289ème semaine politique: un soc'lib à l'Elysée contre une gauche échauffée

Publié le 17 novembre 2012 par Juan

Il y a une estrade, 450 sièges, de gros éclairages, un pupitre devant un rideau rouge comme si l'ancien Monarque était encore là. Nous sommes à l'Elysée et François Hollande tient sa première conférence de presse. Presque trois heures, presque un record. Les questions fusent, plus d'une trentaine.
Certains d'entre nous se souviennent du 8 janvier 2008. Nicolas Sarkozy, costume noir et épaule toujours tressaillante, nous avait parlé de son amour sérieux avec Carla, de la suppression de la publicité sur les chaînes publiques après 20 heures et des caisses vides qui l'empêchaient de faire les réformes qu'il voulait. Il s'était offert Laurent Joffrin, alors patron de Libération, qui avait alors gagné d'improbables galons d'antisarkozyste. La Grande Crise était déjà là aux Etats-Unis, mais la Sarkofrance restait dispendieuse avec paquet fiscal et compagnie. Elle ne réalisera la catastrophe financière et boursière qu'au mois de septembre.
Ce mardi 13 novembre 2012, le ton est différent. Claude Sérillon, l'ancien animateur qui rejoindrait l'Elysée, n'a pas encore sévi. Nous connaissons le vrai metteur en scène de cette opération. Le président parle enfin français, sans faute ni mot mangé, avec application et parfois humour. Il faut parler de rigueur. Hollande décline son plan d'action. Le Monde a fait les calculs et s'en réjouit, 60 milliards d'euros d'économies sur le quinquennat. C'est grosso-modo ce que Sarkozy promettait de faire et qu'il n'avait pas fait. Il évoque aussi la restructuration de la TVA. A gauche, l'augmentation même limitée (7 milliards), est vécue comme l'une des trahisons absolues. Le marketing de la décision a été très mauvais: les trois quarts de cette hausse de TVA sont une réduction de niche fiscale (TVA sur la restauration et autres taux réduit).
Il y a même des journalistes pour railler que l'intervention se déroule à l'Elysée. Les mêmes qui se pressaient pour les petits-fours de l'ancien Monarque.
Hollande s'en amuse.

A gauche, d'aucuns le qualifie de social-libéral. C'est la valse des étiquettes, comme au moment des soldes. Social-traître, social-démocrate, social-iste... notez la permanence du terme Social. C'est déjà ça. Excusez notre cynisme devant certains enfantillages. La critique quand elle devient systématique venant de soutiens d'il y a quelques mois à peine ressemble à de l'amnésie ou du caprice. Sur d'autres rangs, quelques centristes de droite s'étranglaient d'être assimilés à Hollande.
Le vrai sujet, le grave, le sérieux, c'est l'austérité. Hollande a fait campagne sur le redressement des comptes publics, dès janvier 2011. On l'oublie trop souvent. Ce n'est pas un scoop.
Mardi, des manifestations nombreuses mais les cortèges sont maigres. Ailleurs en Europe, c'est plus violent et plus touffu. La Grèce, l'Espagne ou le Portugal souffrent. Un éditocrate économiste et chauve dénommé Lenglet confirme sur France2 que l'austérité détruit la croissance, et aggrave l'endettement public. Fichtre ! Que ne l'a-t-il pas dit plus tôt !
En France, l'austérité est sacrément douce. Nul licenciement massif ni réduction des salaires de la fonction publique, nulle privatisation acharnée de ce qui reste de nos services publics, mais plutôt un rééquilibrage des impôts contre les plus riches.  Le pacte de compétitivité qui réduira l'impôt sur les société - et non les cotisations sociales patronales - n'est pas une mesure d'austérité.
Une gauche est échauffée, naturellement échauffée par une décennie d'incompréhension politique et d'injustice sociale. Voilà le prix que nous n'avons pas encore fini de payer.
De cette décennie ratée, nous en découvrons chaque jour quelques nouveaux détails du mauvais bilan. Ainsi l'aide sociale (RSA, allocations, etc), n'est-elle pas versée intégralement à ses bénéficiaires. L'économie réalisée sur le dos des plus pauvres grâce au durcissement des procédures administratives est d'environ 7 milliards d'euros par an, près de deux fois supérieur à la prétendue fraude sociale que les Sarkozy, Woerth, Wauquiez et Bertrand aimaient tant fustiger. Autre souffrance, le traitement des migrants, souvent illégaux, dans le Nord du pays. Le Défenseur des droits Dominique Baudis vient de remettre son rapport. Les maltraitances à l'encontre des immigrés sont nombreuses, récurrentes, scandaleuses.
The Economist, le « Charlie Hebdo de la City » comme l'appelle Arnaud Montebourg, nous traite de bombe à retardement. On sourit. L'hebdomadaire conservateur considère Hollande comme un sale gauchiste en rupture avec le capitalisme. Sans doute n'a-t-il lu que l'Express de Christophe Barbier... L'ancien magazine de Jean-Jacques Servan-Schreiber enchaîne les couvertures outrancières comme d'autres les perles. Après le train de vie de Hollande, les femmes de Hollande, les cocus de Hollande, les impôts de Hollande, voici le coût réel de l'immigration. Ses propres journalistes sont heurtés, troublés, attristés.
Barbier fait son marketing chez les fachos.
Cette semaine, il y avait plus grave et plus joyeux. Plus grave puisque la guerre semblait reprendre à Gaza.
Plus joyeux puisque la jeune Chloé, 15 ans et enlevée voici 8 jours dans le Gard, a été retrouvée par hasard en Allemagne dans le coffre d'une voiture volée.