La Grande Illusion et Aurore Martin

Publié le 04 novembre 2012 par Edgar @edgarpoe

Hier soir je me suis regardé la Grande illusion, que je n'avais jamais vu. Superbe film, très peu vieilli.

On y voit, un moment, des soldats allemands retenir leurs tirs alors que leurs cibles sont passées en Suisse.


J'y ai vu comme une façon peut-être involontaire de souligner qu'il est parfois bon que subsistent des frontières. Parce qu'aucun gouvernement n'est parfait, la diversité des systèmes légaux, leur incompatibilité, permet aux pourchassés de se réfugier.

J'y ai repensé en lisant que Aurore Martin, avait été expulsée vers l'Espagne, où elle risque la prison pour avoir participé à des réunions d'ETA.

J'avais déjà écrit à ce sujet, en décembre 2010 :

Dans un autre domaine, la France vient d'accepter, en tout cas via la cour d'appel du tribunal de Pau, l'exécution :d'un mandat européen d'expulsion d'une française vers l'Espagne. Cette française, Aurore Martin, aurait participé en Espagne à des activités d'un parti interdit, Batasuna. Les militants basques - pour lesquels je n'ai pas une particulière sympathie - soulignent que l'Espagne aurait recours à des traitements abusifs contre les militants de Batasuna. Aurore Martin n'est pas non plus accusée d'avoir participé à des actions violentes. Elle pourrait donc être expulsée en exécution d'un mandat d'arrêt européen. De quoi redonner la nostalgie des frontières et en tout cas aucune raison de se réjouir des progrès de la construction européenne...

Hé ben oui. Dans le silence le plus complet, alors même que les traités européens ne donnent aucune compétence à l'UE pour cela, c'est tout un droit pénal et une procédure pénale européenne qui se construisent dans notre dos - cf. le parquet européen.

Faut pas venir pleurer ensuite quand ça s'applique ! Donc déjà tous les partisans de la construction européenne n'ont pas à pleurer sur le sort d'Aurore Martin, ils ferment les yeux tous les jours sur des transferts de pouvoir ahurissants à une organisation gérée de façon non démocratique. Ben oui, quand on fait ça forcméent il y a un jour où les décisions absurdes se voient. Je n'ai pas envie de pleurer sur le sort d'Aurore Martin, j'ai plutôt envie de demander l'abrogation du mandat d'arrêt européen. Et je signale à mon copain Fred, qui me reproche de ne pas avoir parlé plus tôt de cette affaire, que Mélenchon ne rejette pas le mandat européen, il trouve juste qu'on aurait dû s'arranger pour ne pas l'appliquer. Je suis probablement trop légaliste mais je trouve cela peu glorieux. Même s'il est bon que Mélenchon ait réagi, sa critique tape à côté du vrai problème.

*

C'est aussi cela l'Union européenne : une volonté forcenée de tout égaliser, d'abolir les frontières et les différences, quitte à remplacer cela par un pouvoir technocratique et mal contrôlé. Sur ce sujet de l'extradition, comme dans de nombreux autres, il est pourtant bon que subsistent entre les peuples des zones de viscosité, des points de passage qui marquent que l'histoire nous a rendu un peu différents, avec des droits et devois un peu différents. Et c'est finalement une bonne chose, une richesse à conserver, pas des obstacles à aplanir.