Le propriétaire d'un fonds sur lequel la construction d'un autre propriétaire empiète est fondé à en obtenir la démolition

Publié le 30 octobre 2012 par Christophe Buffet

Principe classique :

"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 24 juin 2008), que M. X..., au vu du résultat d'une expertise judiciaire préalablement ordonnée, a assigné la société du Cours Lafayette, propriétaire du fonds voisin du sien sur lequel des travaux de terrassement et de reprise en sous-oeuvre avaient été entrepris, et la société Bazin, qui avait exécuté les travaux en qualité de sous traitante de la société Courteix, titulaire du lot gros-oeuvre, en réparation du préjudice subi du fait des désordres causés par ces travaux à l'immeuble lui appartenant ; que la société UAP, aux droits de laquelle se trouve la compagnie Axa assurances, assureur de la société Bazin, la société Courteix, la compagnie l'Auxiliaire, assureur de la société Courteix, la société Bureau Veritas, qui avait été chargée d'une mission relative à la solidité des ouvrages avoisinants, la SCP Gimbert et Vergely, ès qualités, de mandataire et de représentant d'un groupement de maîtrise d'oeuvre dont faisait partie la société Aurea et avec laquelle le contrat de maîtrise d'oeuvre avait été signé, la Mutuelle des architectes français, assureur de la SCP Gimbert et Vergely, la société Aurea et la société Albingia, assureur de la SCI du Cours Lafayette, ont été appelés en la cause ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident, qui est préalable :

Attendu que la société Mutuelle des architectes français et la société Aurea font grief à l'arrêt de dire M. X... recevable en sa demande, nouvelle en appel, en suppression des tirants situés dans le tréfonds de sa propriété ainsi que des maçonneries construites en sous-sol, et ce, sous astreinte, alors, selon le moyen :

1°/ que le juge est tenu de respecter l'objet du litige, tel que déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en première instance, M. X... avait sollicité l'indemnisation du coût de neutralisation des tirants d'ancrage dont l'expert avait dit la suppression irréalisable ; que dans ses conclusions devant la cour d'appel, il a, pour la première fois, sollicité à titre principal la suppression sous astreinte de ces tirants d'ancrage ; que dès lors, en retenant, pour dire M. X... recevable en sa demande nouvelle, que celui-ci sollicitait en appel l'exécution sous astreinte des travaux de neutralisation des tirants d'ancrage dont il avait demandé la prise en charge du coût en première instance, la cour d'appel a, dénaturant les conclusions de M. X..., méconnu les termes du litige et partant violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/ que la demande de suppression de tirants ne tend pas aux mêmes fins et n'est pas l'accessoire d'une demande de neutralisation desdits tirants ; qu'en l'espèce, il est constant que M. X... a demandé seulement en appel la suppression des tirants litigieux, après avoir sollicité en première instance la réalisation de travaux de neutralisation de ces tirants ; qu'en déclarant recevable la demande présentée pour la première fois en appel, la cour d'appel a violé les articles 564 à 566 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé, sans dénaturation, qu'en première instance M. X... demandait une somme au titre des travaux nécessaires à la neutralisation des tirants d'ancrage et qu'en cause d'appel il demandait l'exécution des travaux, la cour d'appel a pu retenir que cette demande n'était pas nouvelle car tendant aux mêmes fins que celle en indemnisation du coût de ces travaux présentée devant les premiers juges pour faire cesser l'atteinte au droit de propriété de M. X... ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le sixième moyen du pourvoi principal, ci-après annexé :

Attendu qu'ayant constaté, par motifs adoptés, que l'ANAH avait annulé la subvention accordée à M. X... pour la réalisation des travaux d'amélioration de son immeuble et lui avait demandé le remboursement de l'acompte perçu aux motifs qu'il n'avait pas transmis les factures des entreprises et les baux de location et n'avait pas respecté les engagements pris le 10 septembre 1993 d'achever les travaux dans le délai de deux ans et de louer pendant dix ans, la cour d'appel, qui a retenu que la non location des appartements n'était que l'un des motifs de l'annulation de la subvention de l'ANAH, a, sans être tenue de procéder à une recherche inopérante, légalement justifié sa décision ;

Sur le moyen unique du pourvoi provoqué :

