UMP & droite : implosion et recomposition

Publié le 25 novembre 2012 par Copeau @Contrepoints

Vingt-cinq ans de leçons de morale n’y font rien, le pays est à droite. Pire, si l’on a même l’impression qu’il l’est même de plus en plus, c’est simplement parce que ses élus le sont, eux, de moins en moins.
Par Marc Suivre.

La querelle de chiffonnier qui occupe les deux prétendants au trône de l’UMP aurait tendance à masquer l’information, mais en cet automne 2012, la droite est de retour. Évidemment si l’on s’en tient au résultat du combat de coq, ce renouveau n’a rien d’évident. Avec un talent comique rare que l’on croyait jusqu’ici réservé au Parti Socialiste ou aux scrutins organisés en Floride par la famille Bush, le « premier parti de France » sombre dans une querelle d’ego qui ne semble pas avoir d’issue.

À défaut d’idée, on a de l’ambition

Il faut bien admettre que ce mouvement – qui fut crée au lendemain de la victoire surprise de Jacques Chirac en 2002 sur le score Moboutesque de 83% des voix – n’a en réalité que bien peu de corpus idéologique. Plus exactement, il porte de plus en plus difficilement, la tare de ses origines. Il ne s’agissait pas, à l’époque, de créer une structure de pensée mais bien au contraire, un carcan d’étouffement. Malade de ses divisions chroniques entre RPR et UDF, et constatant après 7 années de radical chiraquisme européiste que plus rien ne différenciait vraiment les ex-gaullistes des néo-orléanistes, les fondateurs prirent la décision de créer un syndicat électoral, destiné à limiter les duels fratricides alors que sur leur droite, surgissait un Front National conquérant.

Ce qui rassemble (l’Europe, la social démocratie, le goût des promesses non financées et des prébendes) étant plus fort que ce qui divise, les héros fatigués de la lutte Chirac-Giscard se rangèrent sous la bannière bleu et rouge à pommier. Seulement, à force de déni des réalités vécu par les plus faibles de leurs concitoyens, à force de se conformer à la doxa en vigueur dans des médias dominés par leurs adversaires, ils ont fini par être plus socialistes que les vrais ! L’immobilisme devenant la norme, quiconque secouait le cocotier était immédiatement accusé : au mieux de bougisme et au pire de Lepénisme [1].

Tout cela dura jusqu’à ce que l’un des membres du syndicat trouve, en rompant avec ces pratiques autistiques, le moyen de prendre l’ascendant sur les autres. Le temps d’une blitzkrieg rarement vue dans ce marais qu’est la droite honteuse française, Nicolas Sarkozy fut triomphalement porté à la Présidence de la République, en devenant subitement de droite. Ce que des milliers d’électeurs attendaient sans plus oser y croire s’étant enfin produit, le Front National, réceptacle naturel des frustrations populaires en mal de représentativité, s’est instantanément vidé, pour retrouver un étiage plus conforme à son aberrante pensée économique : autours des 10%.

Copé ou l’art de prendre le train en marche

Durant toute cette chatoyante offensive – qui déboucha malheureusement sur « l’ouverture » – Jean-François Copé ne brilla pas par sa participation active. Au contraire d’un Fillon qui, visant Matignon, n’avait pas les pudeurs de jeune vierge que nous lui connûmes par la suite, le député de Seine et Marne se retranchait, avec les Chiraquiens « canal historique » type Baroin, Jacob et observait tout ce cirque depuis son Aventin moral. Cependant, contrairement à nombre de ses condisciples, il analysa le succès de l’offensive sarkozyste pour ce qu’il était : un virage à droite. Il se fit dès lors, le chantre loyal de cette inflexion que toute la bienpensance reprochait au nouveau Président. À mesure que ce dernier s’excusait d’avoir eu une pensée déviante, le Maire de Meaux investissait le champs d’une droite décomplexée et fière d’elle même.

Aussi, quand la gauche morale investit l’Élysée, forte de son triomphe sur l’Hydre de Lerne et que les collabos de l’usurpateur Hongrois venaient à Canossa, battre leur coulpe et confesser leurs fautes sur Canal+, Jean-François Copé se préparait-il à reprendre le flambeau. Seulement si le ventre fécond de la bête immonde n’existe que pour effrayer les simples d’esprit, les servants du lucratif culte antifasciste n’entendaient pas se laisser avoir une seconde fois, au jeu du retour de la bonne vieille droite. Ils firent du falot Fillon le héraut du « politiquement comme il faut » et partant, le rempart à la dérive droitière et forcément sectaire d’une UMP en voie de FNisation avancée. Avec le cortège habituel des cautions morales et des sondages bidons, ils pilonnèrent le bon peuple de droite de leurs arguments moraux, visant à promouvoir, face à une droite décomplexée, une autre, dépourvue du moindre attribut viril. Ce type de manip’ ayant marché à merveille au PS, ils n’avaient pas de raisons de douter du succès d’une manœuvre aussi solidement éprouvée (Jospin 2002, Royal 2007, DSK 2012…).

Les militants UMP ne sont pas de vulgaires socialistes

Seulement le militant UMP n’est pas, contrairement à la plus part de ses élus, un militant socialiste comme les autres. Un nombre significatif d’entre eux (50% plus quelques voix) a même décidé de faire un bras d’honneur gigantesque à la catéchète médiatique. Celui qui devait largement triompher, parce que la Pythie sondagière en avait décidé ainsi, s’est au final lourdement ramassé la gueule. En dépit les trésors d’inventivités niçoises, en matière de bourrage d’urnes, destinés à lui permettre d’inverser la tendance, François Fillon n’a pas pu faire mieux que Balladur face à Chirac. La malédiction de Matignon, sans doute. En réalité, comme nous pouvons le constater élections après élections, le Peuple est plus à droite que ses représentants. Seule la diabolisation persistante du Front National permet à la gauche de maintenir l’illusion… et les postes. Que la digue cède et tout sera emporté. Vingt cinq ans de leçons de morale n’y font rien, le pays est à droite. Pire, si l’on a même l’impression qu’il l’est même de plus en plus, c’est simplement parce que ses élus le sont, eux, de moins en moins.

