Comment l'État plombe l'économie française

Publié le 08 novembre 2012 par Copeau @Contrepoints

De nouveaux fiascos dus à l’action de l’État dans l’économie se profilent à l’horizon. Il est temps que les pouvoirs publics cessent  leur hostilité à l'égard du marché.
Par Fabio Rafael Fiallo.

Alors qu’il était Premier Ministre, Lionel Jospin provoqua un tollé au sein de l’establishment politico-médiatique français pour avoir déclaré qu’en économie « l’État ne peut pas tout ». Partout ailleurs, une telle affirmation aurait été perçue comme une simple constatation conforme à la réalité. Pas en France, où il est de bon ton de penser que l’État peut faire plus et mieux que le marché.

Cette croyance était à l’œuvre lors de la création de l’avion supersonique Concorde dans les années 60 du siècle dernier. Le projet du Concorde prit la forme d’un accord, non pas entre des entreprises autonomes soucieuses de rentabilité, mais entre les États français et britannique. L’avion supersonique décolla en 1969, mais ne sera jamais vendu au-delà des deux pays qui l’ont fabriqué. Un fiasco commercial.

En France, les échecs économiques pilotés par l’État sont tout sauf négligeables. Dans les années 80, les autorités françaises décident de débourser de l’argent du contribuable pour soutenir le lancement du minitel, qui se voulait le concurrent d’Internet, et l’achat de l’ordinateur « made in France » TO7. Résultat : aujourd’hui le minitel n’est qu’une pièce de musée ; quant aux TO7, après seulement deux ans d’existence (1982-1984), ils finirent dans les poubelles des mairies et des écoles publiques qui, poussées ou contraintes par l’État, les avaient achetés [1].

L’incursion de l’État dans le secteur bancaire produisit à son tour, dans les années 90, le scandale politico-financier du Crédit Lyonnais. Des prêts à risques ainsi que des détournements de fonds, puis le paiement de compensations visant à faire classer des poursuites judiciaires, entraînèrent des pertes estimées à 130 milliards de francs français de l’époque (20 milliards d’euros).

Ces échecs répétés auraient dû amener les pouvoirs publics à réaliser que ce n’est pas à l’État, mais aux entreprises autonomes, de décider si telle ou telle niche mérite d’être exploitée. La leçon, pourtant, ne semble pas avoir été comprise, car de nouveaux fiascos dus à l’action de l’État dans l’économie se profilent à l’horizon.

L’un des fiascos en cours a trait à l’interdiction qui frappe les OGM, les nanotechnologies et l’exploration du gaz de schiste – ce au nom du paralysant « principe de précaution ». Cette fois-ci, l’intromission de l’État ne vise pas à imposer un produit à la rentabilité douteuse – comme ce fut le cas avec Concorde, le minitel ou le TO7 – mais à empêcher le développement de secteurs d’avenir.

De par ses talents scientifiques et ses gisements (en gaz de schiste), la France est bien équipée pour devenir l’un des pays phares dans ces trois domaines. Aussi, en interdisant de pénétrer ces secteurs d’activité, les pouvoirs publics sont en train de nuire à la place économique de la France au profit de pays concurrents.

Un autre fiasco potentiel concerne la toute nouvelle Banque Publique d’Investissements, créée par le président Hollande dans le but de venir en aide à des entreprises qui éprouvent des difficultés à obtenir des crédits auprès des banques ou à lever des fonds dans les marchés des actions et des obligations. Or, il se trouve que la réticence des banques et des marchés à prêter à ces entreprises est due à la perte soutenue de compétitivité des industries françaises [2], une perte dont l’État s’avère être le principal responsable. En effet, les impôts et charges sociales asphyxiantes que l’État impose aux entreprises mettent à mal la capacité de celles-ci à accroître leur productivité et à améliorer la gamme de leurs produits.

À travers la BPI, l’État deviendra donc le pourvoyeur d’entreprises mises en difficulté à cause de la politique fiscale de ce même État. C’est le serpent qui se mord la queue.

Un rapport demandé par l’actuel gouvernement à Louis Gallois, ancien PDG de la SNCF et d’EADS, souligne la nécessité de créer un « choc de compétitivité », notamment par le biais d’un allègement substantiel des charges qui pèsent sur les entreprises : une baisse de 30 milliards d’euros à étaler sur une courte période – « sur un ou deux ans, pas plus », précise le rapport.

Qui plus est, les dirigeants des 98 sociétés françaises les plus importantes, de même qu’un nombre de chefs de petites et moyennes entreprises auto-appelés « les Pigeons », ont à leur tour tiré la sonnette d’alarme sur les effets dévastateurs que l’actuel barème d’imposition et de charges produit sur leur capacité à se battre dans une économie mondialisée.

« Nous sommes arrivés au bout de ce qui est supportable », déclarèrent les 98 dirigeants susmentionnés.

La France a atteint le stade où les pouvoirs publics devront revoir de fond en comble leur politique fiscale et leur législation du travail, et partant leur hostilité au marché (leur hostilité aux « riches », comme ils disent). C’est bien le message essentiel du rapport préparé par Louis Gallois et qui a poussé le gouvernement à prendre des mesures restées, pourtant, bien en-deçà de celles avancées dans le rapport en question.

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Une version précédente de cet article est parue en anglais dans les sites RealClearWorld.com et TheCommentator.com.

Notes :

  1. Sur la part de responsabilité de l’État français dans la promotion et l’échec du TO7, écouter l’émission de France Culture « L’invité du matin » du 31-10-2012, min. 14:36-15:30.
  2. La part de la France dans les exportations mondiales s’est réduite de moitié en 20 ans, passant de 6,3% en 1990 à 3% l’an dernier.