Au secours! Ils ont chopé la zlatanmania!

Publié le 01 décembre 2012 par Guy Deridet

Mais qu'est-ce qu'ils ont tous avec Zlatan Ibrahimovic, ce footballeur surpayé et mégalo qui a réussi à réveiller (un peu) le PSG et (beaucoup) les Guignols ? La folie Ibrahimovic embrase le pays et ravage les médias, bien au-delà des terrains de foot.




  Au fond, il ne nous arrivait plus rien dans ce pays jusqu'à ce qu'il nous chavire, Zlatan mon brutal, l'homme à ta France, mon diable ! Un footeux nommé Ibrahimovic est le nom de l'amour, cet oubli de soi. Nous voilà bien, Français pétris de mesure et d'égalité, à nous démentir nous-mêmes, adulant un géant riche et sauvage qui professe de tout son être le refus de la culture et du collectif pour l'art spontané de la saillie verbale, l'arrogance et le taekwondo à la gueule ! Mais nous y revenons, heureux même, dans l'extase des conquis...
Buts et épate Son premier entraînement avec le PSG, l'été dernier, Ibrahimovic avait marché sur ses nouveaux coéquipiers, trois en une séance : l'indestructible Matuidi, Néné le pleurnicheur (avant Ibra, premier talent du club, dévirilisé et obsolète par l'arrivée du géant), et Menez le rebelle, presque éborgné d'un coup de coude. Son premier match, il avait expédié à l'infirmerie un défenseur lorientais qui le taclait. «Fais-moi mal, Johnny !», chantait Magali Noël. C'est par la force que Zlatan Ibrahimovic a marqué notre territoire. Ensuite, bien sûr, des buts et du football, de l'épate, et quand il châtie l'Angleterre, quatre buts dont un retourné de légende, il est nôtre ! Mais tout a commencé ainsi : par l'écrasement des révoltes, ses coéquipiers houspillés de ne pas lui offrir les ballons, et leur soumission. «Le PSG aura une star internationale», avait annoncé Nasser al-Khelaifi, président du club. En réalité, avant, quand Ibrahimovic jouait en Italie, en Espagne, dans de vrais pays de football, il n'était qu'un grand joueur, très grand buteur, fantasque et admiré ; mais un parmi d'autres, et nul ne lui faisait révérence. «Nous n'avons pas eu de joueur de sa dimension en Ligue 1, nous sommes honorés, constate le géopoliticien Pascal Boniface. Et comme Ibrahimovic est bon bougre, il n'a pas la prétention d'un Cristiano Ronaldo, nous nous inclinons devant un souverain bénévolent.»

La zlatanmania en dit assez sur ce que nous sommes, gentils provinciaux ébahis au pays du football. Le reste est affaire de médias, de modes et d'imitations. Quand le Parisien explique Salvador Dali à ses lecteurs, l'article commence ainsi : «Dali, c'est le Zlatan de la peinture.» S'en fâche-t-on, quand on aime la langue ? Même Alain Finkielkraut, sourcilleux gardien du français, n'y voit pas malice. «Il transforme ses coéquipiers en petits garçons, tellement la différence de force et de talent est patente», se réjouit l'apologue de l'école égalitaire. L'Equipe, pétrie de belle langue et de foot sérieux, a acté sa reddition d'un titre, «Les Verts zlatanent Paris», un lendemain de défaite parisienne. «Zlataner» - le verbe a été inventé par «Les guignols de l'info» sur Canal +, fétiche sémantique de leur marionnette, désormais mot de passe des écoliers et des journaux rendus à l'enfance. «On a voulu inverser le cliché du surhomme, plaide Fabrice Jouhaud, patron de l'Equipe. Paris perdait, Ibrahimovic était expulsé sur un geste d'art martial...» Mais le journal référence du sport français a repris le langage de blagueurs télévisuels passés de mode. De tous les exploits d'Ibrahimovic, ce n'est pas le moindre : sa simple existence a rendu aux Guignols la drôlerie et plus que ça, une justesse populaire, une adéquation perdues depuis longtemps. Ainsi va le charisme. «Ibrahimovic est un surhomme nietzschéen, il impose ses normes», affirme Mathias Roux, professeur de philo et auteur de Socrate en crampons (Flammarion).
Son arrogance, un leurre ? Il renverse aussi les valeurs : acheté par les millionnaires qataris, joyau d'un club détesté de la France égalitaire, Zlatan éloigne la rancune, échappe à l'opprobre et aux préjugés et fait accepter l'inacceptable !

