Stateless Things [Festival du Film Coréen de Paris]

Publié le 06 novembre 2012 par Diana
Tout avait si bien commencé. De quoi ? Stateless Things (2011), le premier long-métrage de qui ? Kim Kyung-mook. L’homme mis à l’honneur au FFCP 2012 dans la section « Portrait », avec le sous-titre : Spotlight sur le cinéaste coréen de demain. Un sous-titre fort présomptueux, mais qui sait ? L’avenir nous le dira peut-être (ou pas). En attendant, les 115 minutes de ce drame avaient bien commencé. Le cinéaste coréen de demain (?) nous plongeait dès lors dans la vie rude du jeune Jun, un immigré nord-coréen illégalement arrivé en Corée du Sud. Ce dernier vit de petit boulot dont celui de pompiste. Un jour, en voulant protéger sa collègue, Sun-hee il se fait licencier et s’enfuit avec elle après une altercation avec leur patron. Parallèlement, on découvre la vie dorée d’un jeune homosexuel, Hyeon qui se fait entretenir par un homme plus âgé. Bientôt, les deux amants se disputent… 
Il émane de Stateless Things ce côté âpre qu’ont certaines premières œuvres indépendantes. Il s’y dégage une force à l’état brut qui s’apparente à des coups de poings envoyés en pleine figure. Les images sont vives, filmées au plus près, enfermant les personnages qui tentent de survivre dans un monde déviant où règne la loi du plus fort. Le constat est cruel et le cinéaste n’en démord pas lorsqu’il s’agit de les écraser un peu plus sous le poids d’une société les stigmatisant encore et toujours. Nous sommes plongés dans une mise en abyme qui rend mal à l’aise. On parvient à sentir cet environnement froid transpercer l’écran. La réalisation y est pour beaucoup. Elle alterne entre plan tiré à l’exagération à des mouvements brusques qui rappellent l’état d’aboiement dans lequel on se trouve avec les personnages. Les rares évasions qui leur sont permis (à Jun et Sun-hee) ce sont ces balades dans le clinquant des sites touristiques, eux immigrés illégaux qui goûtent à l’errance interdite jusqu’alors. Mais la réalité comme le joug d’une fatalité omniprésente ne leur laissera que peu de répit. Ces destins sont alors télescopés et supplantés par une vie qu’ils auraient à peine osé rêver. Celle faste d’un grand appartement tout en haut d’un building. Celle où l’on n’a plus à se préoccuper des lendemains et dans laquelle on peut se laisser à s’amuser et s’enivrer des plaisirs de la vie. Mais sous cette fine couche d’illusion de rêve se cache en fait une cage dorée dans laquelle un jeune homme s’ennuie, on l’image fatigué d’être l’objet sexuel d’un homme fortuné et pervers. Ces différentes trajectoires qui nous sont montrées s’entrechoquent et sont autant de reflets d’un miroir qui se déforment à mesure que le film s’enfonce dans la répétition malsaine et les longueurs. Kim Kyung-mook aime torturer ses personnages comme il aime jouer avec ses spectateurs. Le glauque s’invite alors lorsque l’auteur superpose ses différents récits, ces trajectoires qui explosent à l’écran dans un cabinet de toilette publique à l’ambiance infecte, renforcé par l’image « crade » d’une caméra numérique. Les images sont aussi choquantes que furtives. Les choses auraient pu s’arrêter là. Mais comme des condamnés survivant à leur dernier jour, une dernière danse macabre se joue à l’infini. Kim Kyun-mook enfonce le clou jusqu’au manche et nous abruti d’un délire quasi-mystique étouffant, redondant, lassant et finalement libérateur comme une naissance. Ici-bas, la vie continue… semble-t-il nous dire.   Qualités et défauts parsèment ce Stateless Things qui ne laisse pas indifférent. Il est un premier long remarqué, d’un auteur à la trempe affirmée. Maintenant, la relativité est de rigueur pour juger d’une telle œuvre. Elle se perd plus d’une fois dans des longueurs lorsque le récit ne cale pas de temps à autre.
I.D.