L’exorciste (Vade retro, Satanas !)

Par Borokoff

A propos d’Au-delà des collines (Dupa Dealuri) de Cristian Mungiu

Cosmina Stratan, Cristina Flutur

Après plusieurs mois passés en Allemagne où elle a travaillé, Alina (Cristina Flutur), une jeune Roumaine de 24 ans, revient dans sa Moldavie natale pour y retrouver sa seule et unique amie, Voichita. Les deux jeunes Roumaines ont grandi dans le même orphelinat mais Voichita (Cosmina Stratan) a décidé de consacrer sa vie à Dieu et de devenir nonne, ce que n’arrive pas à comprendre Alina, qui devient de plus en plus folle et agressive. Le prêtre du monastère orthodoxe, où s’est réfugiée Alina et qu’elle ne veut plus quitter, décide alors de soumettre la jeune femme à des séances d’exorcisme pour « chasser le malin », dit-il. Mais les séances tournent aux sévices physiques et au cauchemar pour Alina…

Au-delà des collines, couronné au dernier festival de Cannes par le Prix du scénario (écrit par Cristian Mungiu) et un double prix d’interprétation pour Cristina Flutur et Cosmina Stratan, s’inspire d’un réel fait divers : en 2005, dans la ville de Tanacu (Moldavie roumaine), une jeune nonne souffrant de schizophrénie est morte après que le prêtre et quatre autres religieuses aient voulu l’exorciser. Cette histoire a inspiré la romancière roumaine Tatiana Niculescu Bran pour écrire Spovedanie la Tanacu (Confession à Tanacu) dont Au-delà des collines s’inspire.

Cristian Mungiu voulait à tout prix éviter le spectaculaire. Il a donc inscrit cette tragédie dans une campagne isolée, un univers religieux cloîtré et intimiste. Le couvent où se situe l’action du film est un monde fermé, perdu au fin fond de la Roumanie, perché sur une colline ou plutôt niché juste derrière.

A l’image et dans la foulée de 4 mois, 3 semaines, 2 jours (Palme d’or à Cannes), Au-delà des collines est une chronique réaliste sur fond social qui évoque par endroits Il était une fois en Anatolie de Nuri Bilge Ceylan ou L’île de Pavel Lounguine. C’est un drame qui décrit au jour le jour la souffrance morale et psychique grandissante d’une jeune femme qui ne peut accepter de perdre celle qu’elle aime. En maitre de l’ambiguïté, Mungiu suggère plutôt qu’il n’évoque explicitement la teneur de la relation d’amantes qui existait autrefois entre Alina et Voichita mais qui est révolue, ce que ne peut accepter Alina.

Comme dans 4 mois, 3 semaines, 2 jours, Au-delà des collines s’attache à décrire de manière intimiste la condition et la souffrance d’une femme. La finesse psychologique de Mungiu va de pair avec sa capacité à rendre certains de ses personnages ambigus pour ne pas dire équivoques. C’est le cas de Voichita, jeune femme un brin roublarde et qui ne prend vraiment la défense d’Alina et l’aide que lorsque la situation est devenue désespérée.

Des hôpitaux à l’ancienne famille d’accueil et aux parents adoptifs d’Alina, personne ne semble disposé (ni compétent) pour accueillir la jeune femme, ce qui donne lieu à une situation tragico-comique où Alina est balancée d’un endroit à l’autre avant qu’un médecin fataliste ne prodigue à une des bonnes sœurs qui l’accompagne de plutôt bien lui lire les Textes Saints, seul remède adapté !

Malgré la cruauté et le tragique de la situation, l’humour n’est jamais très loin chez Mungiu qui ne fait pas le procès de l’Eglise orthodoxe mais pointe plutôt du doigt ses dérives et sa responsabilité. On sent que le réalisateur roumain a d’abord été ému par la situation d’une jeune femme devenue schizophrène par amour et dont personne n’a voulu s’occuper hormis un couvent qui acceptera de la reprendre par « charité chrétienne ». Cruelle ironie, fatale à la jeune femme…

http://www.youtube.com/watch?v=gPSDqSwajZU

Film roumain de Cristian Mungiu avec Cosmina Stratan, Cristina Flutur, Valeriu Andriuta… (02 h 30)

Scénario de Cristian Mungiu d’après le roman de Tatiana Niculescu Bran :

Mise en scène :

Acteurs :

Dialogues :

Compositions :