La droite perd les élections, non pas tant à cause de ses idées, mais bien en raison de leur abandon. Les abstentionnistes sont très largement des électeurs de droite à qui on ne la fait plus. Les gauchistes ne pesant sur les résultats qu’en vertu de leur capacité infinie à croire aux fariboles que leur servent leurs nouveaux curés, sans oublier leur acharnement à être cocus mais contents, ils triomphent par défaut. Gageons que si, à force d’être vilipendé par le camp du bien, Jean-François Copé s’affranchit de ses dernières œillères et décide de mettre le cap à droite toute, le succès sera au rendez vous. Il n’aura même pas besoin de faire alliance avec le FN. Il lui suffira de ne pas l’insulter en permanence et d’éviter, à son endroit, les imprécations moralisatrices méprisantes dont il aura, lui aussi, été la victime. Le Front se dégonflera de lui-même, effet bleu Marine ou pas, dès lors que ses électeurs verront de nouveau la possibilité d’une alternative crédible, au consensus mou radical socialiste qui tient lieu de viatique à la politique française depuis l’élection de Giscard d’Estaing à la place de Chaban Delmas. Voilà pourquoi la bande à Marine qui est loin d’être aussi stupide et primaire que nos médias veulent nous le faire croire, canarde Copé à la moindre occasion. Il faut bien admettre qu’il fait une cible facile tant il peine à faire son aggiornamento (la force insoupçonnée des réflexes de caste, sans doute). Il n’en demeure pas moins qu’ils ont senti le danger, eux aussi se souviennent parfaitement du précédent Sarkozy.

Fillon ou le vrai risque d’implosion

Bien que rien ne le prédestinait, si ce n’est la facilité, à endosser le rôle de l’humaniste de service, François Fillon incarne, en définitive, le véritable risque d’implosion de l’UMP. Si par inadvertance, il venait à être désigné Président par les multiples comités Théodule, supposés savoir comptabiliser les votes exprimés, il y a fort à parier que le parti n’y survivrait pas. En premier lieu parce que le RPR qui fut la grande victime de cette Union, n’a jamais été un parti centriste. Si ses cadres ont été amadoués par des prébendes et des honneurs en 2002, ses militants n’ont jamais digéré de voir triompher les idées de la branche molle de l’UDF. Rappelons,  pour mémoire, que la machine Giscardienne ne comptait pas seulement des « humanocentristes » mais qu’elle était également constituée par des libéraux qui ont, eux aussi, été les grands cocus de l’affaire.

En se positionnant comme le meilleur défenseur des valeurs de gauche de la droite française, alors que personne ne le lui demandait, François Fillon s’est embourbé, comme Dominique de Villepin avant lui, dans le marais des illusions perdues. Sur ce créneau très encombré, il n’aura jamais la légitimité d’un Jean-Louis Borloo. Ce même Jean-Louis Borloo dont il s’est fait un ennemi farouche en l’empêchant – en accédant à Matignon – de sauver le soldat Sarkozy. On le voit, à l’œuvre, François Fillon sous ses dehors de « gendre idéal » est, en réalité, un très méchant garçon et un mauvais perdant. Le centre est une affaire de famille et le « collaborateur » de Nicolas Sarkozy n’en a jamais fait parti. S’il prend le contrôle de l’UMP, la chasse aux sorcières et le discours suintant la droite honteuse qui s’ensuivra, précipiteront le départ de ce qui reste de patriotes et de libéraux dans ce parti. Qu’ils votent avec leurs pieds, qu’ils reconstituent une formation ou qu’ils partent au Front National importe en vérité assez peu,  ils ne seront plus là et l’UMP sera un énième parti centralo-mou-du-genou. Il n’existera plus d’alternative à la droite du Parti Socialiste et c’est cela qui compte pour les stratèges socialistes, à la manœuvre dans ces médias qui chérissent soudain l’ex-Premier ministre de « l’agité des Hauts de Seine ». Alors on brandit, frénétiquement, la Lepénisation de Copé comme un totem destiné à conjurer la fatalité du retour d’une véritable alternative de droite.

Conclusion

Le FN n’est en vérité qu’un faux problème. Il n’est qu’un épouvantail agité par les accapareurs du débat public. Ses choix économiques font bien plus pour le disqualifier comme parti capable de diriger le pays, que tous les anathèmes déversés sur lui par bien-pensance depuis toutes ces années. La droite française est en phase de recomposition. L’échec de Nicolas Sarkozy aura probablement eu cela de salvateur. Le temps de la reconstruction – de la construction diront certains – idéologique est venu.

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Note :

  1. Les habitudes ont la vie dure à l’UMP. Pensez donc que le programme du Président sortant avait été concocté par le « très propre sur lui » Bruno Lemaire. Cela laisse rêveur quant à la volonté de renverser la table. Si Sarkozy n'avait pas « droitisé » sa campagne à la fin, au grand dam du « gendre idéal » sus-mentionné, il y a fort à parier que la défaite eût été autrement plus cuisante (n’en déplaise aux NKM et autre Bachelot).