Divers usages des réseaux sociaux par les médecins

Publié le 21 janvier 2013 par Fabricevezin @FabriceVezin
Il semblerait bien que les professionnels de santé et les médecins en particulier, ont adopté l’usage des réseaux sociaux dans leur pratique d’internet.
Et qui plus est, cela devient un élément important de leur pratique professionnelle.
Avec des particularités toutefois, sur la typologie des réseaux sociaux utilisés (réseaux sociaux généralistes Vs réseaux sociaux de santé), et sur l’acquisition ou l’usage de ces nouveaux supports dans la pratique professionnelle.

Un échange entre pairs

C’est ce que semble traduire les dernières enquêtes réalisées ces derniers mois sur le sujet. Notons par exemple, le premier observatoire sur l’usage des réseaux sociaux par les professionnels de santé, réalisé par  SanteConnect en fin d’année 2012.

Cette enquête indique les fonctionnalités qu’utilisent les professionnels de santé au sein des réseaux sociaux ; actualités, partage de connaissance, emploi, développement de ses relations….tournant principalement autour de la mise en relation et partage d’informations entre pairs.

Les réseaux sociaux en avance dans les milieux hospitaliers

On peut avoir ainsi quelques exemples d’établissements hospitaliers français s’étant lancés dans l’utilisation des réseaux sociaux généralistes (Facebook, Twitter et YouTube), à l’aide d’une infographie réalisée par l’agence Lauma Communication. On y apprend que 21% des CHU, CHR et établissements associés sont présents sur les réseaux sociaux.

Chez les seuls CHU et CHR, ce pourcentage monte à 72%.  L’article présente quelques précisions intéressantes, ainsi on apprend que :
Les établissements, CHU et CHR sont présents sur les réseaux sociaux, en moyenne, depuis mars ou avril 2011 et certains depuis 2008 (les CHU de Lille, Rennes, Toulouse… pour Facebook, le CHU de Limoges pour YouTube).

Qu’une vraie diversité en termes de stratégie et de présence sur les médias sociaux est de mise. Certains CHU ou établissements ont décidé d’être présents sur l’ensemble du paysage 2.0 (Nîmes, Limoges…) alors que d’autres privilégient un média plutôt qu’un autre (l’AP-HM avec sa chaîne YouTube, totalisant déjà 372 249 vues).

L’hôpital Necker Enfants Malades, se distingue particulièrement sur les réseaux sociaux, avec une présence sur Facebook et Twitter via une véritable stratégie éditoriale et événementielle suscitant ainsi une véritable conversation en ligne avec les internautes.


Cela étant, on peut s’interroger sur le faible pourcentage d’établissements de santé se manifestant sur les réseaux sociaux, côté français.
Mais qu’en est-il ailleurs ?

Les médecins européens en retard sur les réseaux sociaux

C’est ce que révèle l’étude menée en 2012 par Cegedim Strategic Data, spécifiant même que les médecins des pays émergents utilisent davantage les réseaux sociaux et les communautés médicales online que leurs homologues européens. Pointant même plus particulièrement le retard pris par l’Italie et la France, dans l’utilisation des médias sociaux, des communautés médicales en ligne et d’Internet pour le networking professionnel.

Sur ces 3 aspects, l’étude précise que concernant :
- Les médias sociaux publics
Ce sont les médecins indiens qui fréquentent le plus les médias sociaux publics tels que Facebook (le plus fréquemment utilisé) , Twitter et LinkedIn, à des fins professionnelles (58%).
- Les sites communautaires médicaux dédiés
Ce sont les médecins japonais qui utilisent le plus des communautés médicales en ligne (78%). Les places suivantes sont occupées par les pays émergents.
L’ Italie et la France sont à la dernière place en termes d’utilisation, confortant ainsi les résultats de l’observatoire SanteConnect cité ci-dessus.
- Internet pour le networking professionnel
L’utilisation de l’Internet pour le networking professionnel est particulièrement importante en Inde (65%) et au Brésil (56%). Concernant la France, le constat est identique à celui cité précédemment.

Les médecins français sont peut être en retard sur les réseaux sociaux…mais pas absents.
Et ils se font entendre !

En effet, la fin de l’année 2012 n’a-t-elle pas été marquée par le mouvement de contestation des 24 médecins blogueurs contre la décision du gouvernement au sujet des déserts médicaux.