Attendu que la société Mutuelle des architectes français et la société Aurea font grief à l'arrêt de mettre la société Bureau Veritas hors de cause alors, selon le moyen, que le bureau de contrôle chargé d'une mission relative à la solidité des ouvrages avoisinants commet une faute en ne recherchant pas si les techniques utilisées sont susceptibles de porter atteinte à la solidité de ces ouvrages ; qu'en statuant par des motifs inopérants tirés de ce que les désordres causés aux ouvrages avoisinants n'auraient pas eu une ampleur telle qu'ils affectaient leur solidité, sans rechercher si, comme l'avait retenu l'expert, le Bureau Veritas n'avait pas manqué à ses obligations en ne procédant pas, in situ, à un contrôle des techniques de reprise en sous-oeuvre employées et à une appréciation des atteintes à la solidité des ouvrages avoisinants susceptibles d'en résulter, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé, d'une part, que cet organisme avait une mission relative à la solidité des ouvrages avoisinants et que l'expert avait relevé que les désordres constatés ne compromettaient pas la solidité de la construction et ne le rendaient pas impropre à sa destination, d'autre part, que le Bureau Veritas n'avait pu obtenir les documents nécessaires pour donner son avis sur la mise en oeuvre des reprises en sous-oeuvre, la quasi-totalité des travaux ayant été réalisés lors de la réception de la note de calcul Simecsol concernant le dimensionnement des ancrages de reprise en sous-oeuvre, la cour d'appel a pu retenir que la société Bureau Veritas, qui ne devait contribuer à prévenir que les seuls aléas techniques susceptibles d'affecter la solidité des ouvrages avoisinants, n'avait commis aucune faute ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais, sur le premier moyen du pourvoi principal :

Vu l'article 545 du code civil ;

Attendu que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité ;

Attendu que, pour débouter M. X... de sa demande de suppression des tirants d'ancrage situés dans le tréfonds de sa propriété ainsi que des maçonneries construites en sous-sol, l'arrêt retient que l'expert ayant précisé que le retrait des tirants était irréalisable et risquait de créer de graves désordres, M. X... ne peut obtenir qu'une indemnisation pour leur neutralisation ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le propriétaire d'un fonds sur lequel la construction d'un autre propriétaire empiète est fondé à en obtenir la démolition, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les 4e et 5e moyens du pourvoi principal qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevables les demandes de M. X... et de la SCI du Cours Lafayette ainsi que la demande faite par M. X... en cause d'appel au titre de la suppression des tirants d'ancrage, en ce qu'il met hors de cause la société Bureau Veritas et dit qu'aucune condamnation ne sera prononcée à son encontre, en ce qu'il condamne, in solidum, la SCI du Cours Lafayette solidairement avec son assureur la société Albingia, la société Bazin solidairement avec son assureur Axa, la société Courteix solidairement avec son assureur la société l'Auxiliaire et la société Aurea solidairement avec son assureur la Mutuelle des architectes français à payer à M. X..., sauf à déduire la provision de 6 497,68 euros qui a déjà été versée, les sommes de 4 972,89 euros au titre de la reprise de désordres et celle de 15 000 euros au titre du manque à gagner sur l'opération immobilière du 4 rue Richerand, en ce qu'il dit que la responsabilité des désordres sera partagée ainsi : société Bazin : 65%, société Courteix : 5%, société Aurea 30% et en ce qu'il rejette la demande formée au titre de la perte de la subvention de l'ANAH, l'arrêt rendu le 24 juin 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;

Condamne la société du Cours Lafayette, la société Bazin et la société Axa assurances, la société Courteix et sa société d'assurances l'Auxiliaire, la société Mutuelle des architectes français et la société Aurea et la société Albingia aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne ensemble la société du Cours Lafayette, la société Bazin et la société Axa assurances, la société Courteix et sa société d'assurances l'Auxiliaire, la société Mutuelle des architectes français et la société Aurea et la société Albingia à payer la somme de 2 500 euros à M. X... ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Aurea et la Mutuelle des architectes français à payer 2 500 euros à la société Bureau Veritas ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les autres demandes ;


Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux conseils pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. X... de sa demande de suppression des tirants d'ancrage situés dans le tréfonds de sa propriété ainsi que des maçonneries construites en sous-sol et ce, sous astreinte de 300 par jour de retard ;

