Un Salve pour le monastère de La Garde, une musique sacrée comme éternelle nouveauté de la Tradition

Publié le 29 novembre 2012 par Tchekfou @Vivien_hoch

Sorti le 25 octobre, ce CD est pour le moins rafraichissant. Fruit d’une vraie communion entre une nouvelle génération d’artistes, en l’occurence le jeune Vincent Laissy, agé d’une vingtaine d’année, et des moines d’un ordre ancien de quinze siècles, ce disque n’a pas seulement pour but de faire connaître et d’aider à financer la construction d’une abbaye. Il est aussi porteur d’un message : la musique sacrée occidentale est une tradition bien vivante.

Preuve en est dans ce CD qui développe en deux grandes catégories : des varitations à l’orgue, des hymnes religieux et une cantate –  création musicale de Vincent Laissy, plutôt détonantes par rapport au reste du CD. Une diversité d’écoute que réunie

Vincent Laisy et moines du Barroux, Salve Regina

« Cantate de Vincent Laissy, jeune artiste plein de promesses, le Salve Regina pour La Garde a été composé « pour choeur, solistes, orgue et quatuor à cordes », et interprété au profit du Monastère Sainte-Marie de La Garde. Un florilège de pièces de grégorien chantées par le choeur des moines du Barroux complète cet enregistrement où du neuf et de l’ancien s’allient avec bonheur pour louer Notre- Dame en un grand moment musical. » Frère Damien

On y apprend notamment, à l’écoute, la différence entre le Salve de ton benedicin et le Salve de ton romain (chanté par exemple par les chartreux). Je garde une mention spéciale pour le Salve Virgo, Prose (piste 9). À découvrir…

Un entretien avec le Père Damien
Père chantre de l’Abbaye Sainte-Madeleine du Barroux

• Que pouvez-vous dire des compositions originales que Vincent Laissy a écrites pour ce CD ?

Le disque contient deux sortes de compositions : des variations à l’orgue sur des thèmes liturgiques (Salve Regina, Virgo Dei, Salve Virgo), et une cantate. Je résumerais mon impression personnelle en deux mots : variété-sobriété.

Variété : les styles des variations à l’orgue s’étendent du Moyen-Âge au XIXe siècle en passant par un petit bijou de contrepoint en conclusion de l’hymne Virgo Dei Genitrix, dont le thème est majestueusement chanté à la pédale et traité au manuel avec vigueur et originalité dans les plus pures règles de l’art héritées de Bach.
Les différents styles s’enchevêtrent d’ailleurs facilement au cours des pièces, donnant à chacune un tour vraiment personnel. On retrouve cela dans le Salve Regina pour La Garde qui y ajoute le XXe siècle avec une certaine prépondérance.

Sobriété cependant, parce que le compositeur semble ne pas aimer s’étendre outre mesure sur ses trouvailles. Aussitôt dit musicalement ce qu’il avait à dire, il passe à une autre forme d’expression, aussi riche, au risque d’empêcher l’auditeur de savourer le climat qu’il vient de créer quelques mesures auparavant. Plutôt que d’y voir un défaut de jeunesse, il est sans doute plus sage de revoir sa propre manière d’écouter… Cherche-t-on une atmosphère génératrice d’émotions prolongées, ou bien une parole, vive, qui requiert toute notre attention ? Le Salve Regina pour La Garde constitue en cela un vrai dialogue, dont on ressort grandi pour avoir dépassé un moment une conception trop consumériste et passive de la musique. On réécoute l’œuvre avec plaisir, la mémoire jouant son rôle pour réduire les surprises du premier abord, et alors la richesse du compositeur devient nôtre.

• Qu’est-ce qui constitue selon vous l’originalité de cette création ?

Les surprises ne manquent pas dans cette œuvre de 25 minutes. Les thèmes grégoriens entendus dans la première partie du disque se trouvent emportés sur les ailes d’une brise tourbillonnant avec une étonnante liberté d’une tonalité à une autre, pour se poser en général dans une atmosphère lumineuse, simple et pure. Cette façon de conclure sans façon la plupart de ses mouvements montre le souci de Vincent de mettre en valeur la puissance expressive de la mélodie grégorienne dépouillée. Autre hommage au chant grégorien : les recherches modales héritées de l’école française de la première moitié du XXe siècle. De même, à l’image du grégorien qui ne se laisse pas enfermer dans la « cage des barres de mesure », c’est par une grande liberté tonale que le Salve Regina pour La Garde tend à évoquer la liberté de l’âme devant Dieu.

