Elections UMP : quelle signification pour la France ?

Publié le 23 novembre 2012 par Copeau @Contrepoints

Le psychodrame de l’UMP est catastrophique pour le parti mais c’est d’abord un drame pour la France car il a démontré à quel point le politique en France est gangrené par l'inefficacité, la "politique politicienne" et la fraude.

Par Emmanuel Martin.

L’UMP, qui a pu se gausser des « couacs » du gouvernement socialiste, vient de nous offrir trois jours proprement désolants avec les « tentatives d’élection » de son président. Le psychodrame de l’UMP est sans nul doute catastrophique pour le parti et ses « malheureux » militants. Mais c’est d’abord un drame pour la France.

Bien sûr, en ces temps difficiles nous avons besoin d’une opposition forte. Cependant, entre UMP et PS, pains au chocolat et mariage gay sans doute mis à part, la frontière est finalement floue, comme viennent de le démontrer notamment les dernières décisions de François Hollande. A l’UMP comme au PS, la stratégie a largement été celle du replâtrage plutôt que de la réforme sincère : la TVA sociale, qui consiste à déshabiller Pierre pour habiller Paul, en est une bonne illustration.

Mais le drame est que, de manière bien plus profonde, l’UMP vient de nous montrer qu’elle est un parti qui cristallise à la fois l’inefficacité la plus totale et la fraude.

Premièrement, on ne peut en effet que rester abasourdi devant le degré de désorganisation et d’inefficacité d’un parti aussi important que l’UMP. Comment croire alors que les éléments de ce parti sont capables de gérer les affaires publiques de la France quand ils ne savent même pas compter, qu’ils oublient visiblement trois territoires d’Outre-Mer et ce durant près de trois jours ? Bien sûr le fonctionnement d’un parti n’est pas celui d’une administration. Mais tout de même. La première réaction devant ce constat est bel et bien que ces gens-là sont des incapables et que leur prétention à vouloir gérer l’argent public est usurpée. On se dit alors qu’on comprend mieux désormais comment ces cinq dernières années, l’UMP, qui était aux affaires, a pu faire exploser l’endettement public de 600 milliards d’euros.

Ensuite, le spectacle grotesque donné confirme bien la politique politicienne. Ce qui prime dans la politique en France c’est moins l’intérêt collectif que l’intérêt du réseau politique. Les choix politiques sont ainsi biaisés par les intérêts de ces réseaux. On se rappelle à ce titre la levée de boucliers à l’UMP même en 2008 lors de la proposition de suppression du département, qui était pourtant une saine mesure de rationalisation du déploiement territorial de l’administration – et une saine mesure de rationalisation de l’argent de nos impôts. Mais les parlementaires UMP étaient majoritairement conseillers généraux : il ne fallait pas aller contre leurs petits intérêts.

La cinquième république semble ainsi être devenue une néoféodalité dans laquelle les grands partis cherchent à verrouiller des baronnies dans leur réseau. On est alors très, très loin d’une « vision politique » dans la gestion des affaires. Faut-il  dès lors s’étonner de la désaffection des français pour le politique d’une part, et de leur amertume quand on leur demande de faire des « efforts » d’autre part ? Quand le politique même donne l’exemple de la mauvaise gestion et de la protection des intérêts catégoriels, pourquoi s’attendre à ce que les administrés soient différents ? Cette mentalité finit par gangréner toute la société française. Elle en est devenue caractéristique du pays, inversant ainsi le sens de tous les termes de notre belle devise nationale.

Enfin, que dire quand des urnes sont apparemment bourrées et des procurations « tombées du ciel » ? Ce qu’a montré cette élection est que la fraude n’est pas étrangère à la pratique politique dans ce pays. Ces réseaux politiciens s’apparentent décidément presque à des mafias. Voilà qui n’est pas très glorieux. Et ici encore, l’exemple donné est absolument catastrophique pour le reste de la population. Comment en effet des politiciens peuvent-ils prétendre lutter contre la fraude fiscale ou même aller restaurer l’état de droit dans les banlieues quand ils sont eux-mêmes des fraudeurs ?

Qu’on se rassure : la gauche ne vaut pas mieux ; elle l’a aussi montré par le passé. La France est en réalité malade de sa classe politique : presque inamovible, très fonctionnarisée, vivant sur les « fromages » d’une décentralisation mal pensée, et protégée par des mécanismes anti-responsabilisants.

Alors que la note du pays vient d’être dégradée par Moody’s, que cela place la France sur une pente toujours plus dangereuse, emmenant avec elle au passage le mécanisme de sauvetage européen (FESF), le débat national sur la réforme devrait être d’une intensité historique, à la hauteur des enjeux, et donc avec une opposition exemplaire. Au lieu de cela, nous avons eu droit à ce psychodrame consternant. La classe politique française ne mérite pas qu’on la finance comme nous le faisons.

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Paru initialement sur Le Cercle Les Echos.