Loups vosgiens : appel aux bonnes volontés et à l'intelligence

Par Baudouindementen @BuvetteAlpages

Dominique Humbert et Jean-Luc Valérie nous livrent un 'appel qui sera présenté à l'administration et aux différents intervenants du dossier loup dans les Vosges. Monsieur J.Y. Poirot, premier concerné, à qui le document a été présenté, ne souhaite pas y apposer sa griffe, toutefois, il est envisageable qu'il soit présent lors d'une prochaine table ronde.

par Jean-Luc Valérie

Appel 

Depuis deux ans le retour du loup a sonné comme un coup de tonnerre chez les éleveurs d’ovins du Massif, puis de la plaine. Plus de 160 moutons sont encore prélevés en 2012, d’autres encore ont disparus (100 ovins, officiellement en 2011). Sans compter les dégâts collatéraux : stress entraînant une baisse des naissances, forte contrainte psychologique pour l’éleveur, surcroît de travail, etc.

Même si des indemnisations et compensations diverses ont été mobilisées pour les éleveurs, elles n’ont pas capacité à régler durablement la question, car il n’est pas acceptable pour un éleveur de redouter chaque matin une nouvelle prédation sur son troupeau.

Cette situation a deux causes essentielles. D’une part l’absence totale d’anticipation des autorités, le retour du loup était annoncé par les spécialistes depuis plus de dix ans. D’autre part, la mise en place depuis quelques mois de mesures notoirement insuffisantes ou mal adaptées. Les demi-mesures ne permettent pas de se protéger du loup (aucune mesure globale de mise en protection des troupeaux).

Aujourd’hui, Il y a urgence !

La présence avérée de loups, mâle et femelle, laisse penser que nous sommes dans une dynamique de reproduction, que nous sommes en présence de canidés durablement établis, qui ont déjà ou vont bientôt former meute (naissances probables en mai 2012 dans la plaine et/ou dans le Massif)
 
Les troupeaux de moutons, de par la dispersion des îlots et l’absence totale d’anticipation, sont extrêmement vulnérables aux prédations du loup.

Si rien n’est fait, l’année 2013 sera catastrophique pour les éleveurs

Les mesures prises jusqu’ici sont, à l’exception de quelques-unes et dans des proportions réduites, sans effet durable sur la mise en protection des ovins. Dans les mesures prises, la seule qui ait fait preuve d’efficacité pour l’instant est l’installation d’un chien Patou. Mais un seul Patou, acquis par un éleveur, ne peut pas protéger les nombreux lots de moutons répartis sur le Massif. Et le nombre de Patou qui serait nécessaire dans la configuration actuelle, afin d’exercer une protection efficace, est hors de portée, et serait de toute façon ingérable à court terme.

Les tirs d’effarouchements et les tirs de défense ne sont d’aucune utilité sur le court, le moyen, et même long terme. Sinon celle d’en venir aux tirs de prélèvements, aux effets parfois, totalement contre-productif. Ce serait une grave erreur de croire que ces tirs de prélèvements régleront, un tant soit peu, la difficulté rencontrée par les éleveurs. Ils seront, de toute façon, limités, dans le temps et l’espace. Les tirs ne pourront jamais viser à la destruction totale de l’espèce sur le Massif. Des quotas sont imposés nationalement (11 en 2012) et la Convention de Berne, en autres directives, que la France a signée, protège l’espèce durablement.
 
Il n’y a donc qu’une solution. Il nous faut apprendre à vivre avec le loup. Mobiliser toutes les ressources, expérimentations et moyens techniques disponibles pour mettre en protection tous les troupeaux d’ovins.

Cette mobilisation est possible. Mais elle nécessite une prise de conscience rapide de la problématique globale et une réactivité de tous les acteurs. Ce qui est loin d’être le cas, actuellement. Il faut sortir des faux-semblants et faire-valoir. Aborder le problème dans sa globalité à partir du constat initial incontournable...

Le loup est revenu !

Et nous sommes dans l’obligation, dès maintenant, de partager avec lui, les espaces naturels indispensables. La venue du loup n’est pas un cataclysme et peut au contraire être mise à profit pour valoriser les activités agro-pastorales trop longtemps laissées à l’écart des politiques publiques. De fait, opposer le loup et les éleveurs ou bergers, c’est refuser de prendre en compte le problème et s’interdire toute solution pérenne à l’avenir. A moyen terme, c’est condamner l’agro-pastoralisme et les hommes qui en vivent.

De nombreuses solutions existent

Elles doivent faire l’objet d’une appropriation par l’ensemble des parties concernées. Ceci passe en premier lieu par une identification des actions à mener rapidement et du rôle de chacun des acteurs dans leur mise en œuvre. Nous en évoquons ci-dessous quelques-unes : 
 

  • La première qui conditionne toutes les autres est le regroupement des lots d’ovins.
  • Mobiliser les communes et les propriétaires de pâturages.
  • Mobiliser les moyens techniques et services de l’Etat pour aider à la rationalisation de l’activité, afin d’accueillir des troupeaux  plus importants.
  • Détourner les chemins en dehors des parcs, déplacer les aires de fenaison, mal disposées, défricher, si besoin, par des moyens mécaniques, les surfaces nécessaires.
  • Mise en place de chiens Patou, en nombre.
  • Mobiliser les aides financières pour le financement d’une mise en protection globale.
  • Financement d’aides bergers, dévolus à la protection des bêtes et itinérants, en nombre.
  • Expérimentation de nouveaux dispositifs d’alertes et de protection.
  • Expérimentation de techniques d’effarouchement « physico-actives », non létales. (contrainte physique forte et temporaire sur le canidé, une fois les troupeaux mis en protection)
  • Valorisation et commercialisation des produits de l’agro-pastoralisme, circuits courts, tourisme, label etc.

Toutes ces questions pourraient être abordées, dans le cadre d’une table ronde, rapidement, réunissant tous les acteurs, professionnels, institutionnels, collectivités, associations et qui devrait répondre à ces deux questions :

  • Comment assurer la pérennité de l’agropastoralisme dans le Massif et dans la plaine ?
  • Comment assurer la cohabitation sur un même territoire du pastoralisme et du loup ?

Dominique Humbert et Jean-Luc Valérie

Source : naturenvironnement