Ennio Morricone, coloriste compulsif

Publié le 03 décembre 2012 par Bmgeneve

Sujet du roman de Dino Buzzati, le temps refuse inexorablement de s’écouler dans l’attente d’un ennemi à jamais dérobé, confrontant les hommes à leur vacuité, tandis qu’ils scrutent éperdument le désert. A l’écoute de cette poignante musique, je serais tenté d’affirmer que le film n’est même plus tout à fait nécessaire, tant l’adéquation de la musique au texte d’origine est frappante. Qui mieux qu’Ennio Morricone pouvait insuffler tant de grandeur tragique et, en même temps, autant de dérision dans une même musique ?

Ici, un solo instrumental accompagné par l’orchestre, mais dont l’instrument est tout à fait improbable et ressemble au jeu nasillard et désolé d’un cromorne d’église. Là, un tapis sonores des cordes suggère l’immobilité. Il est seulement déchiré de coups de clairons survoltés des trompettes qui font penser à l’extraordinaire « Unanswered question » de Charles Ives. Plus loin encore, la plainte d’un violon ou d’un cor anglais résonnant comme les élégies d’ultimes survivants de leur espèce.

Ennio Morricone est un coloriste compulsif, un amoureux de tous les instruments de l’orchestre et de tous ceux qui n’y étaient pas avant lui. Dans cette bande originale, il y a en tous cas assez de matériau thématique pour tricoter plusieurs poèmes symphoniques, taille large. Du tout grand Morricone à écouter absolument.

Paul Kristof

MORRIONE, Ennio. Il deserto dei Tartari (GDM, 2011)   Disponibilité


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