Hollande : De la Françafrique à la France / Afrique ?

Publié le 03 novembre 2012 par Copeau @Contrepoints

« Le temps de la Françafrique est révolu » a déclaré François Hollande lors du sommet de la francophonie en RDC. Cette déclaration peut-elle réellement sonner le glas de la Françafrique ?

Par Sali Bouba Oumarou.
Publié en collaboration avec UnMondeLibre.

Jospeh Kabila, président de RDC et François Hollande, lors du sommet de la Francophonie.

Le sommet de la francophonie tenu à Kinshasa en République Démocratique du Congo  était à coup sûr, une rencontre dépassant le simple cadre des discussions autour de la langue de Molière. Le président français, par le truchement de ses déclarations et actes symboliques posés lors de ce sommet, a voulu signifier l’effectivité de la fin des relations opaques entre la France et certains États Africains. Pour l’actuel président français, « le temps de la Françafrique est révolu…» [1], il faut maintenant faire place au partenariat entre États souverains. Cette déclaration peut-elle sonner réellement le glas de la Françafrique ?

Le sommet de la francophonie a assurément fait bouger certaines représentations autour de la Françafrique. Du coté de la France, la teneur du discours tenu par François Hollande à son escale à Dakar, où il a été affirmé solennellement la fin de la Françafrique, s’inscrivait en droite ligne des déclarations faites antérieurement par le Président français sur la situation, jugée inadmissible [2], des droits de l’homme en République Démocratique du Congo. Le retard du président français, contraignant le président de la RDC, son épouse et le Secrétaire Général de l’OIF à patienter près de 40 minutes, a été interprété comme un signe manifeste de critique. Enfin, dernier symbole de « rupture » : le ton du discours du président français en RDC, qui a établi un lien direct entre « parler français » et « parler droits de l’homme », doublé de l’oubli, lors de son allocution, de remercier le président de la RDC, hôte du sommet de la francophonie, tel que l’exige les usages diplomatiques et bien sûr « françafricains ».

Du coté du président Kabila, c’est un accueil presque banal qui a été réservé au président français : le chef de l’État Congolais ne s’est pas déplacé à l’aéroport pour accueillir la première autorité de  France, comme le veulent les usages diplomatiques et « françafricains ». Ce rôle a été dévolu au premier ministre congolais, quatrième personnalité du pays. En outre, le président Kabila n’a pas manqué de rappeler lors de son allocation, le principe de l’égalité souveraine qui fonde les relations entre les États membres de l’O.I.F.

Manifestement, les symboles de rupture des usages françafricains étaient bien là. Cependant, cette volonté affichée de mettre fin à la Françafrique est contrecarrée par la subsistance des liens étroits qui unissent la France et certains États africains à travers le Franc CFA et les accords de défense entre autres, qui font qu’au-delà du symbolique qui vient d’être altérée, il reste une partie invisible de l’iceberg qui conditionne bien souvent les rapports entre les deux parties.

En effet, comment peut-on concevoir l’égalité souveraine ou imaginer un réel partenariat entre les États, lorsque l'un d'eux exerce à travers la monnaie un certain contrôle sur les économies des autres ? Le Franc CFA, monnaie qui a survécu à la colonisation, permet à la France d’exercer à travers deux règles principales un contrôle sur les économies des États de la zone C.F.A. Il s’agit d’abord de la stabilité du taux de change entre le franc CFA et le franc français devenu Euro. Ensuite, de la garantie par la Banque centrale de France de la convertibilité illimitée du franc CFA en échange du dépôt sur les comptes du trésor français de la moitié des réserves de change. Ce qui fait alors les affaires non seulement des États africains mais aussi de la France qui peut influencer par là les politiques économiques des États de la zone FCFA. Il en est ainsi par exemple de la décision de dévaluation [3] du FCFA prise en 1994 par la France considérant que celle-ci était comme la meilleure option pour le développement de ces pays. Ce système qui perdure est, selon le professeur Mamadou Koulibaly, entretenu par l’influence que la France exerce sur les pays d’Afrique francophone, et la France n’hésite pas à utiliser des mesures répressives pour couper les possibles désirs d’émancipation. Il remarque à ce propos que « nous avons été témoins de mesures répressives visant à couper court à toute velléité d’émancipation du système : la protection des intérêts français a engendré récemment des crises au sujet de l’uranium au Niger, de l’or au Mali, du pétrole au Tchad, des matières premières et du transfert des actions d’entreprises du service public en Côte d’Ivoire, auxquelles sont à ajouter d’autres crises au Rwanda, en République démocratique du Congo et au Sénégal. » [4]

L’autre aspect invisible de l’iceberg de la Françafrique, réside au niveau des accords de défense et des intérêts économiques des entreprises françaises en Afrique. Considérés comme levier d’impulsion et de protection de la Françafrique aux lendemains des indépendances, les accords de défense truffés de clauses secrètes, et les contrats économiques d’exclusivité permettaient de maintenir une certaine élite africaine au pouvoir. Jugés dépassés pour ce qui est des accords de défense, leurs renégociations à partir de  2009 a laissé penser que l’opacité qui entourait ceux-ci serait levée par leurs publications comme promis par les différentes parties. Il n’en est rien pour l’instant. Pour ce qui est des contrats d’exclusivité économiques dont certains étaient garantis par les accords de défense, on continue d’observer une subsistance du monopole de certaines entreprises. Ces monopoles favorisent à bien des égards des relations économiques de « copinage » dont une partie importante est placée sous le sceau de l’opacité.

La volonté affichée de mettre fin à la Francafrique véritable nébuleuse dont tout le monde admet l’existence, mais ne saurait exactement cerner la forme et le contenu, ne peut se limiter au niveau du symbolique. Il faut au-delà, repenser les courroies matérielles par lesquelles la « relation spéciale » transite.

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Notes :

  1. Extrait du discours du président français tenu à Dakar le 12 octobre 2012.
  2. Conférence de presse du président français tenu le 09 octobre 2012
  3. Déclaration d’Édouard Balladur in Jeune Afrique économie n°178 d’Avril 1994.
  4. Interview du professeur Mamadou Koulibaly in http://www.africa-humanvoice.org/afrique/franc_cfa.html consulté le 16 octobre 2012.