Contestation qui n’a pas tardé à se développer sur les réseaux sociaux que sont Facebook et Twitter. A tel point que la ministre des Affaires sociales et de la Santé, Marisol Touraine a du répondre par tweets directement et recevoir les médecins blogueurs le 22 novembre dernier.  @MedecinsPigeons / #PrivésDeDéserts / http://www.facebook.com/groups/lesmedecinsnesontpasdespigeons/

Pour en savoir plus sur les médecins blogueurs, je vous invite à (ré) écouter l’émission de radio « Place de la Toile » diffusée en juin 2012, consacrée aux médecins blogueurs.

On le voit, de manière individuelle et spontanée, certains médecins ont déjà investi cette sphère des réseaux sociaux.
Il restait à l’Ordre des médecins de statuer autour de règles de conduite pour la profession quant à l’usage des réseaux sociaux au sein de l’activité médicale.
La réponse vint en décembre 2011 avec la parution du livre blanc : la déontologie médicale sur le web, où un chapitre entier est consacré au sujet « 3.4 – Le médecin, les sites communautaires, les blogs et les réseaux sociaux. L’identité du médecin sur le web ».

En synthèse, il y est spécifié de faire un usage responsable des médias sociaux numériques. Extrait :
« Les médias sociaux numériques, espaces publics
Leurs utilisateurs doivent connaître et mettre en œuvre les paramétrages de confidentialité afin de maîtriser la divulgation des informations personnelles qui les concernent.
Les médecins doivent refuser toute sollicitation de patients désireux de faire partie, à ce titre, de leur réseau social en ligne. Les médecins doivent se montrer vigilants sur l’image qu’ils donnent d’eux-mêmes et par conséquent de l’ensemble du corps médical ; ils ne doivent pas agir de manière à déconsidérer la profession.
La liberté d’expression des médecins, comme de tous citoyens, s’arrête là où commencent l’injure et la diffamation. Ils doivent en outre ne pas se prêter à la diffusion prématurée d’informations sur des techniques, des procédés ou des traitements non éprouvés. Ils doivent toujours agir selon le principe éthique de bienfaisance.
Les médecins doivent protéger la confidentialité de leurs patients. Le Cnom conseille aux médecins publiant sur les médias sociaux d’assumer leur identité. Il admet toutefois l’usage de pseudonymes, dans un contexte distinct du strict exercice professionnel. Le recours à un pseudonyme doit impliquer les mêmes conditions éthiques que lorsque l’identité est connue ; il doit faire l’objet d’une déclaration auprès de l’Ordre.
Le Cnom prévoit de créer un répertoire national dans l’objectif d’enregistrer la qualité de médecin sous l’usage d’un pseudonyme, sans lever l’anonymat. Les médecins modérateurs de forums santé grand public doivent veiller à ce que leurs interventions ne soient pas assimilées à des avis d’experts ; ils doivent rappeler, le cas échéant, la nécessité d’une consultation médicale appropriée. Le contenu de leurs messages engage leur responsabilité.

Les réseaux professionnels fermés au public
La participation à ces espaces collaboratifs est soumise à une inscription par laquelle les médecins doivent justifier leur statut professionnel. Leurs éditeurs doivent mettre en place des systèmes d’authentification reliés au tableau de l’Ordre.
Le médecin doit veiller à ce que les règles d’utilisation et la finalité de ces plates-formes soient clairement précisées. Il doit connaître les sources du financement, et respecter la réglementation en vigueur sur les relations médecins industries. Ils doivent protéger la confidentialité de leurs patients à l’occasion de la discussion de cas cliniques. »

Une « prudence » affichée qui contraste avec l’usage des réseaux sociaux par certains établissements de santé situés Outre-Atlantique (voir chapitre ci-dessous).

Des raisons à ce retard ?

En tout cas, la principale cause n’est pas à rechercher du côté d’une quelconque réticence des patients, si l’on suit les résultats de l’étude « Social Media likes healthcare » menée par PwC en 2012.
Etude très intéressante sur les usages des internautes à propos de la santé.
Et qui indique notamment que les internautes sont globalement pour que les médias sociaux s’invitent dans les questions de santé. Notamment, par exemple, via la mise en place de réseaux sociaux de médecins où ceux-ci peuvent demander des conseils sur un patient à leurs pairs.  Sur ce point, 54% des internautes interrogés sont à l’aise avec ça, et 23% n’ont pas d’avis.

Sur l’aspect de la transmission d’informations, l’étude révèle également que les internautes font confiance aux informations diffusées par les docteurs et les hôpitaux.
Pour les données privées, les internautes sont plus prêt à les partager avec des docteurs ou hôpitaux qu’avec des entreprises pharmaceutiques.

