[Critique] STAR TREK

Par Onrembobine @OnRembobinefr

Titre original : Star Trek

Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : J.J. Abrams
Distribution : Chris Pine, Zachary Quinto, Leonard Nimoy, Karl Urban, Zoe Saldana, Simon Pegg, John Cho, Anton Yelchin, Eric Bana, Bruce Greenwood, Tyler Perry, Chris Hemsworth…
Genre : Science-fiction/Action/Saga
Date de sortie : 6 mai 2009

Le Pitch :
L’USS Enterprise, le vaisseau spatial le plus sophistiqué de la galaxie, s’apprête à faire son premier voyage avec son nouvel équipage. Mais l’odyssée spatiale devient vite un périple de dangers quand les nouvelles recrues doivent tout faire pour empêcher le plan diabolique de Néro, un être maléfique menaçant l’humanité toute entière dans sa quête de vengeance. Le sort de l’univers est entre les mains de deux officiers que tout oppose : d’un côté, James T. Kirk, originaire de l’Iowa rural et tête brûlée en quête de sensations fortes et de l’autre, Spock, issu d’une société extraterrestre basée sur la logique et rejetant toute forme d’émotion. Quand l’instinct fougueux de l’un rencontre la raison pure de l’autre, une alliance improbable mais puissante sera formée, et sera seule en mesure de faire traverser à l’équipage des périls effroyables, là où personne n’est encore jamais allé…

La Critique :
Lors de la sortie du reboot tant vanté et universellement salué de la saga Star Trek en 2009, la devise principale galvaudée par les auteurs était le désir de « rendre Star Trek cool ! ». On n’a pas besoin d’être Mr. Spock pour voir d’emblée une énorme lacune dans la logique du marketing, à savoir l’utilisation du mot « cool ». La série Star Trek a été beaucoup de choses, mais elle n’a jamais été « cool ». Peut-être que c’était cool dans le sens où l’âge d’or de la science-fiction kitsch qui lui a succédé et la conquête optimiste de l’espace qui l’a précédé étaient cool. Mais la franchise n’a jamais été cool dans le sens qu’espéraient les actionnaires de Paramount pour cette nouvelle version : c’est-à-dire, le genre de « cool » apprécié par les spectateurs qui ont pris Fast and Furious pour l’avènement du Messie.

En effet, si Star Trek n’était pas « cool » dans le sens strict du terme, le marketing de son reboot n’était pas cool non plus. Promettant un re-looking dynamique bourré d’action de la série originale, avec des versions remises à zéro des personnages classiques qui semblent tout droit sortis d’un catalogue Abercrombie & Fitch, les bandes-annonces et les communiqués de presse s’étaient cassés la tête pour faire une campagne publicitaire en béton, prête à résister et à rejeter tout détracteur. On pense notamment à la condescendance de certains slogans publicitaires comme « This isn’t your father’s Star Trek » (« ce n’est pas le Star Trek de ton père ») pour décourager toute incertitude, et dépeindre quiconque osait évoquer le spectre du dernier demi-siècle d’existence de la saga comme étant des fanboys insatisfaits ou des no-life pleurnichards. Moi-même je ne suis qu’un Trekkie par intermittence (j’ai encore besoin d’Internet pour savoir ce qu’est un Vulcain), mais le fait que le studio ait passé autant de temps à dénigrer les fans qu’à promouvoir leur film n’est pas cool du tout.

Et tant qu’on y est, vous savez ce qui n’est pas cool aussi ? Un caméo de Tyler Perry. Dans Star Trek.

La bonne nouvelle, c’est que le film lui-même n’est pas mauvais. La mauvaise nouvelle, c’est que « pas mauvais » n’est pas la même chose que « suffisant ». Pris sur ses propres mérites en tant que long-métrage à part entière, l’œuvre de J.J. Abrams est d’une banalité profonde, avec un acharnement de stéréotypes et un manque sévère d’inspiration. C’est un film d’action cliché et bling-bling, qui se donne des airs de Star Trek et meuble le tout avec un maquillage superficiel de science-fiction et des petites blagounettes en guise de références. Il ne s’élève strictement jamais au-dessus de la moyenne, retombe souvent en-dessous, et sans le nom de la licence rajoutée à la sauce, personne n’en aurait quelque-chose à foutre.

Le problème essentiel, malheureusement, vient du côté du scénario. Difficile d’espérer grand-chose quand on voit que son écriture est attribuée au duo Roberto Orci et Alex Kurtzmann, dont la dernière mission de remanier une série geek en blockbuster mainstream avait aboutit à Transformers – qui, au risque de le rappeler, était l’une des pires atrocités du cinéma de la dernière décennie. Souvenez-vous : leur dernier scénario n’était même pas à la hauteur de l’héritage douteux d’une pub pour jouets. Et ceci sans compter le reste de leur travail qui, à l’exception de La Légende de Zorro et de quelques épisodes de Xena, a autant de valeur qu’un petit dèj’ de babouin.

