[Critique] LES MONDES DE RALPH

Par Onrembobine @OnRembobinefr

Titre original : Wreck-It Ralph

Note: (moyenne)
Origine : États-Unis
Réalisateur : Rich Moore
Distribution voix : en V.O : John C. Reilly, Sarah Silverman, Jack McBrayer, Jane Lynch, Alan Tudyk, Mindy Kaling, Ed O’Neill…/ En V.F : François-Xavier Demaison, Dorothée Pousséo, Donald Reignoux, Thierry Desroses…
Genre : Animation/Aventure/Comédie
Date de sortie : 5 décembre 2012

Le Pitch :
Ralph est un méchant de jeu vidéo. Mal aimé par ses congénères pixélisés, il se rêve en héros et supporte de plus en plus mal son statut social ingrat. De son côté, la jeune Vanellope évolue dans un jeu de course automobile acidulé, où les décors ne sont constitués uniquement que de sucreries. Issue d’un bug informatique, Vanellope est, à l’instar de Ralph, rejetée par tous en raison de sa condition si particulière. Réunis par un coup du sort, les deux anti-héros vont essayer de donner à leur destinée une nouvelle direction…

La Critique (Gilles) Note:  :
Bâti sur un postulat de départ finalement très proche de celui de Toy Story (à la fermeture de la salle d’arcade, les héros de jeux vidéos se réunissent, ont une vie sociale et vaquent à leurs occupations), Les Mondes de Ralph avait dans sa besace de sérieux atouts, pour séduire un nombre important de spectateurs. En choisissant de situer l’action du film au centre d’un spectre de jeux très large, allant du vieux mais charmant hit des années 80, ultra pixelisé, au dernier hit de tir, aux graphismes hyper réalistes, les scénaristes du long-métrage ont tenu à s’assurer l’adhésion de plusieurs générations de gamers. Et forcement, quand le film commence, difficile de ne pas jubiler en croisant toute une galerie de personnages familiers, de Sonic à Zangief de Street Fighter, si on a soi-même joué (ou si on joue encore), à ces titres incontournables dans son enfance. Malins, les créateurs des Mondes de Raplh n’excluent en apparence personne et même si, encore une fois, le principe à la Toy Story sent le réchauffé, il faut admettre que la mise en bouche est savoureuse.
Chaque personnage a ses spécificités, sa façon de se mouvoir, ses gimmicks et ses codes et tout ce joli bestiaire ne manque pas de charme.

C’est après que les choses se gâtent. Quand le long-métrage prend la direction ultra balisée du conte moral, où il est question d’acceptation de soi, d’accomplissement personnel et d’amitié. Un exercice que Disney maîtrise à la perfection et qui ici, ne trouve pas une incarnation bien différente. Passés la surprise de découvrir les différents univers et l’émerveillement dû à la richesse de certains décors, force est de reconnaître que le film accuse un sérieux coup de mou. L’impression d’avoir déjà vu ce genre de truc un bon paquet de fois en mieux persiste et enfle au fil des minutes, jusqu’à provoquer pourquoi pas pas une légère somnolence. Rich Moore (qui est entre autres issu des Simpson et de Futurama) n’arrive pas à se sortir des carcans classiques du film pour enfant Disney. Son héros est sympathique, il a une bonne tête et ses intentions sont nobles, mais sa quête manque de relief. Il cherche une médaille car il est persuadé que c’est comme cela qu’il sera accepté par ses collègues ; en route il rencontre une petite fille dans un jeu à la Mario Kart, mais c’est guère tout.
On attend que l’intrigue décolle mais rien ne vient. Le déroulement est juste hyper balisé et c’est vraiment regrettable, tant l’univers proposé aurait mérité quelque chose de plus profond, comme… ah ben tiens, Toy Story par exemple.
La comparaison est inévitable et tourne systématique à l’avantage de Woody et de ses potes.