Aux motifs propres que la demande de suppression des tirants tend à faire cesser l'atteinte au droit de propriété de M. X... ; qu'adoptant les motifs pertinents des premiers juges sur les différentes demandes en indemnisation formées par Monsieur X... reprises en cause d'appel, étant toutefois indiqué qu'en ce qui concerne les tirants pour lesquels l'expert avait précisé que leur retrait était irréalisable et risquait de créer de graves désordres si bien que Monsieur X... ne peut obtenir qu'une indemnisation pour la neutralisation desdits tirants, la décision doit être confirmée, les premiers juges ayant fait une exacte et saine appréciation des éléments de la cause ;

Et aux motifs adoptés des premiers juges (p. 11, § 3) qu'il est apparu en cours d'expertise que la société Bazin avait mis en oeuvre une technique de reprise en sous-oeuvre différente de celle prévue initialement en installant des tirants d'ancrage dans la propriété de Monsieur X... à l'insu de ce dernier ;

ALORS D'UNE PART QUE nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique ; que la démolition des ouvrages d'un constructeur empiétant sur un fonds voisin est de droit quand le propriétaire de ce fonds l'exige ; qu'ayant constaté que des tirants d'ancrage avaient été installés dans la propriété de M. X... à son insu par la société Bazin, dans le cadre des travaux effectués pour la SCI Cours Lafayette, la Cour d'appel, qui a cependant refusé d'en ordonner la suppression exigée par M. X..., pour des motifs inopérants au regard du caractère fondamental et absolu du droit de propriété, a violé les articles 545 et 552 du Code civil ;

ALORS D'AUTRE PART QUE la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motif ; qu'en retenant d'une part, que le retrait des tirants était irréalisable, et d'autre part, que ce retrait risquait de créer de graves désordres, ce dont il résulte que le retrait était réalisable, la Cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du Code de procédure civile.


DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir limité à 2.286,74 TTC les dommages-intérêts alloués à M. X... au titre de la dévalorisation de l'immeuble ;

Aux motifs adoptés des premiers juges que l'expert a estimé que la présence de tirants inertes, dans le tréfonds de la construction à plus de deux mètres de profondeur ne constituait pas en soi un préjudice et n'a retenu pour M. X... qu'un préjudice commercial qu'il a évalué à la somme de 15.000 francs ; que la présence de tirants, au surplus désolidarisés, dans le tréfonds n'est susceptible de poser problème que si le propriétaire de l'immeuble souhaite le démolir pour le reconstruire, ce qui n'est pas le cas de Monsieur X... qui au contraire l'a réhabilité ; que l'expert a fait une exacte appréciation du préjudice, purement commercial, en l'évaluant à 15.000 francs ;

ALORS QUE nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité ; que l'installation de tirants sur la propriété de M. X..., à son insu, s'analyse en une expropriation dont la SCI Cours Lafayette doit l'indemniser ; qu'en limitant l'indemnisation de M. X... du fait de la présence de tirants dans le tréfonds de sa propriété au seul préjudice commercial, la Cour d'appel a violé l'article 545 du Code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir limité à la somme de 9.192,68 TTC les dommages-intérêts alloués à M. X... au titre de la neutralisation des tirants, outre actualisation au jour du jugement en fonction de la variation de l'indice du coût de la construction depuis le 4 mars 1996 et d'avoir rejeté ses demandes tendant à la condamnation des responsables de ses dommages à lui payer les sommes de 1650,48 au titre des honoraires réglés à l'ingénieur Bayle, 2.188,68 au titre des honoraires réglés au cabinet Bois et 8.078,09 au titre des honoraires qui devront être réglés au cabinet Bois lorsque les travaux de neutralisation des tirants d'ancrage seront exécutés ;

