OGM : rebondissements dans l’affaire Séralini

Par Copeau @Contrepoints

Étude de Séralini et al. sur les rats nourris au maïs NK 603 : après la manipulation médiatique, l’intimidation judiciaire !
Par Anton Suwalki.

Dans la catégorie de la mauvaise science et des études nullissimes, celle de Séralini et al. sur les rats nourris au maïs NK 603 est sans doute exemplaire. Mais ce qui l’a rendue vraiment exceptionnelle, c’est l’extraordinaire mise en scène médiatique dont se sont entourés ses auteurs pour prendre en otage l’opinion publique et tenter de verrouiller la critique scientifique.

Pour autant, les scientifiques ont fait leur boulot. L’étude a été comme il se devait déboulonnée par un grand nombre d’agences sanitaires sur le plan français et international, par les représentants de 6 académies françaises ou des sociétés savantes telles que la Société Française de Pathologie Toxicologique , et par un nombre inhabituel de contributions individuelles de scientifiques. Fait rare, des syndicats et des associations de journalistes se sont élevés contre ceux de leurs confrères, en particulier le Nouvel Observateur, qui ont aidé le CRIIGEN dans le montage de son opération de propagande.

Les optimistes qui devant ces saines réactions pouvaient espérer la page tournée doivent maintenant déchanter. La comédie continue. Le CRIIGEN, qui ne pouvait que perdre sur le terrain de la science compte tenu de l’indigence de son étude, tente de l’obtenir en relançant la machine médiatique, à partir d’une conférence de presse organisée le 15 janvier par Corinne Lepage, sa « présidente d’ honneur » (c’est comme cela que l’on dit) au parlement européen. Un communiqué sur le site du CRIIGEN confirme les nouvelles manœuvres en cours :

1/ Un formidable coup de bluff :

Le CRIIGEN se réjouit de la confirmation des recherches de l'équipe du Pr. Séralini, publiées en septembre dernier sur la toxicité à long terme du principal herbicide du monde, le Roundup, et d'un maïs OGM qui l'absorbe sans mourir, deux produits de la firme Monsanto. Cette étude a été une des plus consultées au monde depuis septembre 2012 (Food and Chemical Toxicology, 50 (2012), 4221-4231). Non seulement elle a été maintenue dans sa publication par une des meilleures revues de toxicologie au monde, malgré des pressions incessantes, mais aussi les réponses détaillées à toutes les critiques viennent d'être publiées par le même éditeur (Food and Chemical Toxicology (2013), en ligne).

Les recherches du professeur auraient donc été « confirmées » : que le lecteur distrait qui penserait que cela signifie que ses résultats auraient été reproduits, ou même simplement reconnus comme recevables par une fraction significative des spécialistes, se détrompe. Il n’y a eu à notre connaissance aucun soutien à cette étude sur le plan technique et méthodologique, à part un certain Paul Deheuvels qui ne l’avait manifestement pas lu. Même si les soutiens habituels de Gilles-Éric Séralini, tels que Jacques Testard, ont été obligés de reconnaître ses défauts, ce qui est un euphémisme, tout en la soutenant parce qu’elle aurait le mérite de mettre en évidence les carences des autres études, ce qui est un crime contre la logique. Le seul fait que l’éditeur de l’étude l’ait maintenu, au risque de porter atteinte à la réputation de Food and Chemical Toxicology, vaut confirmation de l’étude pour Gilles-Éric Séralini ! Soulignons enfin que lorsque l’on considère qu’une étude est confirmée parce qu’elle a été « une des plus consultées au monde », on confond manifestement les critères de la science avec ceux du Hit Parade.

2/ Le CRIIGEN a remis « solennellement » à un huissier les données brutes de l’étude. De toute façon, celles-ci ne servent à rien, si l’on considère le fait qu’il a fallu les torturer pour leur faire dire ce que Gilles-Éric Séralini voulait qu’elles disent. Cette démarche ne sert qu’à tenter de donner du crédit à la thèse de la dissimulation de choses graves par les agences sanitaires :

Nous allons prendre en 2013 d'autres mesures judiciaires appropriées afin notamment de faire toute la transparence sur les données toxicologiques cachées et laxistes qui ont permis, via les agences sanitaires, d'obtenir les autorisations de commercialisation des produits que nous avons testés, entre autres. Pour donner l'exemple, nous déposons nos données brutes auprès d'un huissier de justice, très solennellement. Nous les rendrons publiques dès que les agences ou Monsanto auront fait de même pour les leurs, et que les gouvernements y auront consenti. Ceci permettra vraiment à l’ensemble de la communauté scientifique de disposer de toutes les données toxicologiques existantes sur ces produits industriels, afin que s’opère une véritable expertise contradictoire et transparente, et non plus une pseudo-expertise biaisée par des groupes de pressions plus soucieux de leurs intérêts que de la santé publique.

