"Plus je vieillis, plus je suis paumé"

Publié le 09 décembre 2012 par Teazine
Les albums de The Soft Moon mettent tellement tout le monde d'accord que les médias se pressent pour rencontrer le Californien (encore un) Luis Vasquez. Du coup, les interviews, ça le connait. Il en a fait une vingtaine rien que lors de son dernier passage à Paris. Alors quand je l'ai retrouvé quelques jours plus tard à Bruxelles, il était hyper bien rôdé. Le garçon qui fait danser la mort est très courtois, c'est bien. Mais il t'expédie toutes les questions en onze minutes chrono quand on est habitué à faire des interviews qui durent plutôt une demie heure. Frustrant : il m'a eue. Mais comme il est concis, au final, il a facilité mon travail. Et s'est quand même dévoilé. Vous apprendrez plus bas que Luis Vasquez n'est pas du tout  en paix avec soi-même, qu'il croit que la musique est une force supérieure le contrôlant, et qu'il adore Catherine Ribeiro, ce qui prouve qu'il ne va pas très bien. 

INTERVIEW THE SOFT MOON
TEA : Il paraît que quand tu veux te mettre à composer, tu commences toujours par aller faire un tour au magasin pour t'acheter de l'alcool, c'est vrai ?  Luis Vasquez : Parfois oui. Quand je veux être plus courageux ou plus émotif. Ça m'aide à me sentir plus profond. Et puis c'est drôle.  Et tu le fais souvent ?  Hmm. Ouais, assez. Je pense que c'est une tradition dans la musique de toute façon, quand tu es dans un groupe et que tu répètes.  Oui, mais toi tu n'es pas dans un groupe, tu le fais tout seul.  Ouais, ça fait un peu alcoolique (rires). C'est triste. 
J'ai lu que tu pensais que ton album serait moins sombre et moins violent que le précédent, tu as vraiment l'impression d'avoir réussi ?  En fait non, je pense que c'est encore plus intense, plus puissant et plus dans l'émotion. C'est parce que je laisse les choses se produire naturellement. Avec l'album, je n'ai pas vraiment exercé de contrôle, j'ai juste laissé les choses venir.  C'est comme si ce n'était pas toi qui contrôlait la musique, mais la musique qui te contrôlait.  Oui, exactement.  C'est pas un peu effrayant ?  Hmm. Ouais, non. Je ne pense pas que ce soit effrayant. Je pense que c'est bizarre, d'écrire de la musique et ensuite penser "Qui a écrit ça ? Je n'ai pas fait cette chanson, quelqu'un d'autre l'a fait." C'est comme si quelque chose d'autre contrôlait ma tête. C'est très accidentel. Chaque chanson est une photographie qui capture un moment, c'est très spontané. Je ne décide rien à l'avance. 
Tu as commencé The Soft Moon pour essayer de mieux te connaître et de combattre tes démons, comment ça marche ?  Ça marche, je crois. C'est bizarre, j'ai le sentiment que le premier album a été très thérapeutique pour moi. Il était nécessaire de combattre mes peurs, et c'était aussi à propos de mon enfance, que j'ai complètement refoulée. Donc je voulais en quelque sorte me découvrir. Mais au fur et à mesure que je vieillis, j'ai l'impression que ces problèmes s'accentuent dans ma tête. C'est probablement pour ça que Zeros est beaucoup plus sombre que le premier album. C'est comme si plus je vieillissais, plus je devenais fucked up. Plus de peurs, plus de tout. Mais je pense que la thérapie musicale marche, c'est juste que j'ai commencé doucement, et maintenant je vais de plus en plus en profondeur pour essayer de trouver un démon ou quelque chose comme ça. J'ai l'impression d'avoir réussi, avec Zeros, mais je n'en suis pas sûr parce que, comme je l'ai dit, je navigue spontanément, donc je verrai dans le futur si j'ai réussi à vaincre mes problèmes et mes peurs ou si j'ai encore du travail à faire à ce niveau.  Tu as découvert beaucoup de choses à propos de toi-même, en faisant de la musique ? Tu penses que tu aurais pu le faire sans elle ?  Oui, beaucoup. Et la musique est pour moi l'unique moyen de m'exprimer et de savoir qui je suis. 
Ton projet est donc très personnel et centré sur tes problèmes. Sauf que maintenant tu as des musiciens, sur scène, et tu penses même les faire contribuer par la suite à la composition des morceaux, ce n'est pas un peu paradoxal ?  Oui, c'est assez délicat. Mais ce serait chouette d'avoir leur influence. Je devrais en même temps rester centré sur le projet de départ. Les chansons sont sur ma vie privée... Mais on va voir. On va commencer à écrire assez vite, on va voir comment ça se passe et essayer de trouver la bonne façon de travailler. 
Tu dis que tu vois plus The Soft Moon comme un mouvement artistique que comme un groupe. Quel serait le manifeste de ton mouvement, alors ?  Je vois ça comme une expérience multisensorielle, et je voudrais accentuer ça au maximum. Je voudrais faire quelque chose de différent, pour le live. Faire une tournée dans des musées, par exemple. Peut être que j'arriverai ainsi à mieux penser ce projet comme de l'art que simplement de la musique.  Qu'est ce que tu vois, quand tu écoutes ta musique ?  Je vois beaucoup de formes. C'est très visuel pour moi. Mais maintenant, je peins de plus en plus dans ma tête des rêves. Depuis Zeros, c'est plus cinématographique. Et je veux continuer ce travail. 
Quel est le pire concert que tu aies fait ?  Oh (rires). On vient d'en faire un à Londres qui était assez mauvais. Les balances ont duré deux heures avec un mec qui n'avait aucune expérience et était perché ou je ne sais quoi. C'était assez stressant et on a failli annuler le concert à cause de ça. Et la première partie sonnait si mal qu'on a vraiment eu peur que ça fasse pareil avec nous. C'est le genre de truc qui peut ruiner ta réputation.  Ah ouais, tu fais vraiment attention au jugement des autres.  Bien sûr. C'est une question d'intégrité. 
Si tu étais une femme célèbre, qui serais-tu ?  Catherine Ribeiro. La chanteuse du groupes Alpes. Elle est née au Portugal, et elle vit en France. C'est une chanteuse incroyable, très touchante. 
Pour finir, est-ce que tu as une blague à raconter ?  Oh... J'en ai sorti la dernière fois mais. Ah oui. C'était une de mes préférées quand j'étais petit :  When does the police officer smell ? When he's on duty.   (rires)  Oh c'est tellement mauvais !