• Ce Salve est-il une œuvre liturgique ?

Les variations à l’orgue peuvent tout à fait cadrer dans un usage liturgique, comme sortie de messe, voire pour un offertoire, dans l’esprit des Noëls du XVIIIe siècle. Ce n’est pas le cas du Salve Regina pour La Garde, long et trop varié sur le plan des intervenants. Cette œuvre est comme une mise en scène musicale de la célèbre prière, où le drame de la condition pécheresse se trouve mêlé à la joie de l’espérance dans un dialogue qui utilise une palette imposante de genres expressifs. C’est une forme de méditation, bien enracinée dans notre nature charnelle, mais nourrissante pour notre foi. Je dois avouer ne plus prier le Salve Regina grégorien de la même façon depuis que j’ai pénétré dans l’œuvre de Vincent.

• Pourriez-vous nous parler maintenant de la tradition du chant grégorien, et du rapport mystérieux que ce chant entretient avec la spiritualité des textes ?

Le chant grégorien est avant tout une “prière chantée”. Il ne s’agit pas de simples paroles posées sur une musique préfabriquée aussi belle soit-elle, mais d’un chant qui émane, qui s’exhale du mot latin, de la phrase latine, selon le rythme propre de ceux-ci, et surtout selon leur sens, lequel est en premier lieu prière. L’expression vocale suggère même ce que les mots ne suffisent pas à dire, et devient alors par elle-même prière. C’est pourquoi la pièce grégorienne ne se chante ou ne s’écoute en plénitude que dans une attitude de réceptivité vis-à-vis de la Parole même de Dieu. De toute beauté, le chant grégorien n’est pas pour autant finalisé par la beauté. Il tend vers Celui qui Est, source de toute bonté et de toute beauté. Ce n’est pas une esthétique, c’est un art de prier, de s’élever avec son corps et son âme vers Dieu, et c’est précisément l’harmonie retrouvée entre l’homme et son Créateur qui constitue la beauté éternelle de ce chant.

• Comment le chœur des moines travaille-t-il ?

Le chœur des moines du Barroux est constitué par l’ensemble de la communauté (50 moines), selon les dons musicaux et vocaux de chacun. Les plus musiciens sont en général désignés pour être chantres et composent la schola, à laquelle est réservée l’exécution de certaines parties plus difficiles, mais tous les moines participent activement au chant. Pour diriger l’ensemble, un père Maître de chœur a été nommé par le Père Abbé. Les moines se réunissent plus de cinq heures par jour dans l’église abbatiale pour chanter la louange de Dieu. C’est donc de fait principalement pendant ces heures qu’ils entretiennent leurs habitudes de chant. Non sans l’appoint indispensable d’une demi-heure de répétition hebdomadaire de communauté, de cours d’initiation au noviciat, en collaboration avec la Schola Saint-Grégoire, et d’exercices vocaux sous la direction de René Linnenbank, chanteur lyrique. On y étudie, outre le solfège en notes carrées sur portées à quatre lignes, le rythme grégorien (rythme libre, non mesuré) et l’expression du chant en référence à la spiritualité des textes.

• Le programme de ce CD est constitué de pièces mariales, comment avez-vous opéré votre choix ? Quel est son sens ?

Les pièces mariales ont été choisies en fonction de leur rapport avec la prière Salve Regina. Celle-ci invoque Marie comme Reine, comme Mère, comme Avocate.

Elle est Reine parce que Mère de Dieu, et notre premier mouvement en face de ce mystère est l’admiration, la contemplation. Cela s’exprime très bien dans l’Ave Maria et le Tota pulchra es de la messe de l’Immaculée Conception (fête patronale de La Garde), pleins d’une joie tour à tour expansive ou plus retenue, et majestueusement dans l’Ave Maris Stella (la devise du monastère est Respice Stellam, Regarde l’Étoile). Mais aussi haut qu’Elle ait été placée, Marie est tout accessible : Elle est Mère de Dieu et Mère des hommes. D’où quelques pièces de Noël, aux mélodies fraîches et populaires (Virgo Dei Genitrix, Salve Virgo) ou bien très évocatrices du climat intime de la fête (O magnum mysterium, A solis ortus cardine).

