Limites européennes

Publié le 08 novembre 2012 par Egea

Les analystes ont une grande difficulté à définir ce qu’est l’Europe, autrement que par des critères civilisationnels. L’Europe, ce petit cap de l’Asie, affirmait déjà Paul Valéry. Autrement dit, il n’y aurait pas véritablement de critères géographiques, sinon conventionnels.

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Ainsi, la division classique de l’Oural, inventée par les géographes du XIX° siècle, a un grand mérite : elle est visible sur la carte, selon un grand axe nord-sud qui mène approximativement de la caspienne jusqu’au cercle arctique. Elle a toutefois un gros défaut : elle ne sépare pas vraiment cette gigantesque plaine du Nord qui prend naissance dans les Flandres et progresse jusqu’à Kazan, et d’autre part la Sibérie. J’avais trouvé un temps le critère du climat : à le suivre, l’Europe serait la zone du continent eurasiatique (au sens premier de continent, masse de terre entourée d’eau) qui ressent les influences du climat océanique. Il faut bien convenir que c’est peu satisfaisant, en tout cas pour définir un « continent ». Certes, l’Europe était ce « triangle d’eau », formule finalement trouvée pour désigner la partie terminale quasiment entourée d’eau. Sauf que je n’avais pas poussé le raisonnement assez loin : car en effet, où arrêter le dit continent, à l’est ?

Or, il faut « tout simplement » utiliser un troisième critère qui est celui des isthmes. On connaît les grands isthmes classiques du continent européen : les deux en France (Méditerranée vers Atlantique, Méditerranée vers Manche), celui transalpin (Adriatique vers mer du Nord, de Venise à Hambourg), et enfin le quatrième, slave et menant de la mer Noire à la Baltique, d’Odessa à Riga.

La description est classique et ne rencontre usuellement pas de succès : en effet, elle laisse à l’est des populations considérées comme européennes : Finlande, pays Baltes, Biélorussie, Ukraine. Et Russie d’Europe.

Or, elle oublie un cinquième isthme, encore plus oriental, et pourtant déterminant, car se situant « avant » l’Oural. Il s’agit de l’isthme qui mène de la Caspienne aux mers froide, selon deux tracés : soit un qui porte au golfe de Finlande, soit l’autre qui emmène jusqu’à la mer Blanche, dans les rivages arctiques (on notera que l’isthme entre le golfe de Finlande et la mer Blanche est justement rempli de lacs et extrêmement liquide).

Au sud, cet isthme est accentué par le tracé terminal de la Volga qui suit exactement cette orientation générale. Enfin, on remarquera que si le quatrième isthme passe par Kiev, capitale de l’Ukraine et siège de la première Russie, le cinquième isthme passe par Moscou, principauté qui fut l’origine de la renaissance russe. Moscou est ainsi placée à l’exacte frontière du continent européen. Moscou n’est pas au cœur d’une immense Eurasie : Moscou est une ville charnière faisant jonction entre deux continents. Comme Constantinople, d’ailleurs.

On peut ainsi donner une définition géographique de l’Europe : continent situé à l’ouest de tous les isthmes eurasiatiques.

Cette définition amène à interroger le rôle de la Caspienne. On s’aperçoit alors qu’elle est au départ de deux autres isthmes : l’un qui mène à la mer Noire, et qui sépare l’Asie de l’Europe. L’autre qui rejoint au sud le golfe persique, au travers de l’Iran, et qui sépare l’Asie de l’Ouest du reste du continent. A l’est, l’Asie ne connaît plus d’isthme significatif permettant de structurer l’analyse.

O.Kempf