De plus, rien n’encourage non plus à se fendre la poire. On sourit, notamment lors de cette thérapie pour méchants, où Zangief de Street Fighter explique pourquoi il est nécessaire à son jeu au même titre que Ken ou Ryu, on rigole une fois ou deux, mais pas plus. Comme souvent, la bande-annonce dévoilait déjà les gags les plus réussis. C’est quand même frustrant.
D’autant que les choses commencent vraiment bien, grâce à Paperman, le court-métrage qui précède la projection des Mondes de Ralph. Une bluette en noir et blanc habitée par une grâce touchante, où aucune parole n’est prononcée, mais où l’émotion atteint des sommets. Un petit tour de force au graphisme soigné et raffiné. Le genre de truc qui prouve encore que Disney et Pixar en ont sous le coude pour faire mouche.
Les Mondes de Ralph ressemble quant à lui à un produit basique, correct, idéal pour les enfants, écrit en pilotage automatique, et parcouru de quelques fulgurances visuelles. Ce n’est pas si mal, mais on était en droit d’attendre davantage. Mickey se repose sur ses lauriers, alors que derrière, la concurrence ne cesse de monter…

@ Gilles Rolland

La Critique (Daniel) Note: :
Les bad guys aussi ont du vague à l’âme. C’est quoi finalement, être un méchant? Comment devient-t-on l’ennemi? Telle est la question centrale du pitch de Les Mondes de Ralph, qui s’interroge à voix haute sur la dialectique héros/vilains. Mais en réalité, le pire adversaire du film pourrait bien être son propre marketing. Avec « Toy Story mais pour les jeux vidéo » comme argument de vente, il attira l’attention de la communauté des gamers grâce à la tendresse évidente pour le médium que laissaient deviner les bandes-annonces et la quantité des références et des personnages de jeux vidéo authentiques présents dans ses publicités. Et si c’est avec un grand soulagement que l’on peut constater que le film évite d’en faire trop avec ses blagues culturelles, il y a toujours le risque de voir ses fans enthousiastes le surestimer pour les mauvaises raisons ou que d’autres spectateurs passent leur chemin par peur de subir un trip nostalgique Nintendo de 1h30 pour la génération du joystick.

Prenons alors la peine d’éclaircir les choses : Les Mondes de Ralph est un film d’animation vidéoludique fantastique (mais peut-être pas fantastique au niveau de Toy Story) qui ramène quelques clins d’œil malins et des caméos de personnages de jeux cultes (Bowser, Pac-Man, Zangief…). Mais le « cool » des Mondes de Ralph réside surtout dans sa qualité générale : c’est un bon film parce qu’il raconte une histoire charmante avec des personnages adorables, pas parce qu’on voit Sonic le hérisson pendant une dizaine de secondes. Et si les jeux se réveillent quand l’arcade (qui a apparemment gardé ses portes ouvertes pendant une bonne trentaine d’années, c’est incroyable !) arrive à son heure de fermeture, Toy Story n’est pas la meilleure comparaison : le film partage plus de points communs avec L’Etrange Noël de Monsieur Jack, dans le contexte où tous deux sont des contes sur des méchants solitaires et mal compris qui vivent une crise existentielle et décident d’embarquer pour une quête visionnaire irréfléchie et qui par mégarde, menacent de détruire l’univers.

L’idée que les personnages vidéoludiques sont vivants et conscients de leurs propres origines artificielles et personnalités programmés s’avère être une métaphore à la fois brillante et simple pour les gens pris au piège dans leur boulot et prisonniers de leur propre vie. Ralph ne peut pas s’empêcher de tout casser, Félix est obligé d’être une andouille chevaleresque, et l’un des personnages est programmé avec l’histoire la plus macabre qui soit. Si Les Mondes de Ralph changeait enfin la donne dans le conflit entre l’industrie du cinéma et celle des jeux vidéo, l’envie de voir une suite traitant uniquement de ce dernier détail là s’avère tentante.

