Skyfall - 007 confronté à un terrible ennemi : la crise de la cinquantaine !

Publié le 28 octobre 2012 par Delanopolis
Sur vos agendas de la semaine : un Bond privé de ses plus virils attributs ... mais aussi des peintures aborigènes et un nouveau produit sous-hollywoodien de Luc Besson. Je regretterai une chose en quittant ce monde : ne pas avoir eu la chance d'incarner 007 à l'écran. Ce héros shakespearien des temps modernes, que jamais rien n'abat dans sa dignité, que nul ne parvient à départir de son flegme, qui vit dans un monde de périls et de plaisirs extrêmes et inaccessibles à tout autre que lui.

C'est toujours avec beaucoup d'excitation et un brin d'anxiété qu'on se rend en salle obscure pour y voir comment, une fois encore, l'indestructible écossais triomphera de l'inépuisable racaille sur-armée et vicieuse qui veut asservir le monde. Il y parviendra, c'est sûr, mais évitera-t-il le ridicule ?

"Skyfall" nous montre un Bond menacé par la limite d'âge, au service secret d'un MI6 dirigé par une "M" qui l'a atteinte depuis longtemps. Leur vieux monde est menacé par des jeunes collègues s'agitant dans une ruche informatisée comme des abeilles prisonnières d'une chope de bière dans un pub londonien. Cette sénescence débutante les conduit à s'abandonner aux douteux délices de la sagesse, le vice des vieillards comme disait Bernanos. Bond a mis une distance presque philosophique entre lui et la mort, qu'il distribue toujours aussi facilement.

Nous allons découvrir un pan de son passé, comme dans "Au service secret de sa majesté", qui nous avait appris que ses parents étaient décédés alors qu'il avait 12 ans dans un accident d'alpinisme. Skyfall est le nom de la demeure familiale, prémonitoire sans doute au regard de la chute des figures génitrices du héros. "M", mère de substitution y périra aussi.

Bref, les scènes d'action, toujours aussi millimétrées, sont placées dans le champ plus profond de l'introspection. Elles y perdent en vraie suavité car l'un des charmes de Bond était de ne presque jamais douter. On le voit écraser des larmes pour la mort de sa patronne ! Ce n'est plus très professionnel tout ça.

Bon, ne boudons pas notre plaisir, Bond est toujours excellemment ouvragé. Et, puisqu'il est éternel et qu'il nous survivra, nous attendons déjà ses prochaines aventures, en pensant à celles qui raviront nos petits-enfants dans 50 ans, quand le héros aura un siècle.

Pendant ce temps, à Branly, jaillissent les sources des peintures des aborigènes d'Australie. On comprend mieux, du reste, cet art saturé de points, parcourus de lignes formant des réseaux impénétrables : il est l'expression de la hantise des habitants des déserts de trouver l'eau, ses centres jaillissants, ses cours souterrains. C'est une cartographie anxieuse d'un sol aride qui inspire ces artistes regroupés à Papunya, sorte de centre artistique créé de toute pièce par le gouvernement australien en 1970 pour donner du travail et de la dignité aux premiers habitants de l'île-continent. Mentions spéciales à Uta Uta Tjangala, Charlie Wartuna Tjungurrayi, Shorty Lungkata Tjungurrayi et Yala Yala Gibbs Tjungurrayi, en espérant ne pas avoir écorché leurs complexes patronymes. On remarque d'ailleurs avec un peu de tristesse que rares sont ces artistes à avoir atteint la soixantaine. Est-ce un patrimoine génétique fragile ou des habitudes de vie peu propices à la longévité ?

Terminons par un sous-Bond, héros fatigué inventé par Luc Besson dans "Taken 2". Curieusement ou symptômatiquement, les deux films commencent au même endroit : dans des courses-poursuites sur les toits du Bazar d'Istanbul. Mais la version française, au budget maigrichon face à la superproduction bondesque, se transforme en une sorte d'exercice à l'économie ou Liam Neeson abat des malfrats albanais comme un Bavarois avale des saucisses durant l'October Fest. Il ne se passe à peu près rien d'autre que cette suite d'exécutions et, tant pis pour Besson, s'il remet le couvert on n'ira pas se resservir.