifs ! L'UNEDIC notait que « seuls 0,2% des allocataires touchent le plafond, soit environ 5000 demandeurs d'emplois - sur plus de trois millions ».
Car récemment, l'UNEDIC a publié une étude sur l'indemnisation des chômeurs. Un document qui a inspiré notre journaliste. Rappelons donc quelques faits.
1. En 2009, sous la pression des manifestations sociales provoquées par l'attentisme gouvernemental, Nicolas Sarkozy a autorisé un avancement de l'indemnisation des chômeurs.  Elle est ouverte aux salariés ayant cotisé 4 mois dans les 28 derniers mois.
2. La durée d'indemnisation est plus longue en France qu'ailleurs en Europe, sauf... en Allemagne, en Espagne, et au Danemark.
3. Le taux d'indemnisation est dans la moyenne européenne:  entre 57% à 75% du salaire brut, ce qui donne 69% en moyenne (67% en Europe d'après l'OCDE), mais le niveau moyen est dans la moyenne européenne, vers 1.121 euros. Et la médiane inférieure à la moyenne européenne: 50% des chômeurs reçoivent moins de 980 euros mensuels bruts. 
4. Le véritable avantage du système français est qu'il indemnise grassement... les hauts salaires ! 6161 euros mensuels, contre 1940 en Allemagne, ou 2295 au Danemark. voire moins de 1500 euros par mois en Belgique (1422 euros), en Espagne (1397 euros), en Italie (1119) et au Portugal (1048). Cependant, et c'est là que le bât blesse contre un plafonnement plus strict: les cadres concernés cotisent largement plus qu'ils ne reçoivent.

Revenons donc à l'argumentation de notre éditocrate dominical: si nos chômeurs, on l'a vu, ne pas si chèrement indemnisés, la question serait donc de réduire leur période d'indemnisation. Pour mieux les forcer à reprendre un emploi.
Car c'est bien là le présupposé de cette argumentation: si le chômage est si élevé, ce serait parce que les chômeurs ne sont pas suffisamment incités à recouvrer un emploi. Face à cette position, qui ne serait pas si ignoble ou absurde si nous n'étions plongés dans la Grande Crise depuis bientôt 4 ans, nous reverrons vers cette simple statistique.

Pôle emploi reçoit moins de 250.000 offres d'emplois par mois (300.000 il y a un an, en chute de près de 50.000). 
Et elles sont à 81% satisfaites !