Aux motifs adoptés des premiers juges que dans son second rapport, l'expert a évalué au vu du devis de la société Bazin le coût de sectionnement des tirants à la somme de 50.825 FTTC au vu du devis de la société Bazin et le coût de l'étude technique à la somme de 9.648 F TTC en retenant l'estimation du propre conseil technique de M. X..., Monsieur Y..., soit au total (60.300 F TTC) 9.192,68 ; que M. X... conteste cette évaluation au motif qu'elle émane de la partie défenderesse et ne tient pas compte des sujétions liées à la configuration des lieux ; qu'il avait connaissance du devis de la société Bazin dès 1997 puisqu'il était annexé au premier rapport d'expertise ; qu'il n'a toutefois pas fait valoir d'observations sur ce devis ni présenté d'autres devis ou d'autres modes opératoires au cours de la deuxième expertise qui avait précisément pour objet de faire préciser le coût des travaux de neutralisation des tirants et ce, alors qu'il était assisté par Monsieur Y..., expert ingénieur, en qualité de conseil technique ; qu'il a attendu 4 ans après le dépôt du second rapport d'expertise pour faire effectuer par Monsieur Z..., ingénieur, une étude sur la neutralisation des tirants, faire établir un devis descriptif par un économiste et solliciter des devis ; que ces devis, dont le montant moyen (342.227 ) n'a aucune commune mesure avec l'évaluation faite par l'expert judiciaire, n'ont pas été discutés et examinés par l'expert et ne présentent pas suffisamment de garanties pour être pris en considération ; qu'il convient de retenir l'estimation de l'expert et d'allouer à M. X... au titre des travaux de neutralisation des tirants la somme de 9.192,68 qui sera actualisée ; que M. X... gardera à sa charge les honoraires qu'il a inutilement versés à M. Z... et au cabinet Bois, économiste ; que sa demande au titre des honoraire futurs du cabinet Bois sera également rejetée comme non fondée ;

ALORS QU'il incombe au juge de se prononcer lui-même sur les éléments soumis à son examen ; qu'en refusant de prendre en considération l'étude sur la neutralisation des tirants établie par M. Z... et les devis établis sur la base des préconisations de cet ingénieur, soumis à la discussion contradictoire des parties, aux seuls motifs que M. X... n'avait pas présenté ces devis et études au cours de la deuxième expertise et qu'ils n'avaient pas été discutés et examinés par l'expert judiciaire, la Cour d'appel a violé l'article 1353 du Code civil.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir limité à 4.972,89 TTC les dommages-intérêts alloués à M. X... au titre de la reprise des désordres ;

Aux motifs propres qu'adoptant les motifs pertinents des premiers juges sur les différentes demandes en indemnisation formées par Monsieur X... reprises en cause d'appel, la décision doit être confirmée, les premiers juges ayant fait une exacte et saine appréciation des éléments de la cause ;

Et aux motifs adoptés des premiers juges que l'aggravation des désordres dont se plaint actuellement M. X... provient de son inaction fautive : alors qu'il avait reçu une provision suffisante pour procéder aux travaux de réfection en octobre 1998 et que l'expert avait insisté sur l'urgence de ces travaux, il a préféré laisser son immeuble à l'abandon ainsi que cela résulte des devis TEGA établis en 2002 ; qu'il ne peut être mis à la charge des défendeurs les conséquences de la carence de M. X... ; qu'il convient en conséquence de retenir l'évaluation de l'expert soit 32.620 francs soit 4.972,89 TTC ,

ALORS D'UNE PART QUE dans ses conclusions d'appel (p. 11 ; § 6 et s. et 12 ; p. 18, § 4 et 5 et p. 19 § 10), M. X... faisait valoir que, contrairement à ce qu'avait retenu le Tribunal, aucune carence ne pouvait lui être reprochée dès lors que les travaux préconisés par l'expert judiciaire étaient inutiles, ne pouvaient permettre de combler les vides sous la cour ni, par conséquent, d'assurer la préservation de l'immeuble toujours en danger, ainsi qu'il résulte de l'étude technique réalisée par M. Z... ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions péremptoires, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS D'AUTRE PART QUE dans ses conclusions d'appel (p. 19, § 4 et dernier §, p. 20 in limine), M. X... faisait également valoir qu'il ne pouvait lui être fait grief de n'avoir ni réparé l'immeuble ni envisagé sa vente par lot compte tenu de l'incertitude existant quant au sort à donner aux tirants d'ancrage, désolidarisation ou retrait pur et simple ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, la Cour d'appel a derechef violé l'article 455 du Code de procédure civile.

CINQUIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir limité à 15.000 TTC les dommages-intérêts alloués à M. X... au titre du manque à gagner sur l'opération immobilière du 4 rue Richerand ;

Aux motifs adoptés des premiers juges que selon la description de l'expert, les murs Nord, Ouest et Sud qui délimitent la courette sur laquelle ouvre la façade Ouest du bâtiment Réa sont des murs en maçonnerie vétustes et sans cohésion qui, de même que la façade, étaient déjà affectés de plusieurs fissures avant l'ouverture du chantier de la SCI du Cours Lafayette (constat d'huissier du 19 octobre 1993) (jugement, p. 10 in fine) ; que M. X..., marchand de biens, avait acquis l'immeuble pour le revendre par lots ; qu'il avait achevé sa réhabilitation au moment où les désordres sont apparus, qu'il est certain que cet immeuble ne pouvait pas être proposé à la vente tant que les doutes subsistaient sur sa solidité, doutes qui ont été toutefois levés dès la première expertise ; que M. X... est en droit de solliciter une indemnisation du préjudice qu'il a subi du fait de l'immobilisation de son bien immobilier pendant la durée des opérations d'expertise ; qu'il convient toutefois de tenir du compte du fait que l'immeuble était déjà affecté de fissures avant les travaux ; qu'en fonction de ces considérations et au vu des éléments soumis à notre appréciation, par M. X..., notamment sur la valeur de l'immeuble constitué de quatre petits appartements ou studios, il convient d'évaluer le préjudice qu'il a subi à la somme de 15.000 ;

ALORS QUE la réparation d'un dommage doit être intégrale ; qu'en se fondant sur le fait que l'immeuble de M. X... était affecté de fissures avant les travaux effectués par la SCI Cours Lafayette, pour limiter le montant de l'indemnisation du préjudice qu'il a subi au titre du manque à gagner sur l'opération concernant cet immeuble, après avoir cependant constaté que M. X... avait achevé sa réhabilitation au moment où les désordres sont apparus, ce dont il résultait qu'il avait été remédié aux fissures préexistantes, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations a violé l'article 1382 du Code civil ;

SIXIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de M. X... en réparation de son préjudice au titre de la perte de la subvention de l'ANAH ;

Aux motifs adoptés des premiers juges que Monsieur X... avait achevé la réhabilitation de l'immeuble au moment où les désordres sont apparus ; que le 23 juillet 1997, l'ANAH a annulé la subvention accordée à Monsieur X... pour la réalisation des travaux d'amélioration de l'immeuble 4 rue Richerand et lui a demandé le remboursement d'une somme de 107.252 francs en remboursement de l'acompte déjà perçu aux motifs qu'il n'avait pas transmis les factures des entreprises et les baux de location et n'avait pas respecté les engagements pris le 10 septembre 1993 d'achever les travaux dans un délai de deux ans et de les louer pendant 10 ans ; qu'il apparaît ainsi que la nonlocation des appartements n'est que l'un des motifs qui ont conduit à l'annulation de la subvention ; que dans ces conditions, la demande de Monsieur X... de ce chef sera rejetée ;

ALORS D'UNE PART QUE l'annulation d'une subvention accordée au regard des engagements pris par son bénéficiaire d'exécuter des travaux et de louer des appartements dans un délai fixé ne peut résulter, quand le bénéficiaire a exécuté l'un de ses engagements, que de l'inexécution du second ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué d'abord que l'ANAH avait accordé la subvention litigieuse au vu de l'engagement, pris le 10 septembre 1993, par M. X... d'achever les travaux de réhabilitation de l'immeuble dans un délai de deux ans et de les louer pendant dix ans, et ensuite que M. X... avait effectivement achevé la réhabilitation de l'immeuble au moment où les désordres sont apparus, en janvier 1995 soit avant l'expiration du délai de deux ans ; qu'en le déboutant cependant de sa demande au motif que la nonlocation des appartements n'est que l'un des motifs qui ont conduit à l'annulation de la subvention, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé les articles 1134 et 1184 du Code civil ;

ALORS D'AUTRE PART QUE l'annulation d'une subvention accordée au regard de l'engagement de son bénéficiaire d'exécuter des travaux dans un immeuble et de le louer résulte nécessairement et directement des troubles de voisinage ayant rendu cet immeuble indisponible ; qu'en refusant d'indemniser M. X... au titre de la perte de cette subvention, au motif inopérant que la non location des appartements n'est que l'un des motifs qui ont conduit à son annulation, sans rechercher si la cause de l'annulation de cette subvention n'était pas les troubles du voisinage subis par l'immeuble de M. X..., la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 544 et 1382 du Code civil.