Enfin Marie est Celle qui peut tout obtenir pour nous auprès de Dieu, Advocata nostra. La supplication est donc le fil conducteur de la troisième partie des pièces grégoriennes (Sub tuum præsidium, Recordare). Trois tons du Salve Regina encadrent le tout. Il y a une grande variété dans ces pièces grégoriennes. Du répertoire ancien (IXe siècle ou avant : O magnum mysterium) au plus récent (XIXe siècle : Offertoire Ave Maria).

• La liturgie est au cœur de bien des débats : quel rôle, quelles dimensions, quelle figure lui donner?

La liturgie est surtout au cœur de la vie de l’Église ! Voici quelques lignes de Vatican II :
« La liturgie est le sommet auquel tend l’action de l’Église, et en même temps la source d’où découle toute sa vertu… »
« C’est de la liturgie, et principalement de l’Eucharistie, comme d’une source, que la grâce découle en nous et qu’on obtient avec le maximum d’efficacité cette sanctification des hommes dans le Christ, et cette glorification de Dieu, que recherchent, comme leur fin, toutes les autres œuvres de l’Église. » Const. Sacrosanctum concilium, n°10

Le rôle de la liturgie est donc central. Au départ, elle dérive du culte de la synagogue (lecture de la parole de Dieu, chants des psaumes), mais elle se centre sur le sacrifice du Christ renouvelé dans l’Eucharistie. Elle est donc avant tout la prière même du Christ, prière parfaite du Fils au Père. Elle fait ainsi entrer le chrétien dans la Vie même de Dieu, rien de moins ! La liturgie ne peut donc être le fruit d’une inventivité plus ou moins locale, ni une mode du moment. Lentement façonnée par les âges, fruit d’un processus organique de développement, elle doit être reçue avec vénération par le peuple chrétien, approfondie, assimilée et vécue. Alors c’est elle qui nous transforme et nous unit, à travers l’espace et le temps. La liturgie est traditionnelle par essence.

Transcendant le temps et les usages courants, elle est faite pour nous faire entrer dans l’univers de la sacralité de Dieu. Voilà pourquoi la plupart des liturgies héritées depuis des temps immémoriaux ont conservé une langue propre, qui n’est pas celle du quotidien. En occident, c’est le latin, et son expression chorale est le grégorien.

• Benoît XVI s’est exprimé longuement sur ce sujet capital…

Benoît XVI nous invite instamment à retrouver notre héritage liturgique, à réintégrer en particulier les gestes de la religion, car l’homme est tout un avec son corps et son âme. On ne peut adorer en vérité sans l’exprimer par l’agenouillement, on ne peut jubiler sans chanter, on ne peut saisir et entrer dans la beauté et la suprême harmonie de Dieu sans donner le meilleur de soi- même pour une véritable splendeur de la liturgie. C’est ce que nous apprenons à vivre au Barroux, depuis la célébration de la messe basse jusqu’aux offices pontificaux, depuis le chant des répons les plus ornés jusqu’à la simple psalmodie recto tono. Ces chants et ces gestes, façonnés par les saints et les siècles, doivent aussi retrouver leur place dans la liturgie paroissiale pour élever les âmes au-dessus d’elles-mêmes, vers Dieu.

On peut écouter les offices des moines en direct sur leur site www.barroux.org, lequel présente aussi une boutique de leurs produits artisanaux (vin, huile, boulangerie, éditions, etc.).

www.jeconstruisunmonastere.com 

Salve Regina pour La Garde

Un entretien avec Vincent Laissy, Compositeur

• Vincent Laissy, pour célébrer la fondation du monastère Notre-Dame de La Garde, vous avez composé un Salve Regina. Vous êtes un tout jeune compositeur…comment devient-on compositeur ?