C'est l'alchimie intime de ce type avec la nôtre, peut-être simple comme une pulsion. «Zlatan, c'est du désir, du sexe - le buteur la met au fond, il est l'orgasme du match», poursuit Roux le philosophe. Supporteur du PSG, il marche à Zlatan, et s'en trouble : «Il réveille quelque chose en nous. Ce n'est pas seulement du football ou du talent, mais une virilité troublante. Zlatan a un corps, une gueule, pas la plastique mièvre d'un Cristiano Ronaldo. Il dénude son corps tatoué. Il réveille l'homosexuel qui sommeille en chaque supporteur de football. On veut être Zlatan, on le contemple, on le désire, on veut être pris par lui !» Provocation ? L'ambivalence imprègne les jeux de garçons. Nous sommes enfants devant le football, et Zlatan est un homme. C'est le Grand Meaulnes. Il vient dans notre petite école et transpire déjà, la lippe sensuelle, le corps déjà fait. Nous voulons être lui, choisis par lui. «Ses partenaires ne savent pas quoi faire avec lui, comme s'il venait d'ailleurs, dit Vikash Dhorasoo, ci-devant footballeur dissident, ravi du spectacle. Quand il fait son retourné contre l'Angleterre, les autres Suédois viennent le toucher discrè- tement, ils n'osent pas, presque timides.»

Apeurés et chavirés, nos footeux ? Zlatan, par le passé, a été soupçonné d'homosexualité ; à Barcelone, une photo circulait le montrant enlacé avec son partenaire Gérard Piqué. «Viens chez moi, tu verras si je suis pédé, et amène ta sœur aussi», a répondu Zlatan à une journaliste qui l'interrogeait. Bien, bien... Il y a souvent de la fragilité chez les surpuissants. Ibra fait penser au géant du rugby néo-zélandais Lomu, tragique colosse sorti d'un ghetto, ou à Mike Tyson - Tyson avait une voix étrangement flûtée et des brutalités envers ses femmes. Zlatan non plus n'est pas clair - on ne parle pas de sexe mais de vie, et son arrogance verbale est un leurre. Il a une histoire, et, dans notre adulation, nous ne l'entendons pas. L'enfance dans le ghetto slavo-musulman de Malmö, cet enfant qui riait quand on le battait, cet homme hâbleur mais apeuré qui a choisi pour femme une gagnante blonde plus âgée que lui, rassurante.
En boucle sur Internet Il y aurait d'excellentes raisons de zlata-ner nos cerveaux et nos doutes. Qu'est-ce que la force, qu'est-ce que le football, le jeu d'un seul ou l'art de tous ? Et qui peut incarner une société métisse, partagée entre le dégoût de l'argent mondialisé et l'envie d'être dans la sarabande ? Mais nous ne pensons pas encore Zlatan, nous rions. De lui. Avec lui. Ou sans lui. Les «sketches Zlatan» des Guignols circulent en boucle, et sur Internet, un site explose, Zla- tanfacts*, créé par deux jeunes ingénieurs. Les internautes rivalisent de drôlerie surréaliste pour célébrer un surhomme réinventé : ces blagues font écho aux vraies phrases du vrai Zlatan (lire les encadrés), jusque dans leurs outrances. A force, on ne sait plus ce qui est vrai, ce qu'on invente de lui ou ce qu'il est. Plus un homme de chair désirable, plus un joueur de football, mais un pantin de mots, une icône du moment, quand tout serait simple au fond, quand il faudrait juste aimer Zlatan. Et se soumettre. Et remercier. Et remercier encore de l'avoir vu jouer.

  Claude Askolovitch |

* www.zlatanfacts.fr
 
VRAIES ZLATANERIES

«Je ne connais pas les joueurs de la Ligue 1, mais les joueurs de la Ligue 1, eux, me connaissent.»

«Vous avez des griffures sur le visage, que vous est-il arrivé ?

- Je ne sais pas, demande à ta femme.»

«Moi, je suis Zlatan, mais toi, t'es qui, putain ?»

«Nous cherchons un appartement à Paris, mais, si nous ne trouvons rien, j'achèterai probablement un hôtel.»

«Je suis le Nord, je suis le Sud, je suis l'Est et l'Ouest. Je suis Zlatan Ibrahimovic.»

Que va-t-il offrir à sa femme pour son anniversaire ?

«Rien, elle a déjà Zlatan.»

«J'aime humilier mon adversaire. Ça fait partie de ma conception du jeu.»
ZLATANTFACTS D'INTERNAUTES

«Zlatan a demandé au PSG de changer d'équipementier. On ne Nike pas Zlatan.»

«Zlatan n'est jamais hors jeu, les assistants lèvent le bras pour le saluer.»

«Zlatan ne rate pas ses amortis, c'est le ballon qui a peur de ses pieds.»

«Zlatan ne joue pas au PSG, ce sont les joueurs du PSG qui courent autour de Zlatan.»

«Il est faux de dire que les joueurs du PSG jouent pour l'argent. Ils jouent pour Zlatan.»
 
N.D.L.R

Je n'aime plus le foot depuis qu'il est devenu une machine à fric mais j'avoue que ce  joueur me rappelle de bons souvenirs. Vous trouverez ci-après une vidéo de quelques-uns de ses meilleurs buts. Et pour faire bonne mesure, une vidéo des Guignols de l'Info, dont Zlatan est devenu une des figures favorites.

Les meilleurs buts de ibrahimovic by nawfel_le_marocain
Les Guignols de l'Info du 15/11/12 - Quoi qu'on fasse