Bien que Les Mondes de Ralph s’autorise une célébration en fanfare du rétro gaming et de l’imagerie 8 bits, il n’hésite pas à s’aventurer doucement dans le domaine de la satire lorsque Ralph part en virée dans les différents univers. Le jeu dont il est le méchant est un pastiche de Donkey Kong, et le rail shooter Hero’s Duty se dessine comme une parodie dans la veine de Gears of War, Halo et (bien sûr) Call of Duty. Il y a aussi l’ironie subtile qu’un méchant de l’âge d’or des jeux rétro soit équivalent d’un héros dans la génération moderne, mais l’intrigue principale ne démarre réellement que lorsque Ralph libère accidentellement un ennemi qui pourrait menacer tout l’arcade et se retrouve coincé dans le monde d’un clone sucré à la guimauve (au sens figuré) de Mario Kart appelé Sugar Rush, où le film s’enveloppe d’un mystère de conspiration drôlement efficace.

Si le film a des défauts, ils sont strictement dus à sa structure problématique : contrairement à Toy Story ou à Qui Veut La Peau de Roger Rabbit ?, les personnages vivants sont tous immortels de façon circonstancielle et bien conscients de ce fait là. Ainsi, le film récolte ses enjeux en imposant des règles et des limites à propos de qui peut faire quoi, où, et quand. Malheureusement, les règles, y’en a tout un pavé, et le plus souvent, on les apprend pile au moment où elles vont devenir importantes. Raison pour laquelle le film donne parfois l’impression de freiner des quatre roues lorsqu’il s’arrête pour expliquer pourquoi quelque chose qui ne nous tracassait pas il y a deux minutes doit maintenant nous tracasser.

Néanmoins, quand Les Mondes de Ralph finit de construire son univers et que les révélations surprenantes concernant le conflit et le centre de l’action sont mises en place, le film trouve un rythme confortable et aboutit à un grand final euphorique qui rivalise avec les meilleurs moments de Pixar, notamment grâce à un casting de personnages extrêmement bien développés. Ralph fait penser aux gros lourdauds tristounets qui sont la spécialité de l’acteur John C. Reilly (qui d’ailleurs, prête sa voix au personnage dans la version originale), tandis que l’icône mignonne tout droit sortie des années 90 qu’est la petite gamine Vanellope possède un équilibre merveilleux entre l’adorable et l’insupportable. Fix-It Félix est l’incarnation parfaite d’un crétin malchanceux et surpassé qui ne peut pas s’empêcher de bien faire.

Mais la mention spéciale revient au personnage de Jane Lynch, l’héroïne militariste de Hero’s Duty à mi-chemin entre Samus Aran de Metroid et Marcus Fénix de Gears of War qui finit par transcender ses propres origines satiriques. Elle est censée être conçue comme une parodie brutale mais affective de la lignée des tough guy greffés d’une paire de seins que l’on retrouve dans beaucoup de jeux vidéo en tant que substituts paresseux pour les protagonistes féminins (parmi eux, Lara Croft…), et si le film a tout compris en ce qui concerne l’absurdité de son attitude badass et de son design pin-up de garçon manqué, la blague s’arrête là.

En réalité, le personnage est bel et bien une dure à cuire omni-compétente, conformément à son programme. À tel point qu’il faudra peut être revoir à l’avenir cette liste de Femmes Disney Qui Bottent Le Cul (Désolé, Mulan et Jesse…). La prestation de Jane Lynch correspond quant à elle tellement à son personnage, qu’elle finit par ressembler à une missive accidentelle contre la mauvaise habitude des jeux d’aujourd’hui de maltraiter les femmes en tant que protagonistes. Le deuxième acte du film, qui la voit faire équipe avec Félix pour partir à la recherche de Ralph relève du génie : un duo hilarant qui se résume essentiellement à Mario et Samantha Burn.

Quelle année étrange pour le cinéma d’animation. 2012 a vu pas mal de médiocrité, avec Le Lorax au premier rang. Des efforts bien intentionnés comme ceux de Rebelle n’ont pas eu la récompense méritée. Et l’excellence dans la lignée de ParaNorman s’est retrouvée sans grand public. Mais Les Mondes de Ralph est le grand gagnant. Ce n’est pas le meilleur, mais il trouve un équilibre presque parfait entre un respect de la communauté à laquelle il s’adresse en priorité et cette satisfaction magique qu’est une expérience de cinéma. Même si le caméo de Q*Bert, ne vous évoque rien…

@ Daniel Rawnsley

Crédits photos : The Walt Disney Company France