Ici, les dommages infligés par Orci et Kurtzmann à l’un des Sacrés Graals de science-fiction intelligente de la culture américaine sont légèrement moins sérieux que ceux soufferts par Transformers, mais à peine : là encore, ils dépouillent la saga de tout sa nuance et sa mythologie pour créer une coquille vide qu’ils remplissent de blagues minables, de personnages transparents et d’intrigues simplistes toutes-planifiées, qui sont entièrement empruntées à d’autres films. En l’occurrence, la victime de pillage est, figurez-vous, Top Gun : dans la nouvelle continuité, le Capitaine Kirk joue le rôle de Maverick, rongé par une crise existentielle et hanté par la disparition de son père. Spock endosse la peau d’un Iceman désapprobateur, et le Capitaine Pike remplit les fonctions de Viper : l’homme à l’esprit dur mais formateur. Quelle originalité. Incroyable…

Pas loin de 90% de l’intrigue repose sur une série ahurissante de coïncidences improbables. Les nouvelles versions rajeunies de Kirk, Spock, Bones, Uhura, Scotty, Sulu et Chekov se rencontrent et se retrouvent dans leurs rôles célèbres grâce à des accidents du hasard qui semblent peu plausibles les premières cinq ou six fois, et complètement stupides les vingt suivantes. Tous ces moments aléatoires « parce que c’est comme ça ! » s’empilent rapidement les uns sur les autres et le film commence à sentir la puanteur corporelle des démons jumeaux du scénario paresseux : le Sort et le Destin.

Et tout ceci avant qu’un vieux Spock, ayant voyagé dans le temps, se mette à faire des speechs sur la destinée de l’univers, qui met l’affaire dangereusement en rapport avec les territoires de Star Wars/Le Seigneur des Anneaux/Excabilur, avec Kirk dans le rôle de Luke Skywalker/Aragorn/Arthur et le vieux Spock interprétant Obi-Wan Kenobi/Gandalf/Merlin. Avis aux scénaristes : on a tous ramassé, à un moment ou un autre, ce vieux tome du Héros aux mille et un visages de Joseph Campbell sur les protagonistes archétypaux, mais ça ne veut pas dire que c’est la seule source d’inspiration qui traîne dans les bibliothèques, quand même !

Sur le plan positif, Star Trek impressionne, c’est sûr. Quand le film ne ralentit pas pour se concentrer sur son récit crétin et dérivé, il devient souvent palpitant : c’est de loin l’épisode de Star Trek le plus beau et le mieux rythmé depuis l’opus Premier Contact. J.J Abrams a même appris comment filmer les scènes d’action depuis Mission : Impossible III, et si les tentatives d’insérer des clichés d’action dernier cri (des courses-poursuites à la Fast and Furious, du parachutisme tout droit sorti de Point Break et des combats à l’épée dignes de Tigre et Dragon) sont aussi débiles que prévues, le plus souvent le résultat est une vraie claque visuelle. Ceci dit, j’aimerais savoir qui a eu l’idée de décider que la passerelle de l’USS Enterprise doit ressembler à un Apple Store.

En ce qui concerne les acteurs, le bilan est mitigé : Karl Urban et Simon Pegg se démarquent du lot, et assurent un max dans les rôles de Bones et Scotty. Le film s’avachit lorsqu’ils ne sont pas à l’écran, ce qui est malheureusement le cas la plupart du temps. Le toujours-regardable Zachary Quinto se montre prometteur dans la peau de Spock, John Cho donne un nouvel élan rafraichissant au personnage de Sulu, et le Chekov d’Anton Yelchin est…incontestablement Chekov (son accent russe est sans faute!). Zoe Saldana fait ce qu’elle peut avec Uhura, mais à part une relation amoureuse avec Spock qui apporte un petit plus, le scénario ne lui rend pas justice : un personnage noir qui était jadis un point de repère monumental pour les femmes dans la culture populaire, a maintenant été transformé en stéréotype ennuyeux de la belle nana qui est juste là pour expliquer l’intrigue et nous montrer son soutien-gorge.

Le plus grand défaut est malheureusement crucial : le Kirk de Chris Pine a toute l’émotion d’une poupée Action Man. Le personnage est déjà un cliché ambulant et Pine semble incapable de l’investir avec un grain supplémentaire de profondeur. C’est déjà mal parti, mais le méchant Néro déçoit encore plus, interprété de façon insipide et oubliable par un Eric Bana en mauvaise forme. Son bad guy est doté d’une trame de fond assez astucieuse concernant le voyage temporel, qui n’existe vraiment que pour rassurer les Trekkies sur les changements de continuité, mais qui représente aussi la seule et unique tentative d’explorer les grandes idées de science fiction, une qualité pour laquelle la franchise était renommée. Le méchant ici est faiblard et reste dans son coin sans rien accomplir, essayant désespérément d’évoquer des mémoires transparentes de La Colère de Khan avec son équipage crasseux de vagabonds assoiffés de vengeance.

En fin de compte, Star Trek n’est pas mauvais, mais il n’est certainement pas génial non plus. Ironiquement, une saga qui a démarré avec des concepts ambitieux et des scénarii malins compensant par des décors kitsch et ringards a sacrifié le cerveau pour la brute, pour devenir un spectacle tape-à-l’œil de son et de furie, avec un budget monstrueux, un scénario torchon et des personnages inintéressants. Pourtant, il a l’étoffe et le potentiel pour être quelque-chose de grand, et après tout, les films Star Trek précédents n’ont pas atteint leur rythme de croisière avant le second volet. C’est correct, ça sauve les meubles, ça vaut la peine d’y jeter un œil, mais comment dire : un récit qui est mal raconté et un héros en carton ne sont pas exactement des problèmes mineurs pour être surmontés par une nouvelle franchise. On verra la prochaine fois…

@ Daniel Rawnsley

Crédits photos : Paramount Pictures France