Mil « Les Fleurs du Mil » @@@@½

Publié le 15 novembre 2012 par Sagittariushh @SagittariusHH

Mil « Les Fleurs du Mil » @@@@½

Je me permets d’écrire cette chronique à la première personne parce que je connais Mil, depuis Septembre 2005 de ce que je me souvienne quand on traitait ensemble par e-mail, et que j’ai pu observer l’avancement de cet album dont la graine a germé cette année-là je suppose. Je me rappelle justement de la fois où il m’a envoyé cet email contenant un titre, sans nom d’artiste, « Un Parfum de Frustration », me demandant ce que j’en pensais. J’étais déjà bien fâché avec le rap français à l’époque, mais je ne regrette pas d’avoir mis l’oreille sur ce son, et ce qui m’a subjugué, c’était cette poésie, cette mélancolie, une écriture qui ne laisse pas indifférent. Je lui réponds en disant que j’ai bien aimé, sincèrement hein ! en demandant par l’occasion « c’est de qui ? ». Réponse : « c’est moi ».

C’était le point de départ d’une aventure loin d’être gagnée pour Mil. J’ai pu avoir l’occasion de m’entretenir avec lui, d’écouter des maquettes, des démos et des tas de versions différentes de ses différents morceaux dont certains ne figureront pas plus tard sur le tracklisting définitif (je pense à « Remonter le temps » que j’ai pu écouter en studio à Puteaux). Entre temps je n’ai pas manqué de chroniquer sur Rap2K ses mixtapes Mil Ruff Draft et Milchild, c’était donner de l’exposition à un artiste qui en mérite. Je ne pense pas qu’il soit du genre à vouloir créer à tout prix le « buzz sur Internet », simplement attirer les gens qui reconnaîtront son talent et le travail. Parce que Mil est plutôt du genre perfectionniste, capable de réenregistrer un couplet entier si le rendu ne lui plaît pas, ou changement totalement d’instru. J’en suis témoin ! Je peux vous le garantir à quel point c’est un bosseur invétéré, il a taffé avec Onra, JR de Pole Prod, Clutch Player, 20Syl (!),… pour retenir finalement JLJ, Creestal, Sheety et Quetzal (du label Beat & Discovery), Tayreeb,… La plupart de ses morceaux en sont à leur 3e, 4e ou même 5e version ! Cette qualité est directement corrélée aux années qu’ont demandé la conception des Fleurs du Mil, dont j’ai pu disposer déjà de la version finale en Avril 2010.

Nous sommes le 15 Novembre 2012, ça fait un bail que j’attendais ! Ça a mis beaucoup de temps à sortir mais le plus important maintenant est que l’album soit disponible. Qui plus est avec un bel artwork orangé, des illustrations photos sobres et jolies et une impression style 45-Tours sur le CD pour la touche vintage. Pourquoi le 15 ? Une coutume chez PadBleM, petite structure qu’il a co-fondé avec Enz et sur lequel ils avait sortis tous les deux avec DJ Sheety l’excellent album de BluMonk. C’est parti pour l’écoute et je re-découvre toutes ces pistes sur CD, cette fois, à commencer par « Les Fleurs du Mil » en prenant bien sa respiration. On sentirait presque les odeurs des samples et des mélodies, les couleurs dans ses rimes… Mil fait un peu partie de cette espèce très protégée de rappeurs trop rares qui allient technique, à travers son flow, et la poésie, ce qui n’est pas sans rappeler les Sages Po’, une de ses nombreuses sources d’inspiration (si je ne me trompe pas). On a surtout affaire à un type passionné par son art, désintéressé quand il s’agit de rapper. Lorsqu’on écoute « Un Aller-Retour Paris », on voit ce souvenir de Mil jeune adolescent s’empresser d’acheter chez son disquaire son album de Gangstarr, puis Mil adulte, lui-même devenu le rappeur. La production qui accompagne colle parfaitement à la nostalgie de ce morceau, celui d’un rêve de gosse qui se concrétise. En ce qui concerne les chansons purement hip-hop, on apprécie aussi la cuisine de « Supplément Poivre ».

Mil est un grand sentimental. Les Fleurs du Mil est ce qu’on pourrait appeler un album rap néo-romantique. Le hip-hop a une place importante dans son coeur mais il l’a déjà démontré sur ses précédents projets. La raison d’un album est de pouvoir bâtir des morceaux autour d’une thématique, ici les relations amoureuses, que ce soit des fictions, du vécu à lui ou des connaissances. On se laisse emporter par les flots de beaux sentiments et d’allégresse de « Les Choses Simples », « Dans Un Mouchoir de Poche », ces débuts de belles histoires qui rendent notre quotidien magique. Parfois moins comme « Chaque Choses en Son Temps », quand la raison reprend ses droits. Il y a cette chouette histoire « Emily » avec son refrain en anglais (avec l’accent français naturellement), qui démontre que Mil est très à l’aise en matière de narration. Ou alors cette idée très originale de la « Fêtes des Ex », l’anti-thèse de la St Valentin, et sans sexe, c’est dit dans le texte !

Mais… la morale de ses histoires ne sont hélas pas toujours heureuses, comme les flammes d’un amour qui ne créent que cendres et fumées. Comme le feu d’une passion qui brûle trop vite, il y a cette forme de fatalisme qui veut que les choses ne durent jamais. « L’amour ne dure que trois ans », inspiré d’un roman de Begbeider, retrace la durée de vie d’un couple, un an passé par couplet. Une théorie qui s’applique dans bien des cas, c’est prouvé. Des rencontres, il y en a de bonnes comme de mauvaises, après mademoiselle inspiration, Mil a rencontré une qui va l’autodétruire : « Mademoiselle Liqueur ». Dans un accès de colère, il va jusqu’à commettre l’irréparable sur « Kill Mil » : le crime passionnel. Ouf, ce n’est qu’une fiction… Cependant, comment ne pas subir ce flot de mélancolie lorsque les fleurs de Mil fanent en « Pétales de proses » grises…  « Le Bouquet Final » ponctue l’album à juste titre.

Avec Les Fleurs du Mil, c’est le coeur d’un homme qui parle, complexe, sensible et intègre. Mais ce n’est pas tout. Car quand on entend le résultat, on devine tout le travail qu’il y a eu derrière en studio. Intraitable dans ses choix artistiques sinon intransigeant, peu importe le terme, en plus d’être un MC hors-pair à la technique et au verbes irréprochables, imprévisible dans les placements de rimes, Mil a nettement prouvé de quoi il est capable. Sortir un premier album était pour lui plus qu’un désir. Il le doit à son talent et celui de toute son équipe, ce vivier qu’est PadBleM : la chanteuse Marie M, DJ Sheety, Aldrick, Ed, Kanyor…

Bravo Julien, je tire mon chapeau.

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