Un comble de cynisme lorsqu’on sait que Séralini lui-même n’a eu aucun mal à obtenir de l’EFSA les données sur le maïs NK 603, et que leur accès public a déjà été accordé à six reprises à diverses parties, en clair : à ceux qui ont fait la demande. Sûr que le fait que l’EFSA mette désormais directement en ligne toutes les données de ses évaluations ravirait mon coiffeur !

3/ Le CRIIGEN annonce enfin qu’il va recourir une nouvelle fois à l’intimidation judiciaire.

Par ailleurs, nous avons déposé fin 2012 des plaintes en diffamation contre les assertions de "fraude" et "données falsifiées" publiées respectivement dans Marianne et La Provence par Jean-Claude Jaillette et Claude Allègre.

Selon nos informations, d’autres journalistes seraient dans le collimateur. En fait, dans l’interview de Claude Allègre vraisemblablement incriminée, il est question de « travail falsifié », et non de « données falsifiées ». Le travestissement des propos d’Allègre (falsification ?) n’est évidemment pas innocente.

Quant aux accusations portées contre Jean-Claude Jaillette, celui-ci s’en explique :

Nous aurions qualifié l’étude de fraude. En réalité, Corinne Lepage et Gilles-Éric Séralini me reprochent d’avoir rapporté les propos de scientifiques américains publiés dans le magazine Forbes (titré « Scientists Smell A Rat In Fraudulent Genetic Engineering Study »).

Soulignons que le « parfum de fraude » évoqué par les scientifiques américains est un jugement assez caractéristique de l’état d’esprit anglo-saxon, peut-être moins enclins à mettre des gants qu’ici, selon Alain de Weck, immunologue et allergologue réputé :

Le hasard organisé consiste à choisir, dans une série de résultats aléatoires, ceux qui soutiennent votre hypothèse de départ et à ignorer les autres. C’est exactement ce qu’ont fait Séralini et al et qui a été remarqué par beaucoup de critiques. Pour quiconque a l’habitude de l’expérimentation animale ou biologique, cela se voit comme le nez au milieu de la figure mais cela semble quand même avoir échappé à beaucoup. Cette pratique du hasard organisé est une tentation assez fréquente mais elle est le plus souvent réprimée par réflexion et autocritique : l’œuf pourri est étouffé avant d’être pondu. Dans le cas particulier, Séralini nous a fait manger toute une omelette d’œufs pourris. Et c’est cela qui constitue sa faute réelle, la propagation de conclusions dramatiques sur des bases inexistantes. Pour les anglo-saxons et bien d’autres, ce genre de comportement est clairement qualifié de fraude scientifique.

En réaction à cette plainte, Jean-Claude Jaillette se demande :

Quel crime ! Comme si, pour un journaliste, rapporter des propos équivalait à les reprendre à son compte ! À ce compte-là, toute interview deviendrait impossible, sous peine de risquer des poursuites dès qu’un propos rapporté contrarierait les intérêts de ceux qu’ils visent. Autrement dit, l’exercice de la mission des journalistes, informer, rapporter ce qu’ils voient et qu’ils entendent, autrement dit permettre le débat et la vie démocratique, deviendrait impossible. Est-ce cela que souhaite le Criigen ?

Mais oui, M. Jaillette, c’est bien de cela dont il s’agit ! Toute l’activité passée et présente du CRIIGEN démontre qu’ils ne conçoivent la presse et les médias que comme leurs instruments de propagande exclusive, et qu’ils ne se privent pas d’utiliser à des fins diffamatoires. Fort heureusement pour eux, les scientifiques qu’ils calomnient régulièrement par voie de presse interposée sont moins procéduriers, et ils considèrent de toute manière que les controverses scientifiques ne se résolvent pas devant des tribunaux incompétents en la matière.

En guise de vœux pour cette nouvelle année, nous souhaitons donc un échec cuisant à cette nouvelle tentative d’intimidation.

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