Heure d'hiver : inefficace et dangereuse !

Publié le 27 octobre 2012 par Copeau @Contrepoints

Dimanche, nous passerons une fois de plus à l’heure d'hiver. L’occasion de revenir sur une précédente chronique qui dénonçait les méfaits de ce système absurde, surréaliste et surtout dangereux. 

Par Fred Wauters, depuis Bruxelles, Belgique.

Ce passage marque le retour à la réalité : en reculant nos montres d’une heure, nous avons rattrapé le décalage introduit volontairement en mars entre l’heure officielle et l’heure solaire. Ces sempiternels changements sont non seulement inutiles : ils sont même carrément néfastes.

Introduite, puis supprimée plusieurs fois au cours du siècle dernier par différents pays dont la France, l’heure d’été a gagné ses galons au cours des années 70. En 1973, le premier choc pétrolier entraîne une augmentation drastique du coût de l’énergie. À l’époque, en effet, le pétrole est la principale source d’énergie dans les pays développés. Gouvernements, entreprises et particuliers prennent conscience du risque que leur fait courir cette dépendance vis-à-vis d’un produit dont les principaux exportateurs, réunis en cartel, peuvent manipuler le prix par des augmentations ou réductions concertées de la production. Les pays occidentaux se lancent alors dans une double quête :

  • réduire la prépondérance du pétrole dans les sources d’énergie, et notamment la production d’électricité ;
  • réduire la consommation d’énergie.

Des économies ?

Parmi les stratégies proposées pour économiser l’énergie, le passage à l’heure d’été fait alors un tabac. L’idée est simpl(ist)e : en retardant nos montres d’une heure en été, nous bénéficions d’une heure de clarté supplémentaire le soir, tout en ne rognant pas sur les heures de clarté du matin, puisque la plupart des gens ne voient guère de différence, que le lever de soleil soit à six heures ou à sept heures du matin. Soit dit en passant, il s’y ajoute un objectif « sanitaire ». À l’époque, ce changement est également censé « favoriser la pratique de loisirs d’extérieurs ». Merci, Big brother.

Focalisé uniquement sur l’éclairage

L’enfer, comme toujours, est pavé de bonnes intentions. La planification n’est pas une science exacte. Elle ne peut prendre en compte toutes les conséquences d’une décision gouvernementale, car notre monde est trop complexe.  C’est ce que l’économiste Friedrich Hayek appelait la « présomption fatale ». Ici, c’est même pire : les gouvernements sont restés focalisés sur une seule conséquence, étiquetée « souhaitable », du changement d’heure :  les économies d’éclairage. Très tôt, les critiques pleuvront, mais sans changer la détermination des gouvernements. La réalité des chiffres ne les émeut d’ailleurs guère plus : dans un rapport daté de novembre 2007, la Commission européenne reconnaît explicitement que « L’heure d'été contribue à une économie d’énergie du fait qu’on utilise moins d’électricité pour la lumière le soir car il fait plus clair. Toutefois, de ces économies il faut déduire la consommation accrue d’énergie due au chauffage le matin au moment du changement horaire et la consommation de carburant supplémentaire engendrée par l’augmentation possible du trafic le soir quand il fait plus clair. Aussi les économies effectivement réalisées sont-elles difficiles à déterminer, et, en tout cas, relativement limitées. » Cela n’empêche bien sûr nullement la Commission de proposer la prolongation de la mesure, car «  outre le fait qu’elle favorise la pratique de toutes sortes de loisir le soir et qu’elle génère quelques économies d’énergie, il y a peu d’impacts de l’heure d'été et le régime actuel ne constitue pas un sujet de préoccupation dans les États membres de l’UE. »

Accidents de travail en hausse

Débarrassée du jargon politicien, cette conclusion devient : « l’objectif poursuivi n’est pas atteint, mais maintenons quand même le système. Après tout, plus personne ne s’en émeut et en plus les gens pourront faire du tennis plus tard le soir. »

L’arrogance politicienne prêterait presque à sourire. Malheureusement, des vies sont en jeu. Assez curieusement, il faudra attendre 2009, soit près de 40 ans, pour que la communauté scientifique s’intéresse aux « dommages collatéraux » de l’heure d'hiver. En 2009, le très sérieux Journal of Applied Psychology publie une étude intitulée (je traduis) : « Le passage à l’heure d’été diminue le temps de sommeil et augmente les accidents sur le lieu de travail. » Ses conclusions sont sans appel : « Le lundi qui suit directement le passage à l’heure d’hiver, les travailleurs subissent plus d’accidents de travail qui causent des blessures plus sérieuses. »

La cause ? L’état de confusion et la diminution d’attention induits par l’adaptation des cycles circadiens, et en particulier le manque de sommeil. Difficile en effet de « forcer » son organisme à avoir sommeil une heure plus tôt. Résultat : dans la nuit qui suit le passage à l’heure d’été, les travailleurs dorment ainsi 40 minutes de moins. L’ajustement à l’heure d'hiver, qui permet un gain de sommeil, ne semble poser aucun problème, mais n’entraîne aucun bénéfice particulier.

Non seulement le passage à l’heure d'été est une absurdité qui ne génère aucune économie quantifiable, mais en outre ses effets néfastes sont prouvés. Qu’attendent exactement nos gouvernements pour en tirer les conclusions qui s’imposent ?

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