Une étude datant de décembre 2012, menée par Demi & Cooper Advertising and DC Interactive Group, montre que 45% des patients sondés se disent susceptibles de partager sur les réseaux leur satisfaction après un séjour à l’hôpital. Et 40% se disent enclins à partager une mauvaise expérience vécue dans un établissement. 41% des sondés précisent que les réseaux sociaux peuvent influencer leur choix d’un docteur ou d’un établissement de soins.

L’usage des réseaux sociaux aux Etats Unis

Selon une étude menée par Power DMS sur l’usage des réseaux sociaux par les professionnels de la santé aux Etats-Unis, on dénombre 1229 hôpitaux américains utilisant les réseaux sociaux. (D’après l’étude menée par Demi & Cooper Advertising and DC Interactive Group, 26% des hôpitaux américains sont présents sur les réseaux sociaux, dont 84% sur Facebook, 64% sur Twitter, 46% sur YouTube et 12% sur un blog.)
Power DMS nous apprend également que 67% des membres du corps hospitalier les utilisent à titre professionnel.
Et fait remarquable, il s’avère que 33% des professionnels indiquent avoir reçu une invitation de la part d’un de leur patient pour devenir « amis » sur Facebook, et qu’un tiers d’entre eux acceptent cette sollicitation.

Devant cette situation, et à l’instar du CNOM en France, l’AMA (American Medical Association) a spécifié des guidelines destinés aux professionnels de la santé les incitant notamment à « maintenir une limite claire dans la relation patient-médecin en accord avec la charte éthique et professionnelle établie » et « à distinguer les contenus personnels des contenus professionnels ».

L’exemple de la Mayo Clinic
Au sein de la clinique américaine, les réseaux sociaux sont utilisés comme un moyen de poursuivre la conversation avec le patient.
A tel point que la Mayo Clinic a mis au point un cursus de formation aux réseaux sociaux, destiné en priorité au personnel soignant. Cette formation fait suite aux retours très positifs de la stratégie d’utilisation des réseaux sociaux pour améliorer la relation patient-médecin mise en place par les praticiens de la clinique.
Voir ci-dessous, les explications du Dr Farris Timimi, cardiologue à la Mayo Clinic, indiquant notamment que les réseaux sociaux font autant partie de son métier que les soins médicaux proprement dits.

La Mayo Clinic a créé socialmedia.mayoclinic  où sont diffusées de nombreuses informations sur les réseaux sociaux.
Elle y met également à disposition une liste des établissements de santé américains présents sur les réseaux sociaux : Health Care Social Media List . Certains établissements situés sur d’autres continents sont également cités.

Un partage d’information allant jusqu’à la salle d’opération
L’équipe médicale de l’hôpital Memorial Hermann de Houston, au Texas, a décidé d’aller au bout de la logique de partage d’information et de la relation avec les patients en racontant en live le déroulement d’opérations chirurgicales via Twitter.

Après avoir live-tweeté une opération à cœur ouvert* (plus de 5 000 personnes avaient suivi l’opération en direct sur Twitter), l’hôpital Memorial Hermann a diffusé en mai 2012, sur les médias sociaux, une ablation d’une tumeur du cerveau.

Pour cette opération d’envergure, plusieurs réseaux sociaux ont été utilisés, avec le compte Twitter @houstonhospital pour le live-tweet animé par un spécialiste des tumeurs du cerveau qui commente l’opération et répond à toutes les questions (hashtag #MHbrain), avec Pinterest pour les photos, avec Storify pour le best-of de l’acte chirurgical de l’année, et avec YouTube pour les vidéos directement enregistrées via le microscope opératoire du praticien responsable de l’acte chirurgical.

* Pour consulter une partie de tweets échangés lors de l’opération chirurgicale en direct via les réseaux sociaux : http://mashable.com/2012/02/23/tweeted-open-heart-surgery/

Les plus optimistes diront sans doute, que c’est un moyen efficace d’avoir des nouvelles du ou de la patiente, sans avoir à faire les cent pas en salle d’attente…

Et vous, qu’en pensez-vous ?

Sources / références :

 http://www.mypharma-editions.com/medias-sociaux-communautes-medicales-en-ligne-les-medecins-europeens-a-la-traine

Le livre blanc du CNOM

http://mashable.com/2012/12/18/social-media-mobile-healthcare/

http://www.ama-assn.org/ama/pub/physician-resources/medical-ethics/code-medical-ethics.page

Pour aller plus loin sur le sujet :
Les réseaux sociaux : le nouveau défi de la communication institutionnelle hospitalière

Les hôpitaux américains prennent leurs marques sur les médias sociaux