La maîtresse des forges.

Publié le 29 novembre 2012 par Legraoully @LeGraoullyOff

Panique au Medef. Arnaud Montebourg ne lâche pas Florange et montre ses muscles à Mittal. On pourra dire ce qu’on veut sur la méthode de Nono-la-marinière, mais ça faisait combien de temps qu’on avait pas vu un ministre parler à un financier autrement qu’ avec déférence et soumission? Pendant que son patron signe des traités européens qui donnent tous les droits aux financiers, transformant au passage le Parlement européen en simple chambre d’enregistrement, le Ministre du Redressement productif propose de nationaliser le site mosellan. Après tout, les très capitalistes États-Unis ne font pas autre chose quand un secteur stratégique bat de l’aile. Mieux, même une partie de l’opposition, au premier rang de laquelle Henri Guaino, approuve sans réserve. Fuck Mittal, vive l’acier lorrain, avec lequel on fera une tour Eiffel encore plus grande et encore plus moche pour bien montrer que c’est nous les plus forts.

Le gouvernement prend un sacré risque en nationalisant. Pas que Mittal s’en aille chialer dans le sari de sa daronne, mais que d’autres patrons-voyous s’engouffrent dans la brèche et tentent de refiler à l’État toutes les boîtes dont ils ne veulent plus en faisant du chantage à l’emploi. Et puis l’Union Européenne, le FMI et les agences de notation font nous chercher des poux sur le modèle, oh la la, qu’est-ce que c’est que ces communistes collectivistes, les mecs ramenez les troupes d’Afghanistan on a une éruption de cocos en France qui ne croient plus en la loi divine du marché. Surtout que depuis quarante ans, on a privatisé jusqu’aux autoroutes pour se faire du blé. Bref, on n’en tiendra pas rigueur à Montebourg attendu que c’est le seul qui a un peu essayé de sauver la mise aux Arcelor. Mais quand même, une bonne vieille série de nationalisations avec une vraie stratégie pour faire peur aux banquiers, ça aurait eu plus de gueule.

Mais voilà, il y a Laurence Parisot, et la Laurence elle n’est pas d’accord du tout avec Montebourg. Elle trouve même « scandaleux » qu’on puisse ne serait-ce qu’émettre l’ombre furtive d’un commencement de nationalisation. L’État, c’est le diable, sauf quand il baisse les impôts et qu’il épargne les pigeons qui couvent leurs plus-values avec jalousie. Il faut dire que la sidérurgie et le Medef, c’est une grande histoire, et que même si Laurence est une grande sentimentale qui trouve que  l’amour est précaire, ipso facto il n’y a pas de raisons que le travail ne le soit pas, il y a quand même des sujets avec lesquels il ne faut pas déconner. Avant Laurence, il y avait à la tête (de con) du syndicat patronal un grand monsieur aux manières pour le moins cavalières eu égard à son ascendance nobiliaire (usurpée puisque de noblesse pontificale): le baron de Seillière. Ernest Antoine Seillère de Laborde de son nom complet, est l’héritier d’une prestigieuse lignée de maîtres de forges bien connus par chez nous, les Wendel, sis à Hayange. Le maître de forges est une sorte de patron très paternaliste qui croit avoir inventé l’acier qu’il a sous le cul, et qui à ce titre, pense tout savoir mieux que l’ouvrier falot qui ne pense qu’à rentrer chez lui après la mine pour s’imbiber d’alcool de patate, battre sa femme et morigéner sa progéniture. C’est ce qui permet aujourd’hui à Mme Parisot d’affirmer que « seul l’entrepreneur sait ce qui est rentable »

D’ailleurs, en 1981, les forges de papy Seillière furent nationalisées pour effacer ses dettes, et intégrées au groupe Arcelor. Les maîtres de forge et les patrons en général en conçurent un immense chagrin, et tiennent depuis l’État et les syndicats dans une saine détestation. Le groupe fut ensuite à nouveau privatisé par le juge de paix impossible Alain Juppé, et tout le monde s’en est mis plein les fouilles, sauf l’Etat qui avait réussi à rentabiliser le secteur, comme quoi Laurence dit parfois n’importe quoi pour se faire remarquer. Pour être juste, les ouvriers sont aussi parfois des imbéciles masochistes puisqu’ils ont consacré un musée du carreau Wendel pour visiter les restes de leur exploitation au lieu d’en faire un mémorial de l’esclavage salarié.

Toutefois, en dépit des réflexes de maîtres des forges dont les patrons ne savent se départir, il arrive que parfois au sein du Medef, les financiers et les métallos se cherchent des noises pour des histoires de menue monnaie et usent de méthodes qu’on qualifierait presque de mafieuses si les gentils entrepreneurs ne nous rassuraient pas perpétuellement sur leur bonne volonté à sauver notre modèle social. Ainsi en 2007, a éclaté une affaire dite des « caisses noires de l’UIMM (Union des Industries et Métiers de la Métallurgie ») où il était question de fonds occultes et de mouvements suspects de liquidités qui ne sont pas sans évoquer les malheurs qui accablent Nicolas Sarkozy par la faute de juges sûrement déjà acquis à la cause communiste. Les fameuses caisses noires étaient destinées à « fluidifier les rapports sociaux », entendez par là acheter des syndicalistes ou aider un malheureux patron à faire face à un mouvement social.

Cette mentalité paternaliste et nourrie de méfiance à l’endroit de l’intervention de l’État nourrit toujours la réflexion patronale de nos jours, c’est même un peu son inconscient collectif. Aussi, quand Laurence Parisot s’insurge contre la nationalisation d’un site sidérurgique destinée à sauver des emplois, elle ferait bien de penser aux bénéfices qu’a tirés son organisation de ce procédé, toujours au détriment des salariés. Et avant de crier au « chantage », elle pourrait relire (c’est un exemple parmi tant d’autres) les déclarations de ses collègues restaurateurs quand on touche à la TVA, ou aller passer des vacances chez ses amis exilés fiscaux en Belgique, au Luxembourg ou ailleurs pour nous reposer les oreilles.

Et avec tout ce que les contribuables ont payé pour remettre la sidérurgie à flot, c’est Mittal qui devrait nous payer pour qu’on reprenne sa boîte. Non mais.

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