Denis Guedj publie «Les mathématiques expliquées à mes filles»

Publié le 07 avril 2008 par Guy Marion

Denis Guedj est mathématicien, professeur en cinéma et histoire des sciences à l'Université de Paris VIII. Mais il est aussi romancier. Il vient de publier Les mathématiques expliquées à mes filles aux éditions du Seuil. Entretien, à propos du rapport complexe - et complexé - que les gens ont généralement avec les mathématiques.
Le Temps: Quel est le constat qui vous a mené à écrire ce livre?
Denis Guedj: Il faudrait mettre les maths «en culture»: insister sur la pensée mathématique, sur les idées, sur les histoires qu'on y développe. Pour moi, elles sont un champ de fictions qui nourrissent mes romans. Je suis donc confronté à la manière dont les maths sont reçues par les gens. Avec le français, c'est la seule matière que l'on étudie tout au long de sa scolarité. Ce qui fait que tout le monde a quelque chose à dire à ce sujet. Chacun entretient un rapport fort, positif ou négatif, avec les mathématiques. Et ça ne manque presque jamais, au bout d'une minute de discussion, on me dit: «J'ai toujours été nul ou nulle en maths.» Et c'est une affirmation proclamée fièrement, revendiquée avec jouissance! Intrigant, tout de même.
- Pourquoi «expliquées à mes filles»?
- Simplement parce que j'ai 3 filles! J'aurais pu dire «à mes enfants». Mais bon, on ne peut pas ne pas parler du rapport différent que les femmes ont en général avec les maths. C'est une discipline où la nécessité de démontrer tout ce que l'on affirme est capitale, la rigueur y est extrême: cela peut être ressenti comme une violence. On peut se demander si certaines femmes ont moins de goût pour ce genre de rigueur ou si l'explication est uniquement sociale.
- On dit souvent que les femmes ont un plus grand besoin de voir l'utilité de leurs études et il n'est pas facile de voir l'utilité des maths...
- Peut-être. En mathématiques, l'utilité n'est pas posée en but premier, c'est aussi ce qui en fait la beauté. Chaque expression a un sens, elle exprime une idée, une affirmation, un résultat, une question... C'est aussi un langage: un cours de maths, c'est un peu un cours de langue. Si dans l'enseignement des maths, l'idée et le sens pouvaient être présentés en premier, et que les définitions et les démonstrations ne venaient qu'ensuite - ce qui est précisément la démarche du mathématicien: d'abord l'idée, ensuite seulement la formalisation -, alors les mathématiques seraient mieux acceptées et comprises.
- Alors comment abordez-vous la question dans votre livre?
- Il ne s'agit ni d'un cours de maths, ni d'une campagne publicitaire pour «vendre» les maths. J'ai d'abord le souci du plaisir de la lecture. Les deux personnages Lola, la fille, et Ray, le père, «existent» et échangent de façon non convenue sur des questions réelles: j'ai évité le questionnaire artificiel. Il y a des remises en question et une certaine insolence.
- Avec un père mathématicien, vos filles ont sûrement une idée précise des maths. Votre livre peut-elle les aider?
- Oui. Mes filles n'aimaient pas beaucoup les maths. Cela avait probablement à voir avec le réflexe sain qu'ont les enfants de refuser de se faire absorber par les activités de leurs parents. On a le droit de ne pas aimer les maths. Mais quel plaisir quand on les comprend!
Source : http://www.letemps.ch