Dans ma famille on pratique la musique par tradition, mais pas à un niveau professionnel. J’innove ! Tout petit j’étais fasciné par l’orgue. Je suis entré au Conservatoire de Nantes où j’ai étudié la piano, et plus tard l’orgue. J’ai commencé l’harmonie très jeune, vers 10 ans. En plus de la pratique instrumentale, c’est l’amour de l’harmonie, de l’écriture musicale, l’analyse des grandes partitions, du grand répertoire qui ont provoqué ma vocation de musicien.

• Justement, comment franchit-on ce pas qui fait passer de la force d’un projet à la clarté d’une vocation ?

Avant de me décider, j’ai pris le temps du discernement… les trois années où j’ai étudié la Philosophie à L’IPC ont été très utiles en ce sens. Le goût de la composition a fini par l’emporter. Je le dois aussi pour beaucoup à deux professeurs : Pierre Pincemaille, professeur d’écriture, et Patrick Dechorgnat, professeur de piano. Leurs cours sont de véritables leçons de musique, bien au-delà de l’aspect purement technique de l’écriture ou de l’instrument. Ce sont de véritables professeurs, des maîtres, de ceux qui donnent le goût.

• Comment en vient-on à composer ses premières œuvres ?

Avant de parler de composition, je voudrais d’abord dire qu’il me paraît important de continuer à jouer. Un musicien, avant tout, est fait pour jouer de la musique. Mon goût pour la composition est né un rêve de gosse. Depuis que je suis petit je gratte des pattes de mouches sur des cahiers de musique… Ce rêve est devenu réalité grâce à la maturité musicale que donnent les études d’écriture. Le bagage technique permet d’affirmer sa manière de composer. On apprend la rigueur dans la composition, on apprend à jouer avec les sonorités, avec l’harmonie, le contrepoint, à faire chanter les voix…

Mes premiers essais furent des compositions pour piano solo et de musique de chambre à l’occasion d‘examens de conservatoire.

• Comment est né le projet du Salve Regina pour La Garde ?

Le Salve Regina pour La Garde est né de la proposition d’un ami dont un frère est moine à l’Abbaye du Barroux. Sa proposition s’inspirait du Te Deum de Lagrasse de Jeanne Barbey. Cette jeune femme avait spontanément eu l’idée d’écrire une œuvre musicale pour célébrer la rénovation de l’Abbaye de Lagrasse. Il s’agissait donc de composer une œuvre originale,

contemporaine d’une abbaye elle-même contemporaine, de faire vivre la tradition de la musique sacrée comme les moines font vivre la tradition bénédictine…

J’ai été mis en relation avec le Père Damien, le père chantre du Barroux. Il m’y a reçu et accueilli comme un ami et comme un musicien. J’ai même pu jouer sur l’orgue de l’Abbatiale. En juin, j’ai eu droit à un séjour exceptionnel de douze jours pour composer. J’ai beaucoup travaillé à ce moment-là, profitant de ce bain spirituel. Même si des parties de l’œuvre étaient déjà prêtes. En août, j’ai achevé le travail, dans le Berry, à la campagne…

• Que ressent-on en composant ce genre de pièce ?

Fondamentalement, on ressent que l’on compose sur un texte qui n’est pas anodin : le Salve Regina. J’avais vraiment ce texte à cœur et j’ai constamment veillé à ne pas me laisser embarquer par la musique. C’est une prière adressée à Dieu par l’intermédiaire de la Vierge. Il faut la respecter. Ainsi le choix de l’effectif. Ma première idée a été de m’inspirer des grandes œuvres sacrées du XVIIIe siècle, le Stabat Mater de Pergolèse, le Salve Regina de Scarlatti, pour me laisser imprégner par leur caractère sacré et aussi leur structure : voix solistes, continuo à l’orgue et quatuors à cordes. Mais je n’ai pas voulu me rattacher complètement à cette tradition qui met en avant les solistes ou le chœur chantant la prière. J’ai voulu que tout le monde prie, y compris l’orgue et le quatuor…

• Techniquement comment y parvient-on ?

