Mini-jobs: l’innovation du modèle allemand a du plomb dans l’aile

Publié le 11 décembre 2012 par Eldon

« Comme en Allemagne », « En Allemagne », « Les Allemands », … Pas une semaine qui passe sans qu’on nous jette à la figure le modèle allemand. Regardez ces exportations mirobolantes, ce dynamisme haut de gamme, ces machines-outils extraordinaires  … et patin et couffin. Sauf que ceux qui en parlent ne veulent pas regarder  en coulisses. Comme pour les dragons asiatiques, vulgaires cocottes en papier quand on y regarde de plus près. Facile de faire des beaux chiffres en laissant la population sur le carreau.

C’est ce que faisait pourtant l’Afrique du Sud au temps de l’apartheid. Un PIB impressionnant, des exportations d’enfer, tous les clignotants au vert fluo. Sauf que ce pays  laissait  dans l’ornière les trois-quarts de la population sous prétexte qu’elle était noire. Insupportable bien sûr. Et pays européens en tête, tous l’ont dénoncé. Mais faut-il moins s’indigner pour autant si les exclus le sont pour d’autres raisons que la couleur de peau? Certainement pas. Et pourtant et pourtant, certains ne jurent que par le modèle allemand.

Bon alors ouvrons-leur les yeux encore une fois, histoire de. Une piqûre de rappel. Mini-jobs, mini travailleurs, mini salaires, maxi pauvres: le rêve d‘Agnès Verdier-Molinié et de ses acolytes de l’Ifrap.

Alors le mini-job, comment ça marche?  Ce n’est pas difficile.

Vous revenez au temps doré de la Sociale Démocratie (excusez-moi,  je tousse), 2003, 2005. Vous prenez un homme ou une femme. Vous lui faites signer un contrat d’adhésion de travail à temps partiel rémunéré 400 euros par mois (attention! grande nouvelle, ils passent à 450 en janvier 2013! 12% d’augmentation!Inouï!). Vous permettez à l’homme ou à la femme de cumuler ce mini-job avec un autre et vous l’imposez. Oui, oui. Vous avez bien lu. Vous l’imposez mais qu’à hauteur de 30% maxi, on est pas des bêtes. Salaire bien sûr exonéré de cotisations sociales (à ce niveau de rémunération on ne parle pas de charges) et vous ne limitez pas le nombre d’heures dues (en moyenne 15 heures soit un prix du travail de 6,7 euros/de l’heure). Et voilà!! Il est pas beau le job? Mini mais beau.

L’IFRAP d’Agnès (pardonnez cette familiarité mais on a parlé si souvent ici de Mme Agnès Verdier-Molinié qu’on s’en est pris d’affection) en avait fait une éloge dans un de ses articles, graphiques splendides à l’appui. On aurait préféré voir des photos des conditions de vie des mini-jobeurs, mais bon, on lui en veut pas à Agnès. Elle est mignonne. Sophistiquée mais mignonne. Gentille aussi.

Voici  en tout cas,  l’en tête de l’article de l’IFRAP consacré aux mini-jobs: « Le « mini-job » (ou minijob) -notez le souci du détail orthographique pseudo didactique et complètement futile, ndrl-  est un type de contrat de travail en Allemagne qui fait l’objet de nombreux débats. Accusés de remettre en cause la protection sociale et la notion d’égalité dans la société, les mini-jobs sont pourtant un concept innovant qui a fait ses preuves sur le marché de l’emploi. »

Excusez du rouge, mais avouez qu’Agnès, elle y va fort. « Concept Innovant ». Faudrait qu’elle relise ses vieux livres d’Histoire la petite Agnès quand même. Je sais pas, moi, les chapitres sur les esclaves au temps des pharaons ou le servage au Moyen-Age. Ou encore celui sur la Révolution Industrielle au 19 siècle. Ou « Germinal » de Zola tiens, un grand classique, ça la « culturera »… Sinon la géographie c’est bien aussi: le Bangladesh, le Maroc, les Philippinnes, la Chine, la Roumanie, ….

Et puis elle a été trop enthousiaste Agnès. On se rend  compte sur ces mini-jobs, que l’Allemagne commence à les payer. Faut dire qu’il y a plus de 7 millions de mini-jobers aussi. Ils ont eu la main  lourde les sociaux démocrates (requinte).

Déprime générale, consommation intérieure en chute libre dans tous les domaines, rupture du principe d’égalité, fondement de toute démocratie, démographie en berne (bien que cela ne soit pas la seule raison, mais on comprend sans rire que la libido en prenne un coup), paupérisation générale.

Et d’un point de vue plus pragmatique, les mini-jobs tirent, oh surprise, l’économie vers le bas: l’Institut de recherche sur l’emploi et le marché du travail, organe de recherche de la BA (Agence pour l’emploi allemande) met en évidence dans un récent rapport, « des indices évidents (selon lesquels) les minijobs  (oui , pénible le tiret, on fait comme Agnès l’a proposé, c’est vrai que c’est mieux) ont pris la place d’emplois soumis aux charges sociales ». Ainsi 70% des établissements de restauration emploient au moins 1 « minijobber », et ces derniers représentent 34% du nombre total de salariés dans ce secteur. Dans le commerce de détail, les chiffres sont respectivement de 63% et 23%. Les minijobbers représentent également 20% des employés d’entreprises de 1 à 9 personnes, et 15% dans celles de 10 à 99 personnes, mais seulement 5% dans celles de plus de 100 salariés.

Bref, l’Allemagne a créé ses propres travailleurs chinois qui explosent le marché du travail. Joliiiiiiii!

« Concept Innovant » . Agnès avait peut-être raison…

Source: Les Echos

A lire: L’Allemagne délocalise ses vieux - L’Humanité

Bonus: L’évolution du PIB en Allemagne où comment les mini-jobers se font avoir. Allez, sans rancune Agnès. A bientôt…

© Les Crises.fr