Moyens produits au pourvoi incident éventuel et au pourvoi provoqué par la SCP Boulloche, avocat aux conseils pour la Mutuelle des architectes français et la société Aurea

POURVOI INCIDENT (éventuel)

Le moyen de cassation du pourvoi incident éventuel fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit M. X... recevable en sa demande, nouvelle en appel, tendant à ce que les intimés soient condamnés à supprimer les tirants situés dans le tréfonds de sa propriété ainsi que les maçonneries construites en sous-sol, et ce sous astreinte de 300 euros par jour de retard dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir,

AUX MOTIFS QU'en première instance, M. X... avait réclamé une somme de 342.227 euros au titre des travaux nécessaires à la neutralisation des tirants d'ancrage ; que la demande faite en cause d'appel, à ce titre au principal, en exécution des travaux sous astreinte n'est pas nouvelle, car tendant aux mêmes fins que celle en indemnisation du coût de ces travaux présentée devant les premiers juges, et ce pour faire cesser l'atteinte au droit de propriété de M. X... ;

ALORS QUE, D'UNE PART, le juge est tenu de respecter l'objet du litige, tel que déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en première instance, M. X... avait sollicité l'indemnisation du coût de neutralisation des tirants d'ancrage dont l'expert avait dit la suppression irréalisable ; que dans ses conclusions devant la Cour d'appel, il a, pour la première fois, sollicité à titre principal la suppression sous astreinte de ces tirants d'ancrage ; que dès lors, en retenant, pour dire M. X... recevable en sa demande nouvelle, que celui-ci sollicitait en appel l'exécution sous astreinte des travaux de neutralisation des tirants d'ancrage dont il avait demandé la prise en charge du coût en première instance, la Cour d'appel a, dénaturant les conclusions de M. X..., méconnu les termes du litige et partant violé l'article 4 du code de procédure civile ;

ALORS QUE, D'AUTRE PART, la demande de suppression de tirants ne tend pas aux mêmes fins et n'est pas l'accessoire d'une demande de neutralisation desdits tirants ; qu'en l'espèce, il est constant que M. X... a demandé seulement en appel la suppression des tirants litigieux, après avoir sollicité en première instance la réalisation de travaux de neutralisation de ces tirants ; qu'en déclarant recevable la demande présentée pour la première fois en appel, la cour d'appel a violé les articles 564 à 566 du code de procédure civile.


POURVOI PROVOQUÉ

Le moyen de cassation du pourvoi provoqué fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir mis la SA BUREAU VERITAS hors de cause,

AUX MOTIFS QUE cet organisme de contrôle qui avait une mission relative à la solidité des ouvrages avoisinants ne devait contribuer à prévenir que les seuls aléas techniques susceptibles d'affecter la solidité des ouvrages avoisinants, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, l'expert relevant que les désordres constatés ne compromettaient pas la solidité de la construction et ne le rendaient pas impropre à sa destination, d'autre part le BUREAU VERITAS n'a pu obtenir les documents nécessaires pour donner son avis sur la mise en oeuvre des reprises en sous-oeuvre, et la quasi-totalité des travaux ayant été réalisés lors de la réception de la note de calcul SIMESCOL concernant le dimensionnement des ancrages de reprise en sous-oeuvre (arrêt p. 13 & 14) ;

ALORS QUE le bureau de contrôle chargé d'une mission relative à la solidité des ouvrages avoisinants commet une faute en ne recherchant pas si les techniques utilisées sont susceptibles de porter atteinte à la solidité de ces ouvrages ; qu'en statuant par des motifs inopérants tirés de ce que les désordres causés aux ouvrages avoisinants n'auraient pas eu une ampleur telle qu'ils affectaient leur solidité, sans rechercher si, comme l'avait retenu l'expert, le BUREAU VERITAS n'avait pas manqué à ses obligations en ne procédant pas, in situ, à un contrôle des techniques de reprise en sous-oeuvre employées et à une appréciation des atteintes à la solidité des ouvrages avoisinants susceptibles d'en résulter, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil."