[Critique Cinéma] Tabou

Par Gicquel

Une vieille dame au fort tempérament, sa femme de ménage Cap-Verdienne et sa voisine dévouée à de bonnes causes partagent le même étage d’un immeuble à Lisbonne. Lorsque la première meurt, les deux autres prennent connaissance d’un épisode de son passé .


"Tabou" de Miguel Gomes

Avec : Teresa Madruga, Laura Soveral, Ana Moreira

Sortie Cinéma le 05/12/2012

Distribué par Shellac Distribution

Durée : 110 Minutes

Genre : Drame, Romance

Film classé : -

Le film :

Je crois que ce film fait quasiment l’unanimité. Moins une voix, la mienne. Je lui reconnais beaucoup de qualité, mais pas assez pour le hisser sur le piédestal qui lui semble désormais attribué. Je crois avoir compris que l’histoire principale (la seconde partie) se passait au moment de la colonisation portugaise du début du XX ème siècle. Une époque que le cinéaste fait revivre à travers ses décors, mais aussi sa façon de filmer, dans un format noir et blanc qui parfois se passe de bande son.

C’est le joli clin d’œil à un récit qui nous conte une belle et triste histoire d’amour interdit, dont je ne peux en dire plus ici, sous peine de mettre à mal un édifice bizarrement construit par un cinéaste audacieux.

Deux parties, donc, précisément marquées. Dans «  Les Paradis perdus » nous vivons de nos jours à Lisbonne, en compagnie d’une vieille dame un peu agaçante, avec sa servante du genre cerbère  et la  voisine qui le cœur sur la main est prête à tout pour lui venir en aide. Il y a chez la sexagénaire accro au jeu, un passé douloureux, qu’elle paie désormais, pense-t-elle, dans la torture coupable de quelques histoires pas bonnes à raconter.

Le second volet («  Les Paradis ») nous projette une quarantaine d’années en arrière dans l’Afrique portugaise où nous assistons à la reconstitution de ce passé qui tenaille notre héroïne.  De la nostalgie à la mélancolie, le cinéaste filme cette petite communauté portugaise assez insouciante dans une nature aussi sauvage que les aventures qu’ils se préparent à affronter, sans le savoir bien évidemment.

Nous sommes aux meilleures places, spectateurs privilégiés de la grande Histoire qui dévore la petite, avec ses fredaines et ses falbalas et la vie qui passe par-dessus tout ça pour dire qu’elle n’est qu’un mélodrame en sursis.

Cet aspect du film est à mon sens le plus réussi, le plus novateur, cinématographiquement abouti dans ce qu’il voulait se distinguer (et il y réussit pleinement) des productions actuelles. Mais comme il est suggéré un moment que «  la main est brute, et l’âme sensible » avait-t-on besoin en guise de préambule, de toutes ces digressions romanesques sur l’addiction, la culpabilité et la bienfaisance ?

Tout ça pour nous situer parfaitement la personnalité des acteurs  du drame à venir !  Mais sur le trio engagé dans cette première partie, seule l’héroïne revient ensuite sous les traits d’une jeune femme, belle, aimante, aimée.  Un caractère suffisamment bien dessiné, pour conduire la narration à son terme. Par excès d’une écriture pourtant parfaite, Gomes a lui aussi pêché.

En bref

Le film

Deux parties dans ce film qui pouvait très bien se jouer sur un seul volet. Mais original à tout prix, et après avoir un brin patiné, le réalisateur réussit malgré tout à nous entraîner dans son aventure cinématographique qui porte le jugement avant la reconstitution. C’est la belle idée de ce film réalisé, pour la seconde, à la manière de l’époque dans laquelle il se situe