Un aspect important, c’est l’insertion d’éléments symboliques dans la musique et ce au moyen, par exemple, de l’effectif même. Le chœur représente la foule, les fidèles, le peuple ; il est accompagné dans sa démarche par les cordes et leurs sonorités chaleureuses. Le violon, instrument de folklore introduit un côté allant, champêtre avec des éléments charnels, et un peu d’humour aussi. Par contraste l’orgue sacralise tout de suite la musique et les deux voix solistes (contre-ténor et soprano) se détachent au-dessus du chœur comme des anges…

Un autre aspect essentiel est de se rappeler que l’on a fait des études d’écriture qui nous ont permis d’intégrer le passé. On n’arrive pas au XXIe siècle ex nihilo. Un compositeur doit maîtriser au mieux les règles des langages musicaux qui l’ont précédé, c’est à cette condition que son propre langage peut apparaître. À partir de là, j’ai surtout exploré la modalité, domaine que l’on peut encore parcourir sans trop risquer la redite tout en restant audible et agréable à écouter. L’art sacré, par essence, a besoin d’aller vers le public. Il ne saurait rester dans un cercle élitiste sous peine de ne plus répondre à sa vocation première

• Que pourriez-vous dire de la structure de cette pièce ?

La structure de la pièce suit la structure du Salve Regina, prière en cinq mouvements. Premier mouvement :
Salve Regina, Mater misericordiæ !
Vita dulcedo et spes nostra, salve!

Il évoque d’abord la salutation respectueuse. Un tempo lent, des harmonies larges, traduisent une atmosphère contemplative. Puis vient l’évocation de la vie et de l’espérance que la foule reprend allègrement. Ce passage est joyeux, dansant avec un fugato aux cordes suivi d’une montée…

Deuxième mouvement :
Ad te clamamus, exsules filii Evæ.
Ad te suspiramus, gementes et flentes In hac lacrimarum valle.

C’est la foule en détresse. L’écriture devient très contrapunctique, à l’orgue et aux cordes. La partie pour le chœur se caractérise par une grande ampleur de tessiture, d’ambitus ; mais chantée comme un seul homme.

Troisième mouvement :
Eia ergo, advocata nostra, illos tuos misericordes oculos ad nos converte ;

Partie solo, sans chœur, chantée par le contre-ténor. Cette voix exprime la détresse de l’âme qui cherche, qui gémit. L’orgue et les cordes interviennent comme un refrain, une sorte de ritournelle médiévale. L’écriture est très verticale à l’orgue et pose une sorte de question ; la réponse est donnée par les cordes, avec un langage plus horizontal, contrapunctique.

Mouvement 4 :
et, Jesum, benedictum fructum ventris tui, nobis post hoc exsilium ostende

Jésus est nommé ! C’est le centre de la prière. Son nom est chanté en solo par la soprano, a capella. Puis les cordes interviennent avec une écriture en croches, dans une sorte de mouvement perpétuel qui symbolise l’enracinement, l’incarnation, tandis que la soprano est maintenant accompagnée à l’orgue qui déclame au-dessus en polytonalité.

Mouvement 5 :
O clemens, o pia, o dulcis Virgo Maria !

Ce dernier verset, avec ses trois adjectifs, est celui de la pure piété mariale.
L’introduction de ce passage évoque les duos pour voix de Lassus : la soprano et le contre- ténor commencent tous les deux, puis les instruments entrent, tour à tour. S’ensuit un enchaînement de trois fugues qui se superposent ensuite. La fugue 1 pour chœur reprend le thème de l’introduction, la fugue 2 est démarrée par les cordes et reprise ensuite au chœur, ensuite vient la fugue 3 avec l’orgue puis les solistes.
L’enchaînement de ces trois fugues joue également sur les valeurs rythmiques : des valeurs longues et une harmonie aérée pour la fugue 1, puis une valeur rythmique deux fois plus rapide, puis des croches avec des harmonies changeant à toutes les noires… L’effet d’accélération rythmique est redoublé par un immense crescendo jusqu’au couronnement où l’on entend les 3 sujets : une sorte d’apothéose. Et comme pour boucler la boucle, la toute fin intervient en symétrique du tout début du Salve Regina, avec des incises grégoriennes chantées par les solistes